La nuit la plus longue
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Je l’attendais depuis longtemps ce James Lee Burke. Depuis les échos de sa sortie aux US pour tout dire. Là-bas La nuit la plus longue (The tin roof blowdown) avait fait sensation comme Le Roman sur le drame Katrina. Gageons qu’il va faire sensation ici aussi.
Fin août 2005, l’ouragan Katrina dévaste le sud de la Louisiane et rase La Nouvelle-Orléans. Vétusté des installations, indifférence du pouvoir fédéral, abandon d’une région pauvre … Ajoutez à cela un second ouragan, Rita, quelques jours plus tard la région est entièrement détruite. Avant les cauchemars de Dave Robicheaux tournaient autour du Vietnam :
« En me rendormant, je me répète une fois encore que plus jamais je n’aurai à être témoin, sur une grande échelle, de la souffrance de civils innocents, ni de trahison et de l’abandon de mes compatriotes au moment où ils sont le plus dans le besoin.
Mais c’était avant Katrina. C’était avant qu’un ouragan plus puissant que la bombe qui a frappé Hiroshima n’épluche le sud de la Louisiane. C’était avant qu’une des plus belles villes d’Occident n’ait été tuée trois fois, et pas uniquement par les forces de la nature. »
Dans le chaos qui suit, un état de guerre s’installe : pillages, fusillades entre gangs, assassinats perpétrés par des milices racistes … Les morts et les ravages se multiplient. C’est dans ce contexte que deux jeunes noirs qui venaient de piller une villa abandonnée sont abattus. Le FBI, accusé de couvrir les milices blanches et les flics ripoux décide de faire un exemple et tout semble désigner un voisin. Mais pour Dave Robicheaux qui se trouve par hasard en charge de l’affaire, les choses sont plus complexes.
Autant avertir les fans de Dave tout de suite, cet épisode est un peu différent du reste de la série. Certes on retrouve Robicheaux, ses démons et son besoin de rédemption, ainsi que tous les personnages qui gravitent autour de lui : Molly et Alafair, Tripod le raton laveur à trois pattes, Clete Purcel, plus imprévisible que jamais, Helen, la chef … On retrouve quelques affreux pas piqués des hannetons. On retrouve aussi l’empathie avec les victimes et l’admiration pour ceux qui, dans une société corrompue qui les écrase, luttent pour rester dignes et fidèles à leurs valeurs.
Par contre, peu très peu d’intrigue. Ou plutôt une intrigue prétexte qui tient tout juste la route.
Mais comment faire autrement ? la victime est connue : La Louisiane et en particulier la Nouvelle-Orléans. Les coupables sont connus : l’ouragan et les années de politique de désengagement de l’état, de coupures dans les budgets des services publics, d’abandon progressif des plus pauvres. Et on sait déjà que les coupables ne seront pas arrêtés … Tout le reste est anecdotique.
Alors James Lee Burke est en colère, et Dave Robicheaux aussi. C’est cette colère, la rage face à l’abandon de toute une population par ceux qui sont censés la protéger, l’épauler, l’aider, la sauver qui irrigue tout le roman. Cela et le constat, désespéré et désespérant, que confrontée à une catastrophe, au lieu de se serrer les coudes la population se déchire.
Il est frappant de constater que face à une telle situation d’urgence, ce n’est pas la solidarité qui a prévalu, ni l’entraide, mais qu’elle a contraire fait ressortir le pire : pillages, viols, guerres de gangs, meurtres racistes … Sans compter juste après les différentes arnaques et magouilles pour s’enrichir en détournant l’argent de la reconstruction.
Cela en dit long sur un pays et l’état de délabrement auquel il est arrivé. Cela explique aussi pourquoi les media américains étaient tellement stupéfaits des récentes réactions de la population japonaise dans une situation différente mais présentant des similarités … Et cela nous interroge sur ce que pourrait être la réaction d’une société française de plus en plus individualiste.
Mais je m’égare. Revenons à Dave Robicheaux … Un épisode donc atypique dans sa narration, où l’écriture lyrique de James Lee Burke, son chant d’amour à sa ville (toute corrompue qu’elle soit), aux bayous, sont un peu mis entre parenthèse pour laisser la place à sa colère et son désespoir. Un épisode qui semble lui voir perdre les quelques rares illusions qu’il lui restait :
« Nous sommes censés être une société chrétienne, tout au moins une société fondée par des chrétiens. Selon les mythes que nous avons forgés, nous respectons Jésus, Mère Theresa et Saint François d’Assise. Mais je crois que la réalité est différente. Quand nous nous sentons collectivement menacés, ou quand nous sommes collectivement touchés, on a envie que les frères Earp et que Doc Holliday s’en occupent, on a envie que les méchants se fassent descendre, qu’ils soient cuits, fumés, séchés, enterrés par des bulldozers. »
Un roman qui pourrait marquer une rupture. Il y a un avant et un après Katrina en Louisiane, y aura-t-il un avant et un après The tin roof blowdown dans la vie littéraire de Dave Robicheaux et de James Lee Burke ? Le prochain roman nous le dira.
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