La main de Dieu
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l’avis des lecteurs
Du rififi dans les Apennins
Le pitch
Le point de départ de l’histoire est des plus classiques, avec la découverte d’un corps, sous un pont. La suite, l’est moins. Sur les hauteurs de Parme, l’hiver. Un village isolé par la neige, dans « l’enceinte grise et âpre » des Apennins. Une nouvelle enquête du mélancolique Soneri. Un commissaire discret et contemplatif à la Maigret, véritable ethnologiste de la société italienne. Un nouvel opus qui atteint des sommets, traversé d’une mélancolie poétique qui n’oublie pas d’être drôle et divertissant. Un roman âpre et saisissant comme Valerio Varesi sait les écrire.
Pourquoi je vous le conseille ?
Car l’auteur piémontais Valerio Varesi signe des romans policiers atmosphériques et charnels, ancrés dans un terroir qu’il connait bien, la région de Parme. Pour Soneri, bourru et gourmand, enquêteur à l’ancienne, commissaire philosophe, irrésistible d’humanité, qui travaille à l’instinct, sur les impressions et les sensations. Pour la mélancolie, la poésie, l’élégance du style. Car se plonger dans ces classiques du roman noir italien procure un plaisir auquel il faut toujours succomber. Parce que l’atmosphère pesante de huis-clos contrebalancée par la magnificence des montagnes offre un cadre d’investigation singulier et spectaculaire. Pour l’intrigue solide comme un roc qui soulève des thématiques politiques et sociales d’actualité où l’écologie tient sa juste place.
DES POLARS ATMOSPHÉRIQUES. Dans tous ses romans, Valerio Varesi nous fait le portrait d’une région, la plaine du Pô, tantôt brûlante comme dans Les Mains vides, tantôt ouatée, comme dans Le Fleuve des brumes, tantôt noyée dans le brouillard comme dans Or, encens et poussière. Cette fois, La Main de Dieu se déroule sur les hauteurs de Parme, dans un village perdu qui se révèle aussi poétique que dangereux. C’est l’hiver, la neige amortit les bruits, isole les hommes, étouffe les cris. Valerio Varesi, par mille détails, dit la beauté majestueuse des lieux et fait lentement monter une atmosphère de plus en plus inquiétante. Et notre policier rêveur, Soneri, de se retrouver sur la route de villages détrempés, comme Monteripa, où il ne se sent pas le bienvenu. La boue, la pluie, la neige fondue et les rafales glaciales ravinent les montagnes où l’hostilité de la nature fait écho à celle des hommes, taiseux, perpétuellement inquiets. « La route était un cimetière d’ornières qui se déroulait patiemment en direction du ciel entre éboulis, hêtraies et pinèdes de reboisement. Le vent secouait les arbres comme s’il voulait les arracher en brisant leurs racines… Soneri remontait la vallée tel un berger qui s’en irait passer l’hiver de l’autre côté de la montagne où donne la tiédeur de la mer. » Un silence de mort et une écriture sensuelle : Valerio Varesi nous émeut et nous faire rire, dans un style littéraire d’une belle et rare élégance. Voilà pour l’atmosphère.
POUR SONERI, UNE SOMMITÉ EN ITALIE. Écrit en 2009, La Main de Dieu est le septième volume de la série traduit en français. Avec Soneri en personnage récurrent, né d’un vrai commissaire que l’auteur a rencontré dans ses premières années de journaliste. Un personnage dense et complexe qui, au-delà de son statut de commissaire, s’interroge en permanence sur le monde qui l’entoure. S’attardant sur la périphérie des crimes. Instillant une dimension philosophique à ses investigations tout en s’interrogeant sur le sens de sa carrière de policier. Un enquêteur à la Maigret, intuitif, discret et contemplatif, qui donne des pistes, prend le temps d’écouter, de regarder. Et qui préfère les individus modestes et se place à leurs côtés. Un homme mûr, mal à l’aise dans son époque, sensible au temps qui passe, fatigué de fréquenter les morts, tenté par une forme de retrait. Malgré le vague à l’âme qui semble l’habiter en permanence, le commissaire Soneri est un personnage terrien, très attaché à sa région et son terroir. Un gourmand qui apprécie les bons petits plats et entretient une relation piquante avec la belle Angela, une avocate qui n’a pas froid aux yeux. Un homme attaché à l’Histoire, qui souffre de voir sa chère ville de Parme aux mains des affairistes et de politiciens peu scrupuleux. Une forme de mélancolie traverse particulièrement cette Main de Dieu. Un pessimisme rythmé par la nostalgie d’une Émilie-Romagne en train de disparaître. Un sentiment de gâchis tout à fait tragique. « Parfois je n’aime pas la manière dont ça se termine », dit Soneri.
POUR L’INTRIGUE, SOLIDE ET POLITIQUE. Le corps d’un homme est retrouvé sous un pont. Il s’agit du patron de l’usine locale ; l’homme qui tenait la région d’une main de fer. Au-delà de la recherche du coupable, c’est la compréhension des forces politiques en présence qui va nous intéresser au plus haut point. L’opposition entre les ambitieux, rêvant de progrès et de station de ski nec plus ultra, et les écologistes qui veulent préserver la nature. Avec en toile de fond l’histoire du pays, de ses sentiers, où les partisans antifascistes et les pèlerins ont été remplacés par des trafiquants de toutes sortes. Pas de quoi se réjouir.
On a de la chance avec nos amis italiens, après Rocco, revoilà Soneri de Valerio Varesi. Il nous amène en montagne, l’hiver, dans La main de Dieu.
Un cadavre venu s’échouer, l’hiver dans La Parma (on apprend qu’à Parme les torrents sont féminins), une camionnette retrouvée en amont qui appartient à quelqu’un d’un village, plus haut, toujours plus haut, et voilà Soneri coincé en plein hiver dans un village de montagne. Un village loin de l’image idyllique que l’on peut avoir de la vie proche de la nature. Un village qui n’aime pas les étrangers, et où il se passe de drôles de choses.
Qu’il soit à la ville ou à la montagne, la vision de Soneri de l’humanité reste sombre. C’est vrai, il est flic, et confronté au pire de l’âme humaine. Ici un village renfermé, où des habitants aigris ne supportent pas que des « étrangers » qu’ils soient vraiment d’un autre pays, ou juste de la ville, viennent leur dire comment il faut vivre, ou même simplement viennent essayer de vivre autrement.
Des paysages magnifiques, une nature sauvage, mais des gens tristes et agressifs, ayant totalement perdu les notions de solidarité qui prévalaient il n’y a pas si longtemps, et qui sont prêts à tout pour gagner l’argent qui leur permettra d’acquérir tout ce qu’on leur promet à la télévision, mais auquel ils n’ont pas accès.
Comme le dit un garde forestier bien seul :
« Ce n’est plus la peine de montrer les crocs comme les loups, il suffit de domestiquer l’argent, d’abrutir avec la télé et de faire semblant d’être démocrate. Voilà comment on se fait élire sans contraindre personne. Simple, non ? » Et ça ne marche pas que dans la montagne du nord de l’Italie …
C’est donc au règne de l’argent plus ou moins facile, sans règle ni morale, et à la bêtise bien grasse que Soneri sera confronté cette fois. Encore un très bon Varesi, sombre, mais illuminé par quelques visions de la montagne et quelques plats réconfortants. Parce qu’en Italie, même les sales cons savent cuisiner.
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