Norferville

TT - Bien "Le dénouement, assez prévisible, et les quelques ficelles utilisées ont beau faire passer ce vernis légendaire pour un écran de fumée un peu facile, le pari est néanmoins relevé. Dans sa postface, Thilliez assume d’ailleurs avoir voulu proposer un roman d’ambiance et, à ce titre, c’est une réussite."

Le roman s’ouvre sur deux scènes sanglantes qui présentent les deux personnages principaux. Tout d’abord Teddy Schaffran, un détective spécialisé dans le profilage à Lyon. Il traque depuis plusieurs mois un prédateur sexuel particulièrement violent, et finit par le débusquer, mais préfère s’en occuper lui-même plutôt que de le livrer à la police. Au nord du Québec, vingt ans auparavant, deux adolescentes de quinze se font violer par trois inconnus qui les abandonnent dans la nuit glaciale, loin de la ville. Maya, jeune Innu aide son amie Léonie, une métisse à se relever et à retourner chez elles, en lui demandant de garder le silence sur leur agression pour ne pas être déshonorées dans la communauté.

Morgane, la fille de Teddy, qui a coupé les ponts avec lui est retrouvée sauvagement mutilée à Norferville. Léonie, devenue inspectrice à la SQ y est envoyée par son chef pour sa connaissance du terrain. Il espère que l’affaire sera vite résolue et lui donne les pleins pouvoirs en lui suggérant que la jeune fille a sans doute été tuée par un ours. Léonie a quitté la ville peu après son viol, mais n’a rien oublié, elle sait que les ours ne sont pas les créatures les plus dangereuses de la région. Teddy et Léonie vont unir leurs forces pour découvrir qui est l’assassin, la jeune femme doit travailler avec Paul Liotta, le chef de la police locale depuis trente ans, qu’elle soupçonne de faire partie du trio de violeurs, elle enquête en parallèle sur ce crime.

J’ai écouté ce thriller grâce à Lizzie, j’ai été transportée dans le grand Nord par la voix de Lilla Tamazit qui excelle à donner vie à ces personnages. Elle transmet très bien les émotions et les souffrances des deux enquêteurs, ou la méchanceté du chef de la police. J’apprécie particulièrement l’audio pour les pavés, je trouve que mon attention reste plus constante. Les paysages et le climat très rude, il fait jusqu’à moins cinquante durant une tempête, sont au coeur de l’intrigue et la narratrice m’a permis de les visualiser facilement.

Ce thriller a tout pour plaire, des crimes nombreux et sanglants, de l’action sans aucun temps morts, du suspense et de nombreux rebondissements. Mais il ne s’agit pas d’une lecture seulement divertissante, l’auteur aborde des problèmes actuels importants. Le premier est l’écologie. L’environnement du Grand Nord est complètement détruit par la cupidité des Blancs qui exploitent des mines à ciel ouvert, puis abandonnent les puits une fois épuisés. Ils polluent tout et ne font aucun effort pour sauvegarder la nature, préférant le profit immédiat.

Mais la thématique principale du roman est le traitement subi par les femmes autochtones du fait de la colonisation depuis un siècle. Les crimes commencent à peine à être dénoncés et de nombreuses femmes, comme Maya et Léonie n’osent pas parler. Morgane enquêtait justement sur des disparitions d’Amérindiennes à Montréal. Les autochtones sont relégués dans des réserves, c’est à dire des quartiers défavorisés à la périphérie de la ville. Ils ont perdu leurs perspectives d’avenir et ont de plus en plus de peine à chasser et pêcher, du fait de la destruction de leur environnement. Leur culture se perd tandis que les réserves sont ravagées par l’alcoolisme et la consommation de drogues. Tous les Innus ne s’opposent pas à la mine, la réserve recevant de nombreuses subventions grâce à elle, ce qui divise encore plus les locaux, certains n’hésitant pas à effrayer les autres avec leurs croyances ancestrales.

Thilliez nous offre un voyage glaçant au coeur du mal et de la cruauté humaine, un tout grand crû une fois de plus. Norferville est une ville fictive, mais inspirée d’un endroit bien réel de la région. Au vu des nombreux personnages pervers qui habitent cette ville dans le roman, l’auteur ne voulait pas utiliser son vrai nom.