Tout au milieu du monde

Melchior Ascaride signe les illustrations de ce roman, il est illustrateur chez les moutons électriques et a obtenu en 2016 le prix Imaginales d’Illustration pour l’identité graphique des Moutons Électriques.

Julien Bétan est essayiste et traducteur français de science-fiction, il est aussi directeur littéraire pour la maison d’édition Les moutons électriques.

Mathieu Rivero est professeur d’anglais et également romancier et nouvelliste. Il a publié Or et nuit en 2015, et Les arpenteurs de rêve chez les Moutons électriques.

Tout au milieu du monde est un livre à part pour plusieurs raisons: il est entièrement en bichromie rouge – noir, c’est un roman avec des illustrations inspirées de l’art pariétal mais pas seulement, les illustrations sont parfaitement intégrées au texte et lui apportent un plus indéniable. Le livre offre ainsi une expérience de lecture très novatrice où les illustrations et le texte créé un univers original. Les illustrations comme toujours chez les moutons électriques sont très belles et le livre objet est superbe, chaque détail est pensé avec soin et le rendu avec les couleurs est vraiment top!

Le roman prend son point de départ dans un petit village où se trouve une relique sacrée en forme de dent. Cette relique qui apportait sa prospérité au village ne fonctionne plus vraiment. Le chaman du village décide de remplacer cette relique et d’organiser un voyage pour cela. Il sera accompagné de son apprenti et d’une guerrière. Les visions chamaniques sont importantes dans le récit et sont très bien illustrées. Les dessins font vraiment penser à l’art pariétal et font se situer le récit à la préhistoire. On ne sait pas vraiment où se passe l’histoire, on a seulement quelques points de repères: le village, la cité où vont mourir les géants. Cependant, cela ne gène pas à la compréhension. Les auteurs nous proposent un voyage à la fois physique et à la fois magique dans le monde des chamanes.

Le roman est assez court et la fin un peu rapide. Les personnages sont assez peu développés mais cela ne gène pas vraiment, l’intérêt de l’ouvrage étant plus dans la combinaison des illustrations et du texte. Le style est fluide, très agréable et très imagé. On se laisse facilement embarqué dans cet univers à part, à la fois par les illustrations mais aussi grâce à la belle plume des auteurs. Le livre a sa page Facebook et je ne résiste pas à vous faire partager une des photos:

 Les Moutons électriques nous offre ainsi un petit objet livre très original, qui se lit vite, aussi il faut profiter au maximum de l’évasion procurée par les illustrations et graphismes : elles offrent une expérience de lecture particulière.

Encore une chronique compliquée, pour le moins. Surtout pour une reprise après quelques jours sans lecture. Mais on va tâcher de s’y atteler au mieux ; la Bibliothèque Dessinée mérite au moins ça, autant pour le talent mobilisé que pour l’ambition éditoriale. Chronique-Lumière oblige, ne passons pas des lustres en introduction, et en route.

Dans la tribu des Yerava, le chamane Amouko sent qu’il vieillit, et que son village dépérit, et les faits ne sont pas pour le rassurer. Ce qui le pousse à monter une expédition pour tenter de récupérer ce qu’il croit être capable de ramener la prospérité à son village, accompagné de Soha, chasseuse, et d’Ushang, son apprenti.

Alors, pourquoi compliqué ? Parce que la qualité est indéniable, mais que je n’ai pas vraiment pu, ou su accrocher. Qualité d’abord, évidemment, dans le travail d’illustration de Melchior Ascaride, dont, à mes yeux, la contribution est infiniment précieuse à l’ouvrage, à la fois dans son aspect purement démonstratif, mais aussi et surtout, atmosphérique. Sa capacité à adapter son trait et son style à chacun des bouquins auxquels il participe pour mieux s’y fondre, sans pour autant perdre sa patte unique est un plaisir sans bornes, et une sacrée performance. Ensuite, qualité ensuite, parce que cette novella fait des choix, notamment stylistiques, suffisamment rares pour être notés, donc courageux, sans tomber dans le piège d’une fausse originalité. En effet, si tout est narré au présent, d’une façon très hachée et parfois confuse, au gré des points de vues des personnages, cela n’est pas une licence poétique stérile. J’y ai plutôt senti bien un choix correspondant au sens du texte et à ses thématiques comme son atmosphère, poisseuses, urgentes et inquiétantes.

Mais malgré ces choix judicieux et cohérents avec les décisions dramaturgiques, il faut bien admettre que j’ai eu du mal à rentrer dans le texte, et encore plus à en sortir, la faute à ces choix, justement. Si je dois bien les saluer car je les comprends, en tant que lecteur, en dehors de toute analyse, malheureusement, c’était parfois un peu compliqué de suivre les événements relatés. Beaucoup de transitions brutales entre des séquences n’ayant pas grand chose à voir les unes avec les autres ; des séquences plutôt contemplatives interrompues par d’autres instances plus brusques, dans un texte aussi court, il était assez difficile de savoir sur quel pied danser dans la durée. Un certain inconfort donc, relativisé cependant par le travail de Melchior Ascaride, qui sait parfois donner le change en quelques traits habiles et furieusement évocateurs, clarifiant la narration ou prenant complètement sa place par moments.

Comme souvent, ce ressenti mitigé est sans doute très personnel, je demeure assez traditionaliste dans certains de mes goûts, la narration au présent, pour une reprise de lecture, était peut-être une option malencontreuse ; mais je ne pouvais pas le savoir avant de commencer. L’essentiel demeure, la Bibliothèque Dessinée demeure une superbe collection dans sa réalisation, et la qualité de ce texte est présente, il n’était juste, je crois, pas ce dont j’avais besoin maintenant, la faute à une atmosphère trop angoissante et un sous-texte assez sinistre, mais qui ne manquait sans doute pas d’impact ni d’intelligence.