Les archives des sentiments
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l’avis des lecteurs
TTT - Très Bien "Il vous enserre dans des histoires étranges et mélancoliques au climat incertain, où seule une écriture simplissime raccroche au quotidien, aux émotions feutrées. Une peur diffuse y hante des personnages égarés dans le brouhaha factice d’aujourd’hui et qui lui préfèrent balades en forêt et plongées dans les lacs glacés. La métaphysique pourtant n’est jamais loin… Le huitième troublant roman du Suisse allemand Peter Stamm, 60 ans, n’échappe pas à son univers doucement inquiétant. Licencié pour cause de numérisation tous azimuts, le documentaliste d’un journal en est le bizarre narrateur. Ne rachète-t-il pas les archives papier qu’il a scrupuleusement découpées, sa carrière durant, pour les rapatrier dans sa maison ? « Les archives ne renvoient pas au monde, elles sont une copie du monde, un monde en soi, écrit-il. Et à la différence du monde réel, elles ont un ordre, tout y a une place déterminée… Voilà la véritable finalité des archives. Être là et créer un ordre. » Pour mieux supporter une époque de chaos, trouver un semblant de normalité quand menacent à chaque instant solitude, abandon et vide, le documentaliste classe et reclasse ses dossiers, peu à peu indifférent à l’actualité et aux autres."
Quatrième de couverture
Ancien documentaliste, le narrateur passe son temps à découper des articles de presse, qu'il archive dans sa cave – tous soigneusement rangés dans des dossiers. L'un d'entre eux est dédié à Franziska, alias Fabienne, une ex-chanteuse de variétés à succès. Le temps passant, ils se sont perdus de vue. Mais un jour, le narrateur décide de reprendre contact avec elle et, après s'être procuré son adresse mail, lui envoie un message.
Mon avis
Il a été archiviste, il lisait, découpait, classait. Tout était soigneusement rangé dans des dossiers. Il y avait celui de Fabienne, Franziska, une chanteuse qu’il admirait. Et puis il a été licencié. À l’heure d’internet, plus besoin de garder de traces écrites, tout est sous format numérique et notre homme se retrouve au chômage. Il négocie avec ses employeurs le droit d’emporter ce à quoi il a consacré tout son temps. Il dépose tout cela chez lui et …. Il continue : découper, classer… Mais il se sent seul…
« Ce n’était pas les échanges avec les autres qui me manquaient mais le sentiment d’être intégré, de faire partie d’un ensemble. »
En continuant son activité, il existe. Son esprit s’évade, revient en arrière dans ses archives personnelles. Qu’a-t-il fait de sa vie, de ses sentiments, de ses ressentis, de ses rencontres ? Il analyse, décrypte, scanne, comme il le faisait avec les documents sur lesquels il travaillait.
C’est un long monologue auquel il nous convie, avec Franziska en fil conducteur. On ne sait pas si ce qu’il transmet est vrai ou déformé par l’envie de vivre (ou d’avoir vécu) certains instants. Tout ça fluctue au gré de ses émotions, de ses souvenirs faussés ou non. Finalement à force de collecter des informations sur ce que les autres ont vécu ou écrit, ne s’est-il pas oublié en route ?
« Aussi loin que remontent mes souvenirs, j’ai toujours douté de mes sentiments, et même dans les plus grands moments d’effervescence affective, j’ai toujours été un peu à distance de moi-même, en train de m’observer. »
C’est sans doute, pour lui, une forme de protection, pour ne pas déranger le cours de sa vie, toujours les mêmes rituels, un rythme et des occupations identiques. Est-ce qu’il a raté quelque chose ? Est-ce que son quotidien aurait pu être différent, notamment ses amours ? Aurait-il été capable de donner sans s’interroger, de se lâcher, d’être lui ? La construction de ses relations aux autres montre qu’il avait malgré tout, des difficultés à se lier. On peut se questionner. En faisant ces choix, cet homme a voulu sa solitude, il s’est enfermé dans ce qui a été ou qu’il a imaginé. Et si cela lui suffit, pourquoi pas ? Il s’est attaché aux écrits pour garder une trace, mais pour autant il n’a jamais rédigé de journal intime. Il s’est appliqué à garder tout ce qui paraissait sur Franziska mais rien sur lui. Alors il ne peut se fier qu’à sa mémoire.
C’est dans un style mélancolique, avec des phrases assez courtes que nous lisons ce que cet homme veut bien partager avec nous. Si le passé s’invite à sa porte, que va-t-il faire ? Quelle image a-t-il laissé aux autres ? Est-ce que ça vaut la peine d’aller à la rencontre d’autrefois ? On pourrait penser qu’il n’y a pas grand-chose dans ce récit et pourtant, c’est fascinant. Une espèce de magnétisme nous fait pénétrer dans l’intimité intellectuelle du narrateur et comme il s’exprime en style indirect, on a l’impression qu’il nous narre son histoire au creux de l’oreille, comme un secret. Il y a une atmosphère particulière, faite d’introspection et on se retire à la dernière page sur la pointe des pieds.
Une vie qui s’écrit au subjonctif
Dans son nouveau roman Peter Stamm met en scène un archiviste au chômage qui retrouve un fichier consacré à une chanteuse dont il était éperdument amoureux et avec laquelle il aimerait renouer des liens. Mélancolique et tendre, sur l’air de Dis, quand reviendras-tu de Barbara.
«Le plus clair de mon temps, je le passe à traiter les journaux et les magazines auxquels je suis abonné, je découpe les articles intéressants, je les colle, leur attribue une référence avant de les mettre dans les dossiers correspondants, travail pour lequel j’étais payé autrefois et que je continue pour moi tout seul depuis que j’ai été licencié, parce que sinon je ne saurais pas comment occuper mon temps. Comme son épouse Anita a préféré le quitter, le narrateur – qui n’est jamais nommé – occupe désormais sa solitude à gérer les archives du journal qui l’employait et qu’il a réussi à faire rapatrier dans sa cave lorsque le service a été supprimé. Un peu maniaque, il cherche à mettre de l’ordre dans sa vie en triant et en créant de nouveaux dossiers. Il ne sort plus guère de son domicile, si ce n’est pour de longues marches durant lesquelles il peut ressasser son triste sort mais aussi convoquer des souvenirs et laisser son imaginaire vagabonder.
C’est ainsi qu’il se voit cheminer avec Franziska, son amour de jeunesse qu’il a perdu de vue lorsqu’elle a entamé une carrière de chanteuse sous le nom de Fabienne et aimait réinterpréter les airs de Barbara. En fait, il ne l’a jamais oublié, en témoigne un dossier de plusieurs kilos rassemblé au fil de la carrière de l’artiste. Une façon discrète de partager encore un bout de chemin avec elle, lui qui n’a jamais osé lui avouer son amour, y compris lorsque le hasard des rencontres les mettait en présence l’un de l’autre. Ils ont même partagé une fois une chambre d’hôtel, mais sans que ce rapprochement physique ne débouche sur autre chose qu’un sage baiser.
À quarante-cinq ans, il se dit qu’il ne risque rien à essayer de contacter Franziska, maintenant qu’un ancien collègue a réussi à la localiser.
Peter stamm raconte alors la douce métamorphose d’un homme qui se rapproche de l’être aimé et plus il avance dans sa quête, moins il se soucie de ses archives.
Peter Stamm le mélancolique a concentré dans ce roman ses thèmes de prédilection, la solitude, l’errance, le doute qui déjà habitaient le narrateur de L’un l’autre ou cette exploration du passé comme dans Tous les jours sont des nuits. Avec la même langue, limpide comme un ruisseau de montagne, il capte l’attention du lecteur qui ne peut s’empêcher – pour peu qu’il ait un certain âge – de repenser lui aussi à son premier amour, à ce qu’il aurait pu être, à ce qui pourrait advenir si le hasard le mettait à nouveau sur sa route…
Alors la vie s’écrit au subjonctif.
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