L'insouciance
Résumé éditeur
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l’avis des lecteurs
De retour d’Afghanistan où il a perdu plusieurs de ses hommes, le lieutenant Romain Roller est dévasté. Au cours du séjour de décompression organisé par l’armée à Chypre, il a une liaison avec la jeune journaliste et écrivain Marion Decker. Dès le lendemain, il apprend qu’elle est mariée à François Vély, un charismatique entrepreneur franco-américain, fils d’un ancien ministre et résistant juif. En France, Marion et Romain se revoient et vivent en secret une grande passion amoureuse. Mais François est accusé de racisme après avoir posé pour un magazine, assis sur une œuvre d’art représentant une femme noire. À la veille d’une importante fusion avec une société américaine, son empire est menacé. Un ami d’enfance de Romain, Osman Diboula, fils d’immigrés ivoiriens devenu au lendemain des émeutes de 2005 une personnalité politique montante, prend alors publiquement la défense de l’homme d’affaires, entraînant malgré lui tous les protagonistes dans une épopée puissante qui révèle la violence du monde.
Ma lecture
Je pense que c’est acquis pour moi : Karine Tuil fait partie des autrices qui s’interrogent et nous interrogent sur les hommes et notre monde et L’insouciance en est une fois de plus la démonstration. Cette lecture tombait en pleine période où notre insouciance depuis deux ans est mise à rude épreuve et encore plus depuis quelques jours….. Nous n’avions pas conscience de notre bonheur (tout en restant relatif) et c’est à travers trois personnages qu’elle expose et interroge nos consciences. La bombe est là, inoffensive jusqu’au jour où la goupille saute…..
Il faut vingt ans pour construire une réputation et cinq minutes pour la détruire.(p213)
Warren Buffett (homme d’affaires américain)
Il y a Osman Diboula d’origine ivoirienne, qui, grâce à son travail de médiateur dans les banlieues, a été remarqué et s’est vu promu à un poste de conseiller dans le cercle très fermé qui entoure le Président de la République, cercle dans lequel il a rencontré sa compagne Sonia, une métisse qui elle a gravi les échelons grâce à ses diplômes, mais l’on sait que dans les sphères du pouvoir politique, les chaises sont tournantes et un mouvement d’humeur suite à une remarque sur sa couleur de peau va le reléguer au rang dont il est issu.
Les rapports humains ne se déroulaient plus que sur le mode de la rentabilité, de la réciprocité, de l’efficacité et de l’intéressement. On vous donnait si vous pouviez offrir. On vous proposait si vous pouviez rendre. Plus vous montiez dans l’échelle sociale, plus vous étiez convoité. Vous descendiez d’une marche et le monde se dispersait. (…) Il avait été comme eux, un ambitieux, heureux d’en être (…) Et voilà qu’il se trouvait dans la situation des excommuniés. (p130)
Parmi ses amis issus de la banlieue, il y a Romain Roller, un lieutenant de l’armée française, marié et père d’un jeune enfant, de retour d’Afghanistan où il a perdu des hommes (perte dont il se sent en partie responsable) et vu un de ses amis devenir tétraplégique.
Il y a les vivants et les morts, et au milieu d’eux, les morts-vivants, ils sont là, devant vous, ils vous parlent, ils mangent, ils font leur travail mais ils n’appartiennent plus tout à fait à ce monde-là, ils sont passés de l’autre côté et sont revenus, ils ont vu ce que vous ne verrez jamais, ont entendu les cris de la douleur profonde, il ne sont pas des vôtres. (p240)
Romain s’en est mieux sorti, apparemment, et rencontre, lors de son séjour à Chypre pour « décompresser » Marion Decker, une écrivaine-journaliste dont il tombe éperdument amoureux. Marion est mariée à François Vély, plus âgé qu’elle, un homme d’affaires puissant mais qui s’est créée une nouvelle identité pour échapper à un passé identitaire dans lequel il ne se reconnaît pas.
Trois hommes reliés d’une manière ou d’une autre (sans oublier Manon) et qui ont en commun un basculement dans leurs vies…. ll y avait la vie d’avant celle de l’insouciance, de la réussite, du bonheur et puis il y a celle d’après pour chacun, la vie qui bascule quand les événements s’emballent, quand on remet en question son identité celle que l’on pensait avoir et celle que l’on vous « colle », celle pour laquelle on était prêt à combattre, oui l’identité est finalement le thème central du roman. Quand la couleur de peau vous relègue à la discrimination qu’elle soit positive ou négative comme un outil de manipulation pour des enjeux stratégiques dans un sens ou dans l’autre. Quand la guerre et ses dégâts collatéraux mais également une rencontre remettent tout en question, tout ce que vous aviez construit, tout ce en quoi vous aviez cru. Quand ce que vous aviez tenu à dissimuler vous explose à la figure et qu’en des temps troublés l’identité vous catégorise, vous désigne d’office.
Karine Tuil décide de faire de ses protagonistes le reflet d’une époque où la question de l’identité est au centre des combats, moraux et physiques, où les humains doutent de leurs propres désirs, espoirs, dans ce qu’ils croyaient avoir construit et qui par un concours de circonstances, par un conflit, par une rencontre vont se réduire à néant ou tout remettre en question.
L’héroïsme, c’est ce qu’il reste aux soldats quand ils ont tout perdu. Une petite médaille morale, le hochet de la hiérarchie militaire (p480)
C’est un roman profondément ancré dans notre époque avec ce qu’elle comporte d’hypocrisie politique, de jeux de pouvoirs, de combats en terre étrangère, de sacrifices humains mais également des stigmatisations dont sont l’objet certains, dont ils doivent soit se défendre soit se détacher pour conserver ou atteindre ce qui leur paraît être la réussite et la reconnaissance allant jusqu’à savoir où mettre le curseur de l’acceptation pour réussir.
Tour à tour, chacun des trois hommes, Osman, Romain et François vont être mis face à leurs ambitions, leurs contradictions et réagiront avec l’énergie du désespoir ou de la revanche, l’autrice leur offrant le choix des armes avec lesquelles combattre, survivre et nous propose, une fois de plus, un regard sans complaisance et réaliste sur le pouvoir, la puissance, l’identité et comment ceux-ci peuvent vous broyer sans pour autant rester dans ce cercle « élitiste » dont chacun veut sa part.
C’est un roman dont on garde, comme les personnages, des cicatrices, dont on ne ressort pas indemne une fois la dernière page tournée, car une fois de plus elle nous place en tant que témoin d’un monde dans lequel nous vivons. La plume est ferme et ne faiblit pas, elle dénonce les maux de nos sociétés qu’ils soient financiers, catégoriels, racistes à travers des héros ordinaires face à la société mais également face à eux-mêmes, des hommes et une femme qui ont perdu l’insouciance dans laquelle ils pensaient vivre (un peu comme nous actuellement) et qui basculent sur l’autre versant, celui du combat et de la réalité, plus dur, plus abrupt, plus sombre, celui de la conscience d’un monde où rien n’est acquis, où rien n’est sûr et dans lequel tout chacun peut un jour se retrouver.
C’est l’obstacle sur lequel tous les êtres humains butent un jour ou l’autre. Peut-être qu’il ne faut pas chercher à être heureux mais seulement à rendre la vie supportable. (p510)
Coup de coeur car cela se lit comme un thriller mais dont les enjeux et les thèmes abordés ne sont pas du domaine de l’imaginaire. C’est une étude et analyse de trois vies de notre temps, que ce soit sur le plan professionnel, sociétal, psychologique et même politique, un récit maîtrisé de bout en bout et qui laisse un goût amer une fois refermé, le goût de la désillusion et des idéaux perdus.
Où?
Le roman se déroule principalement à Paris, mais aussi à Clichy-sous-Bois, dans la Vallée de Chevreuse, dans les Alpes, à Paphos, sur l’île de Chypre, à New-York, à Southampton, en Israël, en Afghanistan, en Irak.
Quand?
L’action se situe de 2001 à nos jours.
Ce que j’en pense
Parmi les ouvrages favoris des Prix littéraires, Karine Tuil figure en bonne place. Un choix parfaitement justifié tant l’auteur parvient à tenir son lecteur en haleine tout au long des 528 pages de L’Insouciance, faisant de cet ambitieux roman un «page-turner» formidablement efficace.
Les premiers chapitres nous présentent les personnages qui vont se croiser au fil du déroulement de ce récit, à commencer par le baroudeur Romain Roller qui revient d’Afghanistan, après avoir déjà traîné sa bosse dans d’autres points chauds de la planète. Avec ce qu’il reste de sa troupe, il se retrouve dans un hôtel de Chypre, afin de décompresser et se préparer à retrouver la «vie normale». Un programme dont les vertus ne sont pas évidentes, faisant côtoyer de grands traumatisés avec de riches touristes.
Le second personnage a 51 ans. Il s’appelle François Vély. On pourrait y reconnaître un Vincent Bolloré, un Bernard Arnault ou encore un Patrick Drahi, bref un tycoon qui est à la tête d’un groupe de téléphonie mobile qui s’est développé à partir du minitel rose et dont les marottes sont les médias (il vient de racheter un grand quotidien) et l’art contemporain (il aime parcourir les salles de vente).
Vient ensuite Osman Diboula. À l’opposé de François Vély, ce fils d’immigrés ivoiriens a grandi dans la banlieue parisienne la plus difficile. Toutefois, grâce à son engagement – il avait créé un collectif, «avait imaginé des sorties de crise, présenté les quartiers en difficulté sous un autre jour» et était devenu porte-parole des familles lors des émeutes de Clichy-sur-Bois. Du coup les politiques s’intéressent à lui et lui va s’intéresser à la politique. Il gravit les échelons jusqu’à se retrouver dans les cabinets ministériels. Mais n’est-il pas simplement le black de service, chargé de mettre un peu de diversité au sein du gouvernement ? À ses côtés une femme tout aussi ambitieuse ne va pas tarder à le dépasser dans les allées du pouvoir.
Puis vient Marion Decker, envoyée spéciale sur les zones de guerre. Jeune et jolie, «il y avait de la violence en elle, un goût pour la marginalité qui s’était dessiné pendant l’enfance et l’adolescence quand, placée de famille d’accueil en famille d’accueil, elle avait dû s’adapter à l’instabilité maternelle, une période qu’elle avait évoquée dans un premier roman remarqué, Revenir intact, un texte âpre, qui lui avait permis de transformer une vie dure en matière littéraire». Ce caractère trempé fascine François Vély qui n’hésite pas à délaisser son épouse pour partir à la conquête de la journaliste. Il l’invitera pour quelques jours à Chypre.
Dès lors le roman peut se déployer, jouer sur tous les registres du drame et de la comédie, et ce faisant, dresser un état des lieux de ce XXIe siècle commençant.
Le lieutenant Romain Roller craint de retrouver sa femme Agnès, sa famille et ses amis. Pris dans un stress post-traumatique, il essaie vainement d’oublier son cauchemar. Quand il croise Marion, c’est pour lui comme une bouée de sauvetage. Dans ses bras, il oublie ses plaies et sa culpabilité, ayant survécu à l’embuscade mortelle dont son bataillon a été victime et dont le récit-choc ouvre le roman. Il fait l’amour avec la rage du désespoir et se sent perdu dès qu’elle le quitte pour sa «vraie vie».
Car ce n’est vraiment pas le moment de quitter François Vély. Le capitaine d’industrie est pris dans une sale affaire, après la publication d’un entretien illustré par une photo le montrant assis sur une chaise représentant une femme noire «soumise et offerte». Lui dont la famille a voulu, par souci d’intégration, changer son nom de Lévy en Vély, se retrouve accusé de racisme et d’antisémitisme. Le scandale dont les réseaux sociaux font leurs choux gras ne tarde pas à prendre de l’ampleur et la société est salie. Confronté à un fils qui entend renouer avec ses racines et partir en Israël rejoindre un groupe fondamentaliste, il doit aussi surmonter le suicide de sa femme qui s’est jetée sans explication d’un immeuble.
«Il croyait vraiment qu’un couple peut survivre à un drame sans en être atteint, déchiré, peut-être même détruit ? L’amour n’est pas fait pour l’épreuve. Il est fait pour la légèreté, la douceur de vivre, une forme d’exclusivité, une affectivité totale. L’amour est un animal social impitoyable, un mondain qui aime rire et se distraire – le deuil le consume, la maladie atteint une part de lui-même, celle qui exalte le désir sexuel, les conflits finissent par le lasser, il se détourne.»
En courts chapitres, qui donnent un rythme haletant au récit, on va voir s’entremêler les ambitions des uns, la douleur des autres. Le tout sans oublier quelques rebondissements qui font tout le sel d’une intrigue que l’on n’a pas envie de lâcher. François, qui a eu vent de son infortune, aura-t-il la peau de Roller ? Rejouera-t-il l’histoire du Roi David et de Bethsabée ? Osman Diboula parviendra-t-il à éteindre l’incendie qui met en péril l’empire de son ami ? Retrouvera-t-il les grâces d’un Président de la République qui semble l’avoir mis sur une voie de garage ? Romain quittera-t-il sa femme pour Marion ? À 29 ans, cette dernière quittera-t-elle son confort matériel pour une aventure incertaine ?
Partez à la découverte de ce grand roman, même au risque de perdre cette insouciance qui lui donne son titre : «quelque chose en nous était perdu, non pas l’innocence – car il y avait longtemps que nous n’y croyions plus – mais l’insouciance…»
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