Une vie après l'autre
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Résumé
11 février 1910 : Ursula Todd naît ? et meurt aussitôt.11 février 1910 : Ursula Todd naît ? et meurt, quelques minutes plus tard, le cordon ombilical enroulé autour du cou.11 février 1910 : Ursula Todd naît ? le cordon ombilical menace de l’étouffer, mais cette fois le médecin est là pour le couper, et Ursula survit?Ursula naîtra et mourra de nombreuses fois encore ? à cinq ans, noyée ;
à douze ans dans un accident domestique ; ou encore à vingt ans, dans un café de Munich, juste après avoir tiré sur Adolf Hitler et changé ainsi, peut-être, la face du monde?Etablis dans un manoir bucolique du nom de Fox Corner, les Todd portent sur leur environnement le regard distancié, ironique et magnanime de ceux que les tragédies de l’Histoire épargnent. Hugh, le père, travaille à la City, tandis que Sylvie, la mère, reste à la maison et élève ses enfants à l’ancienne. Mais le temps, en la personne d’Ursula, va bientôt se détraquer, se décomposer en une myriade de destins possibles qui vont, chacun à sa manière, bouleverser celui de la famille?Si l’on avait la possibilité de changer le cours de l’histoire, souhaiterions-nous vraiment le faire ?
L’Auteure
Kate Atkinson, née en 1951 au Royaume-Uni, est romancière et nouvelliste.
Diplômée de littérature à l’université de Dundee, elle reçoit en 1988 le Woman’s Short Story Competition pour l’une de ses nouvelles.
Elle est entrée dans la littérature par la grande porte, en 1996, avec un roman fascinant qui ne ressemblait à rien de connu, Dans les coulisses du musée (Behind the scenes at the museum).
Il obtient le Whitbread First Novel Award et le Whitbread Book of the Year Award en 1996. En France, le livre est élu « meilleur roman de l’année » par le magazine Lire.
Elle a inventé un héros récurrent, le détective privé Jackson Brodie, que l’on rencontre dans « La Souris bleue » (Case histories, 2004, Prix Westminster du roman anglais), « Les choses s’arrangent mais ça ne va pas mieux » (One good turn : a jolly murder mystery, 2006), « À quand les bonnes nouvelles ? » (When will there be goods news ?, 2008).
Les romans ont été adaptés pour la télévision dans la série britannique Jackson Brodie, détective privé (Case Histories) avec Jason Isaacs dans le rôle principal.
Son dernier roman « Une vie après l’autre » (Life After Life, 2013) a obtenu le Costa Novel Award et le South Bank Sky Arts Literature Prize.
Elle est faite Membre de l’Ordre de l’Empire britannique (MBE) à l’occasion de la Queen’s Birthday honours list le 11 juin 2011, pour services rendus à la littérature.
Mon avis
Peut-on changer le cours de sa vie ?Peut-on rêver, peut-on avoir le sentiment de déjà vu ? Voilà le thème de ce roman.
Ursula, l’héroïne de ce récit va nous donner plusieurs versions de vie, de sa vie et pas toujours dans le bon ordre. Il n’est question que de retour en arrière, principalement en 1910 au moment de sa naissance où il s’en est fallu de peu qu’elle se termine par sa mort. Puis en 1930 où elle décide d’assassiner Hittler, puis durant toute la deuxième guerre mondiale où à plusieurs reprises sa vie prend des chemins différents.
Nous la suivons au coeur de sa famille, entre ses parents, ses frères et soeurs tous avec des destins parfois changeants au fil des évènements.
Et c’est aussi le seul problème de ce roman : s’y retrouver au fil des 600 pages, ne pas perdre le fil car parfois le basculement se fait plus loin, bien plus loin et quand elle reprend le fil de sa vie il faut faire abstraction de tout ce qui vient de se passer, quoique certains personnages ou situations restent (ou pas) présents. A lire dans la continuité car les nombreux acteurs, les petits signes du destin etc…. seraient difficiles à suivre.
J’ai malgré tout bien aimé l’histoire, les nombreux détails et surtout la vie de cette famille Todd, avec ses joies, ses peines, cette si sympathique tante Izzy pleine de joie de vivre et de modernité. Peut être parfois un sentiment de longueur mais sûrement dû aux nombreux retours en arrière ou en projections vers le futur.
Quelques extraits :
« Le recul est une chose merveilleuse……Si nous l’avions tous, il n’y aurait pas d’histoire à écrire ».
« Pour que les forces du mal triomphent dans le monde, il suffit qu’assez de femmes de bien ne fassent rien ».
« La vie de Pamela se poursuivrait après sa mort, ses descendants se répandraient de par le monde comme les eaux d’un delta, mais Ursula mourrait, ce serait fini. Un ruisseau à sec. »
Ursula Todd a eu plusieurs vies. Non pas sous la forme de réincarnations, mais sous celles des différents chemins qu'a pris, à des moments T, le cours de son existence. Cela commence dès sa naissance, en février 1910 : Ursula meurt, faute d’un médecin bloqué par la neige, étouffée par son cordon, ou Ursula vit (le médecin est arrivé à temps) mais est peu de temps après étouffée par le chat de la cuisinière, ou pas… enfant, elle meurt noyée à quelques mètres du rivage d’un lieu de villégiature, ou est sauvée in extremis par un peintre amateur, ou ne met pas les pieds dans l’eau… et c’est ainsi toute la vie d’Ursula, de la veille de la Première Guerre mondiale au lendemain de la Seconde, que l’auteure décline en plusieurs versions, l’intrigue hoquetant au gré de ses bifurcations.
Elle connaîtra une vie de célibataire endurcie ponctuée de quelques amants ou se mariera, aura un enfant ou n’en aura pas, assassinera Hitler ou subira le terrible Blitz de Londres, peut-être en tant que bénévole dans la défense passive … avec une constante : celle de pouvoir influer, bien que sans le savoir, sur le cours du destin, et éviter ainsi des drames dont Ursula, dès son plus jeune âge, a la terrifiante prescience, hantée par les échos d’événements dont elle semble avoir gardé une mémoire subconsciente. Un lourd fardeau pour cette fillette discrète, maladroite et pétrie d’angoisses, qui fait en revanche preuve d’une redoutable clairvoyance face aux intentions ou aux sentiments que les adultes tentent de dissimuler.
Car "Une vie après l’autre" n’est pas qu’un exercice de style. Il est aussi la chronique, sur plus de trois décennies, de cette famille de la petite bourgeoisie que constituent les Todd. Le conformisme de Sylvie, la mère prompte au persiflage, attachée à faire de ses filles de bonnes épouses -et donc de bonnes chrétiennes-, s’oppose au progressisme et à la bienveillante tolérance de son mari Hugh, avec lequel Ursula entretient une relation presque fusionnelle. Pamela, la sœur fidèle et solide, et l’insupportable Maurice, aussi cruel avec les animaux qu’avec les autres membres de la fratrie, ont précédé Ursula, dont la naissance sera suivie de celles de Teddy, le fils et frère préféré, puis de Jimmy.
L’auteure décrit avec autant de justesse que de tendresse les liens qui unissent ses personnages, met en évidence les mesquineries comme les affections, les complicités comme les ressentiments, faisant de chaque Todd un personnage singulier, sinon attachant (on ne peut que détester Maurice). Par la description de leur vie au quotidien, la transcription de leurs échanges, les événements qu’ils subissent, elle nous fait par ailleurs saisir l'air du temps, évoquant l'omniprésence d'un antisémitisme "ordinaire" (que même l'horreur de la Shoah ne fera pas disparaître) et des consciences de classe encore bien influentes, abordant les difficultés liées à la condition féminine, ou s’attardant avec un réalisme fascinant sur le quotidien de Londres pilonné par les bombes.
Et parce que c’est Kate Atkinson, l’ensemble est traversé de cet humour pince-sans-rire, à la fois tendre et ironique, qui est sa marque de fabrique.
Quelques exemples ? :
"Elle dînait plus tard que d'habitude car elle venait de fêter sa retraite - c'était un peu comme assister à ses propres funérailles sauf qu'on pouvait rentrer chez soi après."
"Ralph s'alluma une autre cigarette et Ursula dit "Harold dit que fumer est très mauvais pour la santé." Il a vu sur la table d'opération des poumons qui ressemblaient à des cheminées jamais ramonées.
- Evidemment que ce n'est pas bon pour la santé, en en allumant aussi une pour Ursula. Mais se faire bombarder et tirer dessus par les Allemands ne l'est pas non plus."
"Le bébé emmailloté comme une momie pharaonique fut enfin remis à Sylvie. Elle caressa doucement sa joue de pêche et dit "Bonjour, ma petite" et le Dr Fellowes se détourna afin de ne pas être témoin de démonstrations d’affection aussi sirupeuse."
J’ai beaucoup aimé ce texte à la fois original, dense et touchant, et j’ai souvent supposé, au cours de ma lecture, que Kate Atkinson avait dû prendre beaucoup de plaisir à l’écrire car quoi de plus jubilatoire pour un écrivain que de jouer sur le cours du destin de ses personnages, et de s'engager dans les multiples méandres de la fiction en proposant au lecteur, à partir d'un unique roman, une multitude d’histoires ?
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