Leurs enfants après eux
  • Date de parution 01/10/2024
  • Nombre de pages 560
  • Poids de l’article 1 gr
  • ISBN-13 9782330197407
  • Editeur ACTES SUD
  • Format 175 x 109 mm
  • Edition Livre de poche
famille Romans français Réédition moins de 6 mois

Leurs enfants après eux

3.99 / 5 (7377 notes des lecteurs Babelio)

Résumé éditeur

Août 1992. Une vallée perdue quelque part dans l'Est, des hauts-fourneaux qui ne brûlent plus, un lac, un après-midi de canicule. Anthony a quatorze ans, et avec son cousin, pour tuer l'ennui, il décide de voler un canoë et d'aller voir ce qui se passe de l'autre côté, sur la fameuse plage des culs-nus. Au bout, ce sera pour Anthony le premier amour, le premier été, celui qui décide de toute la suite. Ce sera le drame de la vie qui commence. Avec ce livre, Nicolas Mathieu écrit le roman d'une vallée, d'une époque, de l'adolescence, le récit politique d'une jeunesse qui doit trouver sa voie dans un monde qui meurt. Quatre étés, quatre moments, de «Smells Like Teen Spirit» à la Coupe du monde 98, pour raconter des vies à toute vitesse dans cette France de l'entre- deux, des villes moyennes et des zones pavillonnaires, de la cambrousse et des ZAC bétonnées. La France du Picon et de Johnny Hallyday, des fêtes foraines et d'«Intervilles», des hommes usés au travail et des amoureuses fanées à vingt ans. Un pays loin des comptoirs de la mondialisation, pris entre la nostalgie et le déclin, la décence et la rage.

livré en 5 jours

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  • Nombre de pages 560
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  • Editeur ACTES SUD
  • Format 175 x 109 mm
  • Edition Livre de poche

l’avis des lecteurs

A bien y réfléchir, je pense que c’est la première fois, et probablement la dernière fois, que j’achève un roman, le jour même où celui-ci obtient le prix Goncourt et à la lecture des communiqués de presse locaux annonçant le triomphe de Nicolas Mathieu pour Leurs Enfants Après Eux, je ne peux m’empêcher de sourire en devinant, entre les lignes, l’embarras de quelques journalistes se demandant qui peut donc bien être ce romancier sorti de nulle part. Pourtant, sans pressentir une telle consécration, on décelait déjà avec Les Animaux La Guerre (Actes Noirs 2014), l’immense talent d’un auteur évoquant cette France périphérique engluée dans une lente agonie industrielle, en utilisant, avec une belle intelligence, les codes du roman noir. Un ouvrage intense qui a d’ailleurs fait l’objet d’une adaptation pour une série télévisée interprétée, entre autre, par Roshdy Zem et Tcheky Karyo. Avec ce second livre abordant les mêmes thématiques sur un registre beaucoup moins sombre mais tout de même emprunt d’une certaine violence, et même si le genre littéraire importe peu, tant la qualité du texte est indéniable, on regrettera le fait que Leurs Enfants Après Eux ne figure pas dans la même collection Actes Noirs ce qui nous aurait sans doute épargné cette couverture improbable, un peu kitch, nous rappelant les grandes heures du roman-photo. Pourtant il convient de découvrir ce regard vif d’une France dont on parle peu en suivant les destins croisés de trois adolescents tentant de s’extirper du marasme d’une région qui n’a plus rien à leur offrir.

Août 1992, dans cette vallée perdue de l’est de la France où les hauts fourneaux ne sont plus que de lourdes silhouettes muettes, emblèmes d’un monde qui a définitivement disparu et incarnant un héritage dont on ne sait plus quoi faire, il ne reste plus que des hommes et des femmes marqués par cette désindustrialisation. Mais Anthony, Hacine et Stéphanie se moquent bien de cet encombrant fardeau, tournés qu’ils sont vers l’instant présent. Parce qu’à quatorze ans on ne se soucie guère des affres parentales pour se consacrer aux conneries d’adolescent en sillonnant la région au guidon de scooters et de mobylettes trafiquées afin de se retrouver lors de soirées estivales où l’on picole tout en faisant tourner quelques joints. Premiers émois amoureux, règlements de compte foireux tout comme les petits trafics de haschich prenant plus d’ampleur, sur l’espace de quatre étés, Hacine, Anthony ainsi que la belle Stéphanie vont apprendre à leur dépend que l’on ne brise pas aussi facilement les codes sociaux qui dessinent leurs destinées.

Sur quatre périodes estivales, couvrant la dernière décennie du siècle passé, qui prennent le nom des succès de l’époque avec Smell Like Teen Spirit de Nirvana pour l’été 1992, You Could Be Mine de Guns N’ Roses pour l’été 1994, La Fièvre de NTM pour l’été 1996 et I Will Survive de Gloria Gaynor pour l’été 1998, Nicolas Mathieu décline sans pathos et sans lyrisme le parcours de trois adolescents qui vont tenter, chacun à leur manière de ne pas reproduire les schémas de leurs parents respectifs que ce soit l’alcoolisme et la violence d’un père frustré pour Anthony, l’ennui d’une bourgeoisie étriquée pour Stéphanie ou les difficultés sur des enjeux d’immigration et d’intégration pour Hacine. Des protagonistes tentant, parfois de manière bien maladroite et quelque fois sans même s’en rendre compte, d’échapper à leur destin qui semble pourtant tout tracé avec à la clé, pour les deux garçons, des boulots minables se transformant en CDI qui font office de graal. Pour Stéphanie, l’échappée peut résider dans l’utilisation efficiente des filières scolaires qui font plutôt office de tamis social. Le tableau est plutôt féroce, terriblement lucide en ne laissant aucune place aux illusions. Et pourtant au gré d’un quotidien pétrit de petites tragédies, Nicolas Mathieu nous laisse entrevoir quelques lueurs d’espoir aux travers de ces petits instants de joie qui ponctuent l’ensemble d’un récit solidement ancré dans le réalisme social d’une région qu’il connaît parfaitement. Outre les dialogues qui sonnent toujours juste et une intrigue qui se dessine parfaitement, l’auteur parvient également à restituer l’ambiance de cette décennie en instillant tout au long du récit des produits de consommation de l’époque ainsi que des références musicales et cinématographiques qui font office de madeleines proustiennes en procurant pour beaucoup de lecteurs, quelle que soit la génération d’ailleurs, une charge émotionnelle supplémentaire.

Tout au long du récit, malgré cette soif de vivre qui exsude de chacun des personnages, on devine cette lourde sensation de malédiction accablant l’ensemble des protagonistes pour lesquelles, on n’en doute pas un seul instant, Nicolas Mathieu a injecté une part de lui-même leur conférant ainsi un supplément d’humanité et de justesse. C’est également dans la pertinence des propos ainsi que dans l’adéquation des mises en situation, ne laissant aucune place au jugement ou au misérabilisme, que l’on appréciera ce regard plein d’affection, mais pourtant sans concession, que l’auteur porte sur la région de son enfance. Chronique sociale chargée d’une émotion latente pour évoquer cette France de l’entre-deux dont on ne connaît finalement pas grand-chose, Leurs Enfants Après Eux exprime toute la frustration, la rancœur et parfois la colère rentrée d’une population qui ne se retrouve tout simplement pas dans ce monde que l’on dit nouveau. Un livre brillant et marquant.

TTTT - Bravo "La justesse bouleversante du regard et des dialogues, la beauté déchirante du texte vous prennent à la gorge. Car c’est d’une tragédie qu’il s’agit, le constat d’un échec et d’un leurre collectifs, qui se termine ironiquement dans l’illusion de l’unité et de la fraternité de la finale de la Coupe du monde de foot. Nicolas Mathieu, qui s’était fait brillamment remarquer à l’occasion de la sortie de son premier roman, Aux animaux la guerre, confirme un talent hors du commun."

Comme dans "Aux animaux la guerre", Nicolas Mathieu nous emmène avec son deuxième roman au cœur des territoires silencieux et délaissés que constituent ces coins de province où la vie s'écoule sans perspectives…


La fermeture des hauts-fourneaux de Metalor a fait d’Heillange une région sinistrée. Pendant un siècle, ils ont drainé les existences, les êtres, les heures. Les enfants ont été baignés des histoires de solidarité ouvrière, de fraternité populaire, de vies rythmées par l’usine. Les saignées laissées dans la ville par les installations désormais inutilisées ravivent les mémoires, et la nostalgie d’un temps qu’avec le recul, on considèrerait presque comme prospère.


Mais l’industrie, c’est fini. Place à l’ère du tertiaire, à la société du loisir, de l’ultra-consommation, et de la joie ostentatoire. Un projet de construction de parc d’attraction devrait redonner de l’élan à Heillange, dont on a d’ailleurs déjà repeint les façades du centre-ville en couleurs, ça fait un peu carton-pâte, mais c’est quand même plus gai que le gris.


En attendant ce chimérique renouveau, il faut composer avec le marasme et la précarité qu’a instauré le déclin économique. C’est dans le quotidien des perdants que nous installe Nicolas Mathieu, de ceux qui se débattent à la lisière de la pauvreté, subissent le travail précaire ou l’absence de travail, et constituent ce qu’on appelle les "classes modestes".


Il dépeint la médiocrité étriquée, uniforme, l’appréhension du milieu de mois, sans parler d’en boucler la fin. Le quotidien enfermé dans des habitudes dont on ne déroge pas, les horaires de repas immuables, la manière de tout compter, tout couper en morceaux, les journées aussi bien que les parts de tartes. Même les idées sont comme paramétrées, elles s’apparentent d’ailleurs davantage à des principes, qui permettent de se scandaliser à l’unisson, de s’indigner sur commande, de se rejoindre sur la haine des arabes, ou le mépris de l’encore plus déclassé, l’appartenance à une certaine "normalité" et l’assurance qu’on n’est pas les plus indigents, les plus incultes, les plus assistés, permettant de conserver une once de dignité, d’estime de soi.


Il exprime la violence de ces vies poussives, difficiles, plombées par les grossesses multiples, le chômage, l’alcoolisme, la dépression. Le manque d’ambition inhérent au déterminisme social, qui vous condamne à croupir dans cette médiocrité qui en devient un héritage.


C’est par l’angle de la jeunesse que l’auteur aborde cet univers de morne désespoir. Au fil de quatre étés pairs, de 1992 à 1998, il se focalise sur deux adolescents dont les routes se croisent, s’affrontent.


En 1992, ils ont quatorze ans. Anthony traîne avec son cousin plus âgé, à boire de la bière et commettre des petits larcins. C’est une tête brûlée, que la fougue de la jeunesse et un contexte familial compliqué -son père, alcoolique, est à l’occasion violent- incitent à délaisser les bancs de l’école et le domicile familial. Comme tout garçon de son âge, Anthony rêve de filles, de seins et de fesses, à la fois avide de douceur et d’attention, et tourmenté par ses montées de testostérone. Et puis c’est l’été, le moment d’aller épier les nudistes qui se prélassent sur une des plages isolées du lac d’Heillange, de se faire inviter dans les fêtes que donnent les jeunes privilégiés auxquels les parents laissent leur maison le temps d’un week-end... C’est à cette occasion, et suite au vol de la moto qu’Anthony avait secrètement empruntée à son père, que le garçon fait la connaissance d’Hacine, qui cumule quant à lui infériorité sociale et statut d’étranger, bien qu’étant né en France et partageant avec de nombreux enfants d’Heillange une carrière paternelle chez Metalor. Hacine qui n’a sa place ni ici ni ailleurs, confiné dans sa cité avec ses semblables, sous la double et contradictoire emprise de la honte que lui inspire son perdant et humilié de père, et de la rage que provoque son exclusion d’une société qui le condamne à la délinquance.


Dans une langue simple, directe, Nicolas Mathieu déploie avec justesse et tendresse les émois, les frustrations, les questionnements, les rêves d'ailleurs de ces adolescents -et de ceux qui les entourent-, tirant prétexte du contexte estival pour exacerber le langage avide et maladroit des corps. La dimension parfois un peu caricaturale avec laquelle il dresse le tableau de ce milieu provincial et morose, est amoindrie par sa capacité à exprimer, malgré ses tourments et ses incertitudes, la fraîcheur et les émois de cette période de mutation qu’est l’adolescence. Il fait par ailleurs renaître avec naturel chacune des époques qu'il évoque, s’aidant de la bande-son, d’allusions aux événements qui les ont rendues mémorables et des références culturelles qui les définissent.


Un roman très réussi.

Je l’avais annoncé, au moment où on apprenait le Goncourt de Nicolas Mathieu je venais de commencer Leurs enfants après eux. Grand roman assurément.


Eté 1992, Anthony, Steph et Hacine sont ados, 14 – 15 ans. Ils vivent à Heillange dans les Vosges. Anthony et Hacine sont fils d’ouvriers ; Steph fille de bourgeois un peu plus installés. Un soir d’été, sans rien dire à son père, Anthony lui prend sa moto pour aller à une fête, dans une grosse baraque avec son cousin. Ils y ont été invités par un copain de Steph.

Au petit matin, quand ils veulent rentrer bien éméchés, la moto a été volée, par Hacine et un pote qui ont été refoulés après avoir tenté de s’incruster à la fête. Une catastrophe pour Anthony qui craint les réactions violentes de son père. Le début d’une spirale pour tous ceux qui sont impliqués dans cette affaire, ados et parents. Une spirale qui va continuer à tourner, d’été en été, en 1994, 1996 et enfin 1998.

Quel roman ! Tout ce qu’on aime quand on aime le roman noir, avec une vraie histoire, avec des personnages inoubliables, et qui en plus raconte une région et sa population. Quand on aime les auteurs qui parlent d’autre chose que de leur nombril, les auteurs dont l’humanité transpire dans chaque ligne.

Par où commencer ? Sans doute par la justesse des portraits de ces personnages, adolescents et parents, tous également bouleversants. Même le père violent, alcolo, même ses copains pas particulièrement malins, volontiers racistes, tous paumés, orphelins d’une industrie lourde qui les avait écrasés, mais leur avait aussi donné un squelette, une famille, une raison d’être et d’être ensemble. Que leur reste-t-il maintenant qu’on leur a dit qu’on ne voulait plus d’eux, que la région doit se tourner vers l’avenir (sous entendu, vous êtes la passé), vers les bases de loisirs ? Le bistro, les cuites à répétition.

Mères inquiètes qui commencent à vivre quand séparés, elles n’ont plus les gamins à la maison. Adolescents sans trop de repères, sans grands succès à l’école, et puis cette inquiétude, comment aborder les filles (ou les garçons), que faire de ce corps qui désire tant le corps de l’autre. Passage obligé de tout roman sur l’adolescence, mais tellement bien écrit ici.

Et ce qui est beau, très beau, c’est que Nicolas Mathieu élargit sont paysage, et au travers des différents personnages, sur 4 ans, dresse un tableau complet, sans jamais perdre le lecteur : ceux qui se perdent, ceux qui traficotent, ceux qui partent et reviennent, ceux qui, grâce au travail acharné, partent pour ne plus revenir. Les moments de repli sur soi, mais également ceux où, pour une occasion ou une autre, une vraie communion existe entre tous. Sans juger, sans misérabilisme, jamais larmoyant mais toujours tendre et humain.

Et tout cela sans oublier de tisser une intrigue, ténue mais bien là, qui tend le récit, d’un été à l’autre, distillant une petite musique parfois inquiétante qui fait craindre le pire … Pour mieux vous prendre à contrepied.

C’est superbe, on a souvent le cœur serré ou le sourire aux lèvres, c’est un immense roman, vous ne pouvez qu’aimer si vous avez déjà aimé Aux animaux la guerre son premier roman, ou L’été circulaire de Marion Brunet (qu’il remercie en fin de roman), ou les romans de Larry Brown ou Daniel Woodrell, peut ne citer que les auteurs auxquels il m’a fait penser tout de suite.

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