
Connemara
Résumé éditeur
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l’avis des lecteurs
C’est une fois encore au cœur de cette France provinciale que depuis l’ouvrage de Christophe Guilluy, on qualifie commodément de "périphérique", que Nicolas Mathieu plante le décor de son troisième roman.
Hélène est revenue vivre à Cornécourt avec son mari Philippe et leurs deux filles. Elle avait pourtant tout fait pour fuir la médiocrité de sa ville natale et d’une famille dont les bonheurs modestes et les manies de classe moyenne lui faisaient honte. Elle a pris ses distances à coup de diplôme et de hautes études de commerce, est devenue à Paris cette femme fantasme et performante qu’elle rêvait d’être, puis a fait un burn-out. Elle sent depuis s’immiscer dans son couple le poids, même s’il est tu, des concessions qu’à dû faire son conjoint en quittant un poste en or et de fabuleuses perspectives professionnelles. Ce nouveau départ est malgré tout placé sous d’excellents auspices : chacun d’eux occupe un poste à responsabilités copieusement rémunéré, leurs filles sont en bonne santé, et tout ce petit monde vit dans une belle maison d’architecte avec dressing. Pourtant, Hélène se sent minée par un vague manque, par la conscience latente mais permanente du temps qui a fui, la laissant moins fraîche et plus lourde. D’une étape à l’autre, effort après effort -le boulot, les enfants-, la vie s’est focalisée sur la gestion du quotidien, gouverné par l’impératif de l’efficacité. Et elle voit bien la distance qui la sépare de son assistante Lison, drôle de gamine aussi maline qu’effrontée, qui enchaîne les flirts avec désinvolture, et finit par la convaincre de s’inscrire sur une application de rencontres.
Mais c’est hors des réseaux sociaux qu’elle assouvit finalement son besoin de renouveau, en croisant par hasard Christophe Marchal, camarade de lycée avec qui son amie d’alors, la charismatique Charlotte, avait eu une aventure. Lui n’a jamais quitté Cornécourt, il y a fait sa vie, qui dernièrement part en morceaux, lui laissant un sentiment de gâchis et de lassitude. Depuis que sa femme Charlie l’a quitté, il vit chez son père qui peu à peu perd la tête, ce qui donne à son ex, inquiète de savoir leur fils sous la garde régulière de ce papy défaillant, un motif supplémentaire de conflit. Ex champion de hockey sur glace à la gloire aussi fulgurante qu’éphémère, il exerce un modeste emploi de commercial, ses loisirs se réduisant grosso modo à boire trop de bières avec ses deux anciens potes de lycée Greg et Marco. Lui aussi a vieilli, il arbore ses premiers cheveux blancs et est devenu plus massif qu’athlétique. Pourtant, quand elle le revoit, Hélène, comme une gamine, a un coup de chaud…
L’inversion des rôles -l’idée de l’insignifiante première de la classe devenue femme d’affaires pleine d’aplomb séduisant le champion qui n’est plus- l’excite. Ils entament, comme nourris d’un supplément d’adolescence et d’insouciance, une liaison torride, l’auteur alternant le récit de ces retrouvailles tendres et enflammées avec celui de la jeunesse de ses héros.
Nicolas Mathieu démontre d’un roman à l’autre qu’il est l’écrivain du "lot commun", de la "banale affaire", celui qui dit ces existences sans flamboyance ni tragédies qui passent sous les radars, leur succession de joies ordinaires et de drames prévisibles. Sa tendresse pour la normalité même de ses personnages, et sa capacité à y traquer ce qui à la fois les singularise et les inclut dans le grand magma humain lui permettent généralement d’éviter les écueils de la simplification et de la platitude. Je précise "généralement" parce que je dois bien avouer que cette fois, ça n’a pas complètement pris en ce qui me concerne. J’ai pourtant d’abord retrouvé avec plaisir l’écriture de l’auteur, et son talent pour donner corps à ses protagonistes ou à ses décors par quelques références habilement choisies, provoquant chez le lecteur un sentiment de familiarité et d’admiration face à la véracité des images ainsi convoquées. Seulement, même si j’admets qu’il frappe souvent juste dans son évocation des remous adolescents ou du désenchantement accompagnant la maturité, je ne me suis guère senti d’affinités avec l’héroïne et ses ambitions de working-girl, et me suis rapidement lassée de ses séances de galipette avec son hockeyeur défraichi. J’ai trouvé par ailleurs que sa capacité, évoquée ci-dessus, à dresser portrait par une succession de caractéristiques, manquait parfois de subtilité, avec pour résultat un effet "catalogue", à deux doigts du cumul de poncifs.
J’ai en revanche apprécié le regard féroce et narquois qu’il porte sur l’univers professionnel des grandes boites de conseils et de communications, et par extension sur le secteur tertiaire en général, soulignant l’abus des anglicismes, la réunionite, les théories managériales et les principes d’organisation qui changent d’une année à l’autre, le temps passé à justifier ce que l’on fait plutôt que de le faire… Tout cela dans le but d’afficher une image de rendement et de modernité en inadéquation, bien souvent, avec une réalité moins reluisante, celle de tâches dénuées de sens, et de la désagréable sensation de se faire enfumer à coups de boniments censés faire passer des discours creux pour des communications d’importance capitale donnant aux salariés l’illusion qu’on les implique dans la grande marche de l’entreprise.
Il m’a semblé, pour conclure, que la principale question qui traverse ce roman et celle de la définition du bonheur. Est-il indissociable de la réussite ? Si oui, qu’entend-on par ce terme ? Et comment s’affranchir des références que fixent en la matière les diktats sociétaux pour trouver la voie de ses propres aspirations ?
Entre mon intérêt pour le fond, et mes bémols quant à la façon dont il est parfois traité, ce fut une lecture en demi-teinte, donc …
La chanson qui parle d’eux
Le prix Goncourt 2018 poursuit sa fine analyse de la société en racontant avec Connemara le parcours de deux quadragénaires qui se retrouvent dans leurs Vosges natales 20 ans après s’être quittés. Hélène et Christophe vont-ils réussir à se trouver?
C’est un matin comme tous les autres dans la famille d’Hélène et Philippe. Un matin au chronomètre qui commence dès 6h. Après la douche, il faut préparer les céréales des filles, ne rien oublier surtout, et prendre la route. Déjà fatiguée avant d’attaquer la journée. En colère aussi. «Pourtant, sur le papier, elle avait tout, la maison d’architecte, le job à responsabilités, une famille comme dans Elle, un mari plutôt pas mal, un dressing et même la santé. Restait ce truc informulable qui la minait, qui tenait à la fois de la satiété et du manque. Cette lézarde qu’elle se trimballait sans savoir.» Après son burn-out à Paris, elle avait réussi à convaincre son mari de partir en province, mais si le rythme nancéen était un peu moins trépidant, les symptômes étaient semblables. Au sein d’Elexia, elle occupe un poste de consultante en ressources humaines, en particulier pour les collectivités territoriales. À près de 40 ans, et avec l’aide de Lison, sa stagiaire, elle se distrait en surfant sur les sites de rencontre, histoire de se prouver qu’elle reste désirable.
Changement de décor et de personnage. Nous sommes cette fois dans les Vosges, à Cornécourt. «C’était une petite ville peinarde, avec son église, un cimetière, une mairie des seventies, une zone d’activités qui faisait tampon avec l’agglomération voisine, des zones pavillonnaires qui champignonnaient sur le pourtour et, au milieu, une place flanquée des habituels commerces: PMU, boulangerie, boucherie-charcuterie, agence immobilière où s’activaient deux hommes en chemisette. À Cornécourt, le taux de natalité était bas, la population vieillissante, mais les finances municipales au beau fixe, grâce notamment aux abondantes taxes que payait une vaste fabrique de pâte à papier au nom norvégien que personne ici n’arrivait à prononcer. Cette prospérité n’empêchait pas le FN d’arriver en tête des premiers tours ni ses habitants de déplorer des incivilités toujours imputables aux mêmes.» C’est là que vit, ou plutôt que survit Christophe, commercial de 40 ans. Seul. S’il avait fini par conquérir Charlie, la fille qu’il avait voulue à tout prix. Charlie qui l’a quitté. Restait ce gosse qui était tout pour lui «et pour lequel il trouvait jamais le temps. Le sentiment de gâchis, la lassitude et l’impossible marche arrière. Il fallait vivre pourtant, et espérer malgré le compte à rebours et les premiers cheveux blancs. Des jours meilleurs viendraient. On le lui avait promis.» En les attendant, Nicolas Mathieu remonte dans les jeunes années d’Hélène et Christophe, alors qu’ils étaient élèves dans le même établissement au moment où les exploits de hockeyeur du garçon lui avaient conféré une certaine notoriété.
Comme dans Leurs enfants après eux, Nicolas Mathieu, en retraçant la relation entre Hélène et Christophe, peint d’abord la France d’aujourd’hui. Un tableau de la société et des relations sociales d’une puissante acuité, surtout en cette année 2017, avant des élections présidentielles qui vont bouleverser l’échiquier politique. La politique qui va aussi s’inviter concrètement dans le roman quand le patron d’Elexia se réjouit de la création des nouvelles entités régionales: «Inventer une région, il fallait quand même être gonflé, et ne rien comprendre de ce qui se tramait dans la vie des gens, leurs colères alanguies, les rognes sourdes qui couvaient dans les villes et les villages, tous ces gens qui par millions, le nez dans leur assiette, grommelaient sans fin, mécontents d’être mal entendus, jamais compris, guère respectés, et se présumaient menacés par les fins de mois, les migrations et le patronat, grignotés depuis cinquante ans facile dans leurs fiertés hexagonales et leurs rêves de progrès. Aller leur foutre le Grand-Est pour règlement des problèmes, les mecs osaient tout.»
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