Adios cow-boy
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l’avis des lecteurs
J’inaugure avec ce roman ma première lecture croate, pour un résultat, je dois l’avouer, plutôt mitigé. Le début "d’Adios cow-boy" m’avait pourtant installée dans de bonnes dispositions.
Un appel de sa sœur incite Dada, la narratrice, à retourner vivre à Staro Naselje, sa ville natale. Les motivations de ce retour sont assez floues. S’agit-il de veiller sur Ma, la mère, de plus en plus accro aux médicaments ? De comprendre le geste de Danijel, le frère qui s’est jeté quatre ans auparavant sous un train sans laisser d’explication ?
Dada elle-même ne semble pas vraiment consciente du but qui l’anime. Elle erre dans la ville de son enfance, à pieds ou au guidon de sa vieille mobylette, se fait interpeller par ceux qui reconnaissent en elle La Rouillée, surnom que lui valut sa chevelure rousse, rend visite au solitaire et vieillissant Herr Professor, le voisin vétérinaire revenu lui aussi après une longue absence, dont on n’a jamais su si les rumeurs le faisant passer pour un pervers étaient fondées. Toujours est-il que Dada espère trouver, chez cet homme avec lequel Danijel, amoureux des animaux, passait beaucoup de temps, des réponses à certaines de ses questions.
Des souvenirs s’invitent en permanence, pêle-mêle, dans ce présent erratique. Celui du père, qui a transmis sa passion pour le western à ses enfants, de la chatte Jill la rousse, des jeux parfois brutaux auxquels se livraient les bandes de gamins désœuvrés dont beaucoup ont laissé leur vie sur la nationale où ils fonçaient, dès treize ans, sur des scooters bricolés à partir de pièces détachées.
"Chez nous, l’accident de la route, c’est une mort naturelle"
La ville elle-même, "véritable décharge à ciel ouvert", y occupe une place prépondérante, presqu’île parcourue de rues labyrinthiques, bordée sur trois côtés de plages mazoutées qui tâchaient de noir les slips de bain, le quatrième s’ouvrant sur le désert que constituaient la voie ferrée et les broussailles épineuses. Les cours intérieures et les passages étroits entre les masures, les escaliers finissant dans le ciel et le vieux port avec ses bateaux retournés en cale sèche formaient d’infinis terrains de jeux.
Et même si Staro Naselje a depuis connu quelques transformations -des tapis de gazon et les cubes vernissés des centres commerciaux s’exhibent dorénavant dans le quartier de la voie ferrée, des étrangers en quête d’authenticité ont transformé de nombreux taudis en maisons coquettes-, l’image que l’on garde de la ville est celle d’un lieu de misère crasse et de violence, sinistre malgré le soleil et ses hordes grouillantes d’enfants.
C’est ainsi une vision désenchantée de cette banlieue croate que nous livre Olja Savičević par l’intermédiaire de son héroïne. Elle le fait en une profusion d’images, souvent singulières, parfois frappantes de justesse, mais prend aussi parfois des élans trop métaphoriques pour être accessibles. De même, elle manie l’ellipse avec une insistance qui rend par moments le récit confus. On passe ainsi de véritables fulgurances à une opacité qui fait frôler l’ennui, et l’on regrette surtout qu’à force d’allusions et de dispersion, le récit ne semble jamais vraiment prendre consistance. La plupart des personnages ne sont qu’effleurés -notamment ceux de Danijel et de cette sœur dure et sarcastique que j’aurais aimé approcher de plus près-, et beaucoup de sujets évités, ou du moins traités en superficialité, à l’image d’une guerre dont les habitants de Staro Naselje font semblant de croire qu’elle ne les a pas vraiment concernés…
Des travers que rattrape un peu une fin surprenante et pour le coup très intense, mais qui m’empêcheront de garder de cette lecture une empreinte durable.
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