panorama des grands classiques
Sur cette page, nous avons voulu dessiner un bref panorama de l'histoire de la philosophie. elle est pensée comme un guide qui n'a pas pour but d'être exhaustif mais plutôt de donner quelques repères sur l'évolution de la pensée philosophique à travers le temps. On espère pouvoir vous aider à vous orienter dans votre recherche de livres de philosophie.
Les présocratiques
Les premiers philosophes grecs, appelés présocratiques, se sont interrogés sur l'origine et la nature de l'univers, en proposant des théories basées sur les éléments, les nombres ou le mouvement.
Certains présocratiques, comme Thalès, Anaximène et Empédocle, ont proposé des théories basées sur des éléments primordiaux tels que l'eau, l'air, la terre et le feu. Ils ont avancé l'idée que toutes les choses dans l'univers étaient formées à partir de combinaisons et de transformations de ces éléments fondamentaux.
D'autres, comme Anaximandre et Héraclite, ont adopté une approche plus abstraite en cherchant des principes unificateurs ou des substances indéterminées à partir desquelles émerge toute la diversité de l'univers.
Ces théories sur les éléments fondamentaux ou les principes unificateurs étaient une tentative des présocratiques pour expliquer l'ordre et la structure de l'univers sans recourir à des explications mythologiques ou religieuses. Leur recherche marque ainsi le début de la démarche philosophique rationnelle en Occident, où la curiosité intellectuelle et l'observation empirique étaient privilégiées pour comprendre le monde qui nous entoure.
Socrate - platon- Aristote
Socrate, considéré comme le père de la philosophie morale, a développé une méthode de dialogue critique et a remis en question les valeurs et les croyances de son époque, ce qui lui a valu d'être condamné à mort.
Platon, disciple de Socrate, a fondé l'Académie, la première école de philosophie, et a exposé sa vision idéaliste du monde, où les idées sont plus réelles que les choses sensibles.
Aristote, disciple de Platon, a créé une philosophie empirique et systématique, marquant un tournant significatif par rapport à l'idéalisme platonicien. Au cœur de la philosophie aristotélicienne se trouve la conviction que la connaissance commence avec l'expérience sensorielle, à partir de laquelle les êtres humains peuvent abstraire des concepts universels.
épicuriqme vs stoïcisme
l'épicurisme et le stoïcisme se distinguent par leurs approches du bonheur et de la vie éthique. L'épicurisme prône la recherche du plaisir intellectuel et l'amitié pour atteindre une vie sans douleur ni trouble mental, s'appuyant sur la compréhension de l'univers comme composé d'atomes et de vide. Le stoïcisme, en revanche, valorise la vertu, le contrôle de soi, et l'acceptation de ce qui est hors de notre contrôle, avec un fort accent sur la fraternité universelle et la vie en accord avec le Logos, ou raison universelle.
Cicéron, célèbre pour son éloquence incomparable, a joué un rôle clé dans la transmission de la philosophie grecque au monde romain, traduisant et adaptant ses concepts au latin, ce qui a grandement contribué à leur diffusion. Son œuvre philosophique inclut une réflexion approfondie sur la nature du droit et de l'État, posant les bases de ce que l'on considère aujourd'hui comme la théorie du droit naturel. Pour Cicéron, le droit ne se limite pas à un ensemble de règles arbitraires édictées par les pouvoirs en place ; il découle plutôt d'un ordre moral universel, inhérent à la condition humaine. Cette loi naturelle, selon lui, est accessible à la raison humaine et doit guider la création des lois civiles.
Sénèque, à la fois dramaturge, conseiller d'État, et philosophe, est une figure centrale du stoïcisme. À travers ses lettres et traités, il explore la manière dont l'individu peut atteindre la tranquillité d'esprit et la vertu dans un monde souvent tumultueux et imprévisible. Sa philosophie insiste sur la maîtrise de soi, l'acceptation du destin, et le devoir moral, écho du stoïcisme grec, mais teinté des réalités sociales et politiques de l'époque romaine.
Épictète, un ancien esclave devenu philosophe, continue cette tradition stoïcienne en mettant l'accent sur l'importance de la volonté intérieure et la distinction entre ce qui est en notre pouvoir et ce qui ne l'est pas. Ses Encheiridion et Discours fournissent un guide pratique pour vivre une vie conforme à la nature et à la raison, soulignant l'importance de l'intégrité personnelle et de la résilience face à l'adversité.
Marc-Aurèle, empereur romain et philosophe stoïcien, incarne de manière unique l'application de la philosophie à la gouvernance et à la vie personnelle au sommet du pouvoir. À travers ses écrits, il réfléchit sur la nature éphémère de la vie, l'importance de vivre en harmonie avec la raison et l'univers, et le devoir d'agir justement et avec bienveillance envers les autres. Sa perspective est profondément ancrée dans l'idée stoïcienne selon laquelle le bonheur et la paix intérieure découlent de l'acceptation du destin et de la concentration sur ce qui dépend de nous : nos pensées et nos actions.
Saint Augustin, évêque d'Hippone, est l'un des Pères de l'Église latine dont les œuvres ont profondément influencé la théologie chrétienne et la philosophie occidentale. Dans ses confessions, il explore la nature de Dieu, du temps, et de l'âme, en mettant l'accent sur l'intériorité et la quête personnelle de la vérité divine. Sa pensée, alliant introspection personnelle et recherche philosophique, marque un pont crucial entre l'Antiquité et le Moyen Âge.
saint Thomas d'Aquin, dominicain, a œuvré à une synthèse entre la théologie chrétienne et la philosophie aristotélicienne, notamment dans sa somme théologique. Il a développé une métaphysique de l'être et a argumenté en faveur de l'existence de Dieu à travers cinq preuves qui restent au cœur des débats philosophiques et théologiques : le premier moteur, la première cause, la contingence du monde, les degrés de perfection des êtres et des choses et la finalité.
Avicenne et Averroès, philosophes et savants musulmans, ont joué un rôle crucial dans la transmission et l'interprétation d'Aristote au monde islamique et, ultérieurement, à l'Occident chrétien. Avicenne a notamment contribué à la médecine et à la métaphysique, tandis qu'Averroès est célèbre pour ses commentaires d'Aristote, affirmant la compatibilité entre la philosophie et l'islam.
Maïmonide, figure éminente de la pensée juive, il aborde les questions de la foi et de la raison, cherchant à harmoniser la tradition juive avec la philosophie aristotélicienne. il affirme que la vérité est une et que la révélation divine et la raison ne peuvent se contredire. Pour lui, la connaissance de Dieu passe par l'étude de la nature et de la philosophie, et l'accomplissement des commandements devant être guidé par la compréhension et non par la simple obéissance.
Ces penseurs médiévaux ont contribué à préserver et enrichir l'héritage philosophique de l'Antiquité et ont ouvert de nouvelles voies de réflexion : Leur travail sur la relation entre la foi et la raison, l'essence de Dieu, et la nature de l'existence humaine a posé les bases de nombreux débats philosophiques ultérieurs.
Le mouvement humaniste prend principalement place durant la Renaissance et marque une période de profonde réorientation dans la pensée européenne, caractérisée par un retour aux textes classiques de l'Antiquité, une valorisation de l'individu et un intérêt renouvelé pour les sujets tels que l'éthique, la politique, et l'éducation. Centré sur l'humain plutôt que sur le divin, l'humanisme a posé des bases importantes pour le développement ultérieur de la philosophie, de la science et de l'art, encourageant une vision du monde où la raison, la beauté et la dignité humaine occupent une place centrale.
Érasme de Rotterdam, considéré comme l'un des plus grands humanistes, s'est distingué par son érudition, son esprit critique et son plaidoyer pour la tolérance religieuse et intellectuelle. Dans son "Éloge de la folie", il utilise la satire pour critiquer les abus de l'Église et promouvoir une foi chrétienne fondée sur l'essence des Écritures, la piété intérieure et l'éthique personnelle. il incarne l'idéal humaniste du savant engagé, cherchant à réformer la société par l'éducation et le savoir.
Thomas More est l'inventeur du terme "Utopie", dérivé du grec ou-topos, signifiant "non-lieu" ou "lieu qui n'existe pas". dans son "Utopie", il imagine une société idéale sur l'île d'Utopie où la propriété privée n'existe pas, minimisant ainsi la cupidité et l'envie qui, selon lui, sont les sources de conflits dans la société. Les Utopiens partagent les ressources, travaillent un nombre limité d'heures et consacrent leur temps libre à l'éducation et aux loisirs, favorisant un développement harmonieux de l'individu. La justice est mise en avant comme pilier de l'organisation sociale, où la peine est proportionnelle au crime et vise la réhabilitation plutôt que la punition.
Michel de Montaigne se distingue par son scepticisme philosophique, inspiré en partie par les anciens sceptiques grecs. Il met en doute la capacité de la raison humaine à atteindre des vérités absolues, ce qui le conduit à une forme de relativisme éthique et culturel. Pour lui, la connaissance la plus importante est celle de soi-même, ce qui nécessite une introspection constante et une honnêteté sans faille. ses "Essais" se caractérisent par leur style accessible et leur ton conversationnel, invitant le lecteur à un dialogue avec l'auteur. Montaigne explore l'art de vivre, soulignant l'importance de vivre conformément à la nature et de trouver un équilibre personnel qui permette la jouissance des plaisirs simples de la vie, tout en acceptant ses inévitables souffrances.
Le xviie siècle est souvent désigné comme l'âge de la raison ou des Lumières naissantes, marque une période de transition profonde dans la pensée européenne, caractérisée par un mouvement vers la rationalité, l'exploration scientifique et la remise en question des autorités traditionnelles. Cette ère voit l'émergence de philosophes qui, tout en engageant un dialogue critique avec leurs prédécesseurs, posent de nouvelles fondations pour la métaphysique, l'épistémologie, la politique et l'éthique.
René Descartes engage un processus de doute méthodique, écartant toutes les croyances qui peuvent être mises en doute, afin d'arriver à des certitudes incontestables. Ce doute radical le conduit à la conclusion que, même en doutant, il ne peut nier qu'il est en train de penser. Ainsi, "Je pense, donc je suis" devient le fondement de toute connaissance, établissant l'existence du sujet pensant comme première vérité indubitable. Descartes pose ainsi les bases du rationalisme, affirmant que la raison est l'outil ultime pour atteindre la vérité, et inaugure une nouvelle ère dans la philosophie où le sujet devient le point de départ de toute investigation philosophique.
John Locke rompt avec la tradition des idées innées et propose que l'esprit humain est une "tabula rasa" au moment de la naissance, sur laquelle l'expérience vient inscrire la connaissance. il distingue les idées simples, venant directement des sens, des idées complexes, construites par l'esprit à partir des premières. Cette approche empiriste met l'accent sur l'importance de l'expérience sensorielle comme source de toute connaissance. Locke développe également une théorie politique influente, arguant que les individus ont des droits naturels inaliénables et que le gouvernement doit être basé sur le consentement des gouvernés.
Baruch Spinoza développe une vision moniste où Dieu et la Nature sont considérés comme une seule et même substance, ayant une infinité d'attributs. Pour Spinoza, tout ce qui existe est en Dieu, et la liberté véritable réside dans la compréhension de l'ordre immanent de la nature. Cette perspective offre une alternative radicale aux visions théistes traditionnelles en affirmant que la moralité et la spiritualité découlent de la compréhension de notre place dans l'univers naturel, et non de l'obéissance à un Dieu personnel.
Thomas Hobbes présente une vision pessimiste de l'état de nature, qu'il décrit comme une condition brutale de "guerre de tous contre tous". Pour Hobbes, la peur de la mort violente pousse les individus à former un contrat social, cédant leurs droits à un souverain absolu en échange de protection et de paix. Cette conception de la politique comme un mécanisme de sécurité collective contre les dangers de l'anarchie a posé les bases de la théorie moderne de l'État et de la souveraineté.
Blaise Pascal est célèbre pour sa critique des limites de la raison humaine et son appel à la connaissance du cœur. "Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point", écrit-il, suggérant que certaines vérités, notamment celles concernant Dieu et l'existence, échappent à la compréhension rationnelle et ne peuvent être saisies qu'à travers une forme de connaissance intuitive ou affective. Cette approche ouvre une voie vers la foi qui ne rejette pas la raison mais la transcende, invitant à une expérience personnelle et intérieure de la vérité.
Le xviiie siècle, communément appelé le siècle des Lumières, se caractérise par une remise en question des préjugés, une croyance en la perfectibilité humaine et une confiance dans le pouvoir de la raison et du savoir pour transformer la société. Les philosophes des Lumières posent les bases de la pensée moderne, établissant les principes de liberté, d'égalité et de fraternité qui inspireront les révolutions à venir.
Voltaire, avec son esprit mordant et son plaidoyer intransigeant pour la liberté d'expression, incarne parfaitement l'esprit des Lumières. Il critique avec véhémence l'intolérance religieuse, en particulier à travers son "Traité sur la tolérance", et défend la raison, la science et le respect de l'individu contre l'obscurantisme. Son engagement pour la justice et la lutte contre l'irrationalité et le fanatisme font de lui un des piliers intellectuels du siècle, promouvant un idéal de liberté qui influencera les révolutions américaine et française.
Montesquieu élabore une théorie politique qui aura une influence durable sur la conception moderne de la gouvernance. Il introduit le principe de la séparation des pouvoirs — législatif, exécutif et judiciaire — comme fondement d'un gouvernement équilibré et juste, prévenant l'abus de pouvoir et protégeant les libertés individuelles. Cette idée est fondamentale pour le développement des démocraties contemporaines.
Jean-Jacques Rousseau propose une vision radicale de la souveraineté populaire et de l'état de nature. Il soutient que la société et ses inégalités sont le produit d'accords sociaux artificiels et que la légitimité du gouvernement repose sur le consentement des gouvernés, énonçant le principe que la volonté générale doit diriger l'État dans l'intérêt commun. Rousseau est également préoccupé par la manière dont les institutions sociales et éducatives peuvent déformer l'individu. il explore l'éducation comme moyen d'élever l'homme naturel dans la société civile, tout en préservant sa bonté innée. Pour lui, l'éducation doit développer l'autonomie et la capacité de l'individu à vivre selon sa propre raison, en harmonie avec la nature et la société.
Denis Diderot, principal architecte de l'Encyclopédie, œuvre titanesque visant à rassembler et à diffuser le savoir de son époque, incarne l'engagement des Lumières pour l'éducation et le partage des connaissances. L'Encyclopédie, malgré l'opposition de l'Église et de l'État, devient un outil essentiel de diffusion des idées des Lumières, promouvant la science, la critique de l'autorité et l'importance de l'esprit critique.
emmanuel Kant, résume l'esprit des Lumières dans son célèbre appel : "Sapere aude ! (Ose savoir !)". Dans sa philosophie critique, notamment dans "Critique de la raison pure" et "Critique de la raison pratique", il explore les limites et les capacités de la raison humaine, proposant l'impératif catégorique ("Agis uniquement selon la maxime grâce à laquelle tu peux vouloir en même temps qu'elle devienne une loi universelle.") comme fondement de l'éthique. Kant s'interroge sur les conditions de possibilité de la connaissance elle-même, concluant que notre connaissance est limitée aux phénomènes, c'est-à-dire à ce qui nous apparaît à travers nos sens et est structuré par nos catégories de pensée. il introduit la distinction fondamentale entre les phénomènes et les noumènes (les choses en elles-mêmes), postulant que bien que nous puissions connaître les premiers, les seconds nous restent fondamentalement inaccessibles.
Le XIXe siècle, souvent envisagé comme l'ère de l'industrialisation, du nationalisme et des bouleversements sociaux, voit l'émergence de courants de pensée critiques qui questionnent non seulement les fondements de la connaissance et de la morale mais aussi la structure même de la société et de l'individu. les philosophes, naviguant entre l'héritage des Lumières et les défis de la modernité, posent les jalons de la pensée contemporaine, explorant les thèmes de l'aliénation, de la volonté de puissance, du matérialisme historique, et de l'inconscient.
Georg Wilhelm Friedrich Hegel, propose une vision de l'histoire comme le déploiement dialectique de l'esprit (ou raison) à travers le temps. Selon lui, chaque période historique est caractérisée par une thèse qui engendre sa propre antithèse, et la résolution de cette tension se fait par la synthèse, menant à une nouvelle phase de développement. La thèse représente un état initial de la réalité ou de la pensée ; l'antithèse, son opposition ou contradiction ; et la synthèse, la résolution de cette contradiction, qui transcende et intègre les éléments de la thèse et de l'antithèse. Ce mouvement dialectique est à la fois un processus de négation et de dépassement qui mène à un niveau supérieur de compréhension ou de réalité. Cette approche introduit l'idée que le conflit est moteur de progrès.
Karl Marx, en collaboration avec Friedrich Engels, développe le matérialisme historique, une analyse critique de la société capitaliste et de ses contradictions internes. Le matérialisme historique repose sur l'idée que la manière dont une société produit et reproduit les conditions matérielles de son existence forme la base sur laquelle s'érigent les institutions politiques et juridiques ainsi que les idéologies. La lutte des classes, résultant de contradictions inhérentes au mode de production économique, est le moteur du développement historique. Marx identifie dans le capitalisme des contradictions fondamentales entre les forces de production (la technologie et l'organisation du travail) et les rapports de production (la propriété des moyens de production), contradictions qui mèneront, selon lui, à l'émergence du socialisme et finalement au communisme, un système sans classes où les moyens de production sont collectivisés.
Søren Kierkegaard, souvent considéré comme le père de l'existentialisme. au cœur de sa philosophie se trouve une préoccupation pour l'individu et sa relation subjective avec l'existence, Dieu et soi-même. Contrairement à la tendance philosophique de son époque, qui privilégiait les systèmes abstraits et universels, Kierkegaard se concentre sur l'expérience vécue, l'angoisse, le désespoir, et la foi. il distingue trois stades de l'existence humaine : l'esthétique, l'éthique et le religieux. Le stade esthétique est caractérisé par la poursuite du plaisir et l'évitement de l'ennui, souvent sans considération morale. Le stade éthique marque un engagement envers les normes et les responsabilités sociales, où l'individu commence à prendre sa vie au sérieux. Cependant, c'est dans le stade religieux, et particulièrement à travers le "saut de la foi", que Kierkegaard voit la possibilité d'une véritable réconciliation avec l'absurdité de l'existence humaine.
Friedrich Nietzsche, avec sa critique radicale de la morale judéo-chrétienne et de la philosophie occidentale qu'il considère comme une "morale d'esclaves" limitant le potentiel humain. Au lieu de cela, Nietzsche introduit le concept de "volonté de puissance" comme force motrice fondamentale de l'existence humaine, allant au-delà du simple instinct de survie pour embrasser un désir profond de dominer, de créer et de transcender. Il prône une réévaluation de toutes les valeurs et l'avènement du "surhomme", capable de créer ses propres valeurs dans un monde dépourvu de sens objectif.
Arthur Schopenhauer présente une vision métaphysique profondément pessimiste de la réalité. Pour lui, le monde est la manifestation d'une volonté aveugle et irrationnelle, source de toute souffrance et désir. La vie est caractérisée par une quête incessante et futile de satisfaction, où tout plaisir est simplement l'absence temporaire de douleur. Schopenhauer propose que la seule échappatoire à cette condition misérable réside dans l'esthétique et l'ascétisme. La contemplation esthétique, en nous permettant de nous détacher des désirs personnels et de percevoir le monde comme une pure représentation, offre un moment de répit de la volonté. De même, l'ascétisme et la négation de la volonté conduisent à une forme de libération de la souffrance inhérente à l'existence.
Le XXe siècle se caractérise par une pluralité et une complexité sans précédent dans le domaine de la philosophie. Marqué par deux guerres mondiales, l'essor du totalitarisme, des avancées technologiques majeures et des changements sociaux profonds, ce siècle voit l'émergence de courants philosophiques qui remettent en question non seulement les certitudes épistémologiques et morales héritées du passé, mais aussi les fondations mêmes de la pensée et de l'existence humaine. Les philosophes du xxe siècle naviguent entre les ruines de la modernité et les promesses de la postmodernité, explorant des thèmes tels que l'existentialisme, la phénoménologie, le structuralisme, le post-structuralisme, et la théorie critique.
Martin Heidegger introduit une analyse existentielle de l'être humain (Dasein) et questionne le sens de l'Être lui-même. il rompt avec la tradition métaphysique occidentale en se concentrant sur l'expérience pré-théorique de l'être-au-monde, et en soulignant l'importance fondamentale de la temporalité. il se concentre sur l'analyse de l'Être et la condition de l'être humain (Dasein), qu'il distingue des autres étants. il propose une ontologie fondamentale visant à interroger le sens de l'Être lui-même : L'Être (Sein) chez Heidegger est différent de l'existence des entités; il s'intéresse au "que" de l'Être, à sa signification et à sa compréhension. le dasein, terme qu'il utilise pour désigner l'être humain, est caractérisé par sa capacité à se questionner sur son propre Être. Le Dasein est inséparable de son contexte existentiel et relationnel, et définit par son ouverture vers l'avenir (projet, possibilité). heidegger met l'accent sur des concepts tels que l'angoisse, le néant, et la mort, qui révèlent au Dasein sa propre finitude et le poussent vers une authentique compréhension de lui-même et de son être.
Jean-Paul Sartre, figure de proue de l'existentialisme, proclame que "l'existence précède l'essence"signifiant que l'homme existe d'abord, se rencontre dans le monde, et se définit ensuite. Contrairement aux objets ou aux êtres conçus pour un but spécifique, l'homme est libre de déterminer son essence à travers ses choix et ses actions. il explore la condition humaine, caractérisée par l'angoisse, la mauvaise foi, et le désir d'être Dieu. Son engagement politique et intellectuel, notamment à travers son activisme et ses écrits sur le colonialisme, le marxisme et la liberté, fait de lui une figure majeure de la philosophie et de la culture du xxe siècle.
Michel Foucault s'intéresse à l'histoire des systèmes de pensée et aux relations entre pouvoir, connaissance et discours. Son travail explore comment les structures de pouvoir utilisent le savoir pour exercer un contrôle sur les individus, souvent de manière insidieuse et non coercitive. il examine les institutions sociales telles que les prisons, les hôpitaux et les écoles, montrant comment elles servent à normaliser les comportements à travers des pratiques discursives. Un des concepts clés de Foucault est la "biopolitique", qui décrit comment les gouvernements régulent les populations à travers des politiques centrées sur le corps et la santé. Pour lui, le pouvoir n'est pas simplement répressif mais produit aussi des formes de savoir et des sujets. À travers ses études sur la sexualité, la folie et la criminalité, Foucault révèle comment le pouvoir façonne l'identité individuelle et collective, invitant à une vigilance constante contre les formes subtiles de domination.
Jacques Derrida, pionnier de la déconstruction, remet en question les oppositions binaires et les hiérarchies implicites dans le texte et la pensée occidentale. Dans "De la grammatologie", Derrida analyse la structure du langage et tache de démontrer comment tout texte contient les germes de sa propre critique. Sa méthode de déconstruction vise à révéler la complexité, l'ambiguïté et les contradictions internes du langage et de la pensée.
Jürgen Habermas, représentant de la deuxième génération de l'École de Francfort, développe une théorie critique de la société moderne qui met l'accent sur l'importance du dialogue rationnel et de la délibération démocratique. Pour Habermas, la sphère publique est le lieu où les citoyens peuvent se rencontrer pour discuter librement et rationnellement des questions d'intérêt commun, sans être limités par le pouvoir et les inégalités économiques. Il introduit le concept d' "agir communicationnel", qui contraste avec l' "agir stratégique" motivé par le succès personnel. Dans l'agir communicationnel, les participants cherchent à atteindre un accord mutuel fondé sur la compréhension partagée, soulignant ainsi l'importance de la rationalité et de l'éthique dans la communication humaine. Habermas est également connu pour son travail sur la modernité, qu'il voit comme un projet inachevé, caractérisé par le potentiel d'émancipation et d'illumination mais également menacé par les forces de la rationalisation technique et du capitalisme qui peuvent aliéner et fragmenter la société.
Simone de Beauvoir, dans son œuvre majeure "Le Deuxième Sexe", pose les fondements d'une réflexion féministe qui aura un impact durable sur les mouvements pour l'égalité des sexes. elle examine la construction sociale et historique de la femme comme "Autre" et déconstruit les mythes et les stéréotypes qui ont historiquement confiné les femmes à des rôles inférieurs. Elle argumente que la liberté est essentielle à l'existence humaine et que les femmes doivent revendiquer cette liberté en dépassant les limitations imposées par la société. Sa philosophie s'étend au-delà de la critique féministe pour embrasser une interrogation existentielle sur le sens de l'existence, l'engagement éthique et la responsabilité individuelle.
Ludwig Wittgenstein, avec ses deux œuvres principales, le "Tractatus Logico-Philosophicus" et les "Investigations Philosophiques", révolutionne la philosophie du langage. Dans le "Tractatus Logico-Philosophicus", il propose une vision selon laquelle la structure du langage reflète la structure du monde, affirmant que la logique formelle délimite les limites de ce qui peut être dit ou pensé. Plus tard, dans les Investigations, il adopte une approche pragmatique, suggérant que le sens des mots émerge de leur utilisation dans des contextes spécifiques ("jeux de langage"). Cette évolution marque un tournant dans la philosophie analytique, influençant profondément les débats sur la nature du langage, de la pensée et de la compréhension.
Hannah Arendt est une philosophe qui s'est profondément intéressée à la nature de l'action, du pouvoir, de la liberté et de l'autorité dans le contexte politique. Ses travaux abordent la condition humaine à travers une analyse de la vie active, qu'elle divise en trois activités fondamentales : le travail, l'œuvre et l'action. Le travail représente les activités liées à la satisfaction des besoins biologiques, caractérisées par leur cycle perpétuel et leur consommation immédiate. L'œuvre concerne la fabrication d'objets durables, la construction du monde matériel dans lequel les humains vivent et s'orientent. L'action, le plus élevé des trois selon Arendt, se réfère à l'activité sans intermédiaire de l'individu agissant avec et parmi d'autres dans l'espace public. C'est dans l'action que l'homme révèle sa singularité, crée l'histoire et exerce sa liberté. elle explore aussi les racines et la nature des régimes totalitaires et introduit le concept de la "banalité du mal", à travers l'analyse du procès d'Adolf Eichmann, pour décrire la capacité des individus ordinaires à commettre des atrocités sous des régimes autoritaires.