Vol au-dessus d'un nid de coucou
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l’avis des lecteurs
Tout le monde -ou presque- connaît le célèbre film de Milos Forman...
... voilà le genre de postulat qui a tendance à m'agacer, même s'il est sans doute assez juste.
Cela remonte à l'époque où je vivais encore chez mes parents. Non pas une époque antédiluvienne, mais disons que ça ne date pas d'hier, d'autant plus que j'ai quitté le foyer familial relativement jeune. Bref, je regardais déjà assez peu la télé, trop occupée que j'étais à dévorer, à la moindre seconde de temps libre, fictions et essais, polars et nouvelles, théâtre et poésie...
Pourtant, j'étais attachée à certains programmes, comme le Ciné Club par exemple, qui vous donnait rendez-vous chaque vendredi en deuxième partie de soirée avec une vedette du cinéma en noir et blanc, dont était diffusé un cycle de films... J'adorais le "vieux cinéma", peuplé de beautés froides au destin tragique, d'acteurs au jeu souvent emphatiques. Mais j'aimais aussi ce que l'on considère comme des "classiques" des années 70 : les "Little Big Man", "Apocalypse Now", "Orange Mécanique", ou... "Vol au-dessus d'un nid de coucou".
Le hic, c'est que j'ai loupé pas mal de ces incontournables, sous prétexte que lorsqu'ils étaient rediffusés à la télévision, on les avait "déjà vus cent fois", selon mes parents (oui, à l'époque, c'était les parents qui décidaient du programme TV, et comme nous n'avions pas d'ordinateur pour regarder tranquillement dans notre chambre la dernière saison de "Games of Thrones" ou "Secret story" lorsque leur choix ne nous convenait pas, nous... lisions). Vous pourriez me faire remarquer, avec raison, que rien ne m'empêchait, une fois émancipée de la férule familiale, de visionner ces films en vidéo, par exemple, et vous auriez raison, mais je crois que je préférais lire, finalement !
Bon, ma parenthèse est un peu hors de propos parce que "Vol au-dessus d'un nid de coucou", je l'ai vu, une fois, il y très longtemps, et que je m'en souviens même vaguement.
A priori, je n'aurais jamais envisagé de lire le roman éponyme -je n'ai appris que très récemment que le film était inspiré d'un livre- sans la fabuleuse découverte que je fis au début de cette année en lisant "Et quelquefois j'ai comme une grande idée" de Ken Kesey. Kesey a écrit moins d'une dizaine de romans, dont deux seulement ont été traduits en français. L'un a été publié une première fois dans l'hexagone sous le titre "La machine à brouillard", puis réédité quelques années plus tard sous celui de "Vol au-dessus d'un nid de coucou"...
Le narrateur, c'est cet indien de deux mètres qui se fait passer pour sourd et muet, parce que c'est bien plus commode. On le laisse ainsi à peu près tranquille, et il peut en passant le balai -tâche à laquelle il est principalement affecté- écouter les conversations très instructives que tiennent entre eux les médecins et les infirmières. Cela fait plus de sept ans qu'il est pensionnaire de l'hôpital psychiatrique dans lequel se déroule le récit (hormis un mémorable épisode de pêche en mer), prisonnier du "système" que son esprit malade imagine régi par toutes sortes de mécanismes sophistiqués et implacables....
La belle mécanique s'enraie avec l'arrivée d'un nouveau pensionnaire : McMurphy. Un homme charismatique, un rebelle à la prestance hilare et braillarde, qui a roulé sa bosse de casinos en pénitenciers, et accumulé ce faisant de multiples connaissances dans les bordels situés sur sa route.
Avec McMurphy, c'est la révolution qui s'insinue peu à peu. Il parvient à encourager, avec sa faconde et sa ténacité, les autres pensionnaires, jusque-là passifs et craintifs, à s'exprimer, à revendiquer pour obtenir une amélioration leur quotidien.
Il leur réapprend à rire.
Le grand chef lui-même se libère peu à peu des angoisses qui occulte sa lucidité, renouant ainsi avec une fierté oubliée.
Mais tous ces changements remettent en question l'autorité de Miss Ratched, l'infirmière en chef qui régentait jusque-là les malades à la baguette, si nécessaire à coups d’électrochocs...
Un combat sans merci s'engage entre elle et McMurphy. On a beau savoir qu'il est perdu d'avance, que McMurphy -ainsi qu'il le sait sans doute lui-même-, inéluctablement, court à sa perte, il est pour lui hors de question de plier l'échine. Sa résistance et sa rébellion face à un système inique et aliénant constituent, par l'étincelle qu'elles auront su allumer chez ses compagnons d'infortune, qui recouvrent, galvanisés par son audace, une part de leur statut d'hommes, ses plus belles victoires.
Il les paiera bien cher...
"Vol au-dessus d'un nid de coucou" est un roman très riche, qui parvient à être à la fois drôle et terrible, cauchemardesque et haut en couleurs. Il s'en dégage une incroyable énergie, une grandiloquence gouailleuse qui forme avec l'aspect par ailleurs éminemment sordide du contexte de l'intrigue une curieuse osmose, qui ne peut laisser indifférent.
Sans doute ce titre n'a-t-il pas l'amplitude et l'originalité stylistique d'un "Et quelquefois j'ai comme une grande idée", mais c'est malgré tout un excellent roman !
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