Blackwater - Intégrale
Résumé éditeur
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l’avis des lecteurs
Alabama, à l’aube des années 20. La petite ville de Perdido est sous les eaux, suite à la crue de la rivière qui lui a donné son nom. Elle laisse derrière elle la dévastation, des tonnes de boue, la destruction des maisons et des trois scieries représentant la seule industrie de la ville, une odeur de putréfaction qui ne s’évaporera pas de sitôt… et Elinor Dammert. Cette dernière est trouvée, au quatrième jour de la crue, dans une chambre à l’étage de l’unique hôtel de la bourgade, par Oscar Caskey et Bray, serviteur de sa famille, qui parcourent alors Perdido à bord d’un canot. Munie d’une seule petite valise, pimpante malgré ses quatre jours de jeûne, la belle Elinor précise être venue en ville pour y exercer comme institutrice. Et étrangement, elle tombe à pic, puisque l’enseignante jusqu’alors en fonction décide, suite à la crue, de quitter la région. Son apparition provoque d’emblée chez Mary-Love, mère d’Oscar et reine du clan Caskey, haine et méfiance : il y a quelque chose de louche chez cette femme dont la chevelure a l’exacte couleur de la rivière qui, en enflant démesurément, a sonné l’heure de la venue. Le reste de la famille est sous le charme. Notamment Oscar qui, au grand dam de sa mère, annonce bientôt son intention d’épouser l’intruse…
Je suis parfois influençable… bien que fuyant habituellement toute œuvre dont la parution s’accompagne d’un battage commercial qui me la rend immédiatement suspecte, j’ai succombé à la tentation "Blackwater". Mais j’ai un faible pour les éditions Monsieur Toussaint Louverture (dont j’apprécie souvent autant les contenus que les contenants), et l’avis positif d’un lecteur à qui va toute ma confiance a fait le reste. J’ai donc embarqué les six volumes de la série dans ma valise, et les ai dévorés, d’affilée, en quelques jours, alors que je faisais sécher au soleil l’eau de la rivière dans laquelle je venais de me baigner (tiens, tiens). Et je dois dire qu’il s’est agi là d’une lecture idéale pour les vacances.
J’en ai notamment apprécié le format "feuilleton", le fait de découvrir comme un nouvel épisode à chaque opus dont les titres posent et rythment de manière simple et évidente le cœur de l’intrigue ("La crue", "La digue", "La maison"…). Et comme dans un feuilleton, les rebondissements sont nombreux (mais manquent un peu de variété, j’y reviendrai en fin de billet). Michael McDowell mène sa saga tambour battant, au gré du cycle et des événements de la vie -naissances et morts, accidents, mariages ou désunions…-, l’anecdotique s’entremêlant aux drames et aux bonheurs qui la ponctuent. Tout cela sur fond de l’inaltérable discorde opposant Elinor et Mary-Love. Cette dernière, autoritaire, manipulatrice, persuadée d’être le mécène de son clan, prodigue largeurs et richesses sans relâche, mais réfrène toute velléité d’autonomie des siens, désireuse d’entretenir le lien de dépendance sur lequel elle assoit son pouvoir. Sa cruelle hostilité ne parvient toutefois pas à altérer la patience d’une belle-fille plus discrète et plus subtile dans ses aversions, qui tisse sur du long terme les rets dans lesquels finissent toujours par tomber ceux qui contrecarrent ses projets. Car Elinor est portée par une ambition dont rien ni personne ne la fera dévier : porter son mari Oscar aux sommets de la richesse, en développant l’empire forestier des Caskey, propriétaires d’une des trois scieries de Perdido. Visionnaire et audacieuse, agissant dans l’ombre, elle y consacre son intuition et son intelligence, imposant sans démonstration de force ses décisions à un mari qui lui voue une confiance aveugle. Et l’avenir lui donnera raison. Malgré les aléas familiaux et un contexte économique que la crise de 1929 puis la guerre rendront difficile et incertain, Elinor maintiendra sa trajectoire, ses choix a priori irraisonnés assurant peu à peu une fortune colossale à sa famille. On suit ainsi l’ascension du clan sur trois décennies, sa prospérité influençant l’évolution de la ville elle-même. Les Caskey règnent sur la communauté de Perdido avec une sorte de paternalisme bienveillant mais distant que personne ne fait semblant de vouloir remettre en cause. Il faut dire que c’est un monde où la place de chacun -blanc ou noir, pauvre ou riche- est bien définie. Toutefois, à l’intérieur même du microcosme Caskey, pourtant attaché à l’image de bienséance et de solidarité qu’il affiche aux yeux du monde, il règne vis-à-vis de certains comportements considérés "contre nature" par la société de l'époque une surprenante tolérance, chacun vivant comme il l’entend, tant que le clan perdure. En supériorité numérique, ce sont les femmes, souvent dotées de caractères bien trempées, qui par ailleurs le dirigent.
Elinor est moteur aussi bien de cette prédominance féminine que de cette acceptation de la différence au sein de la famille. Habile à louvoyer entre respectabilité et indépendance d’esprit, elle s’accommode publiquement de règles qu’elle contourne dans sa vie privée, laissant par exemple ses enfants se mêler à ceux de la domesticité noire. Il faut dire qu’Elinor est elle-même différente… D'emblée, l'auteur ne fait pas vraiment mystère de la nature fantastique et repoussante de son héroïne, dont elle fait une force, et qui, tout en restant secrète, lui servira à certains moments de sa vie pour éliminer des gêneurs ou au contraire secourir ceux qu’elle aime. De même, il n’hésite pas à mêler aux êtres de chair et de sang que sont les Caskey quelques fantômes qui, la nuit, sortent des placards, conférant alors à son récit une sombre atmosphère aux relents gothiques. J’ai apprécié cette façon qu’a l’auteur de jouer à la fois sur les peurs surnaturelles que provoque la monstruosité (au sens propre du terme) et sur la dimension prosaïque mais non moins intense des relations humaines, et plus précisément familiales, dont il explore une large palette allant de la plus pure des affections à la haine la plus virulente, en passant par l’emprise, la manipulation, la rivalité… Une manière de démontrer que la violence et la cruauté ne sont pas l'apanage des monstres, tout en parvenant à nous rendre attachants certains personnages à priori peu sympathiques voire horribles. Elinor, figure centrale et complexe de la saga, en est le meilleur exemple, mais l’auteur saura faire évoluer la plupart de ses héros, évitant ainsi de les maintenir dans la dimension caricaturale dont ils pâtissent parfois.
J’en arrive ainsi à mes bémols, suscités par l’impression que l'intrigue est déterminée par une mécanique qui devient redondante avec la répétition de certains événements, de certains comportements, comme si l’auteur avait par moments manqué un peu d’inspiration, et avait construit son histoire de sorte à ce qu’elle réponde à l’impératif d’une série en six épisodes, plutôt que le contraire.
Je garderai néanmoins de cette lecture le souvenir d’un moment fort plaisant, même si "Blackwater" n’est certes pas, loin s’en faut, le "chef-d’œuvre" qu’on nous a promis.
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