La Fin d'une liaison
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Maurice Bendrix est écrivain. Revenant sur la liaison qu’il eut avec Sarah Miles, femme d’un homme haut placé au ministère, il annonce d’emblée que c’est un "récit de haine" qu’il va nous livrer…
En 1944, il est quitté sans explication par sa maîtresse, à la suite d’un bombardement qui les surprend au lit. Un an et demi plus tard, il tombe sur Henry, le mari -ils habitent le même quartier-, qui lui confie être fort inquiet à propos de Sarah. La soupçonnant de le tromper, il a songé à la faire suivre par un détective, idée qu’il s’empresse aussitôt de juger stupide, avant de prier Maurice de l’oublier… Vaine prière ! Aiguillonné par une curiosité mauvaise, l’ancien amant n’a pas les scrupules de l’époux, et s’empresse de faire surveiller Sarah, qui semble bien en effet se rendre à des rendez-vous galants.
Au moment où débute l’intrigue, le narrateur est dans un état d’esprit amer, prompt à l’auto-apitoiement, et en effet haineux envers le couple Miles, à la fois empli d’un profond mépris pour l'imbécillité de l’insipide Henry qui ne s’est jamais méfié de Maurice, et tourmenté par la jalousie maladive qui pervertit sa relation avec Sarah.
Le récit se focalise dans un premier temps sur les affres dans lesquels le plongeaient (et le replongent) ce tempérament excessivement suspicieux qui l’incitait à tourmenter sa maîtresse, à la harceler par pure irritation nerveuse. On découvre un homme torturé par le dard du doute, oscillant entre ressentiment et amour obsédant, jaloux de l’époux qui partageait la vie de Sarah, des inconnus qu’il imaginait être ses amants, de son passé. Il est persuadé, avec le recul, avoir chassé lui-même de sa vie la seule femme qu’il ait aimé à cause de cette hantise, qu’il considérait paradoxalement comme une preuve d’amour inséparable du désir, pourtant conscient qu’elle réduisait leur histoire à une simple liaison car la précipitant vers une inéluctable fin.
Puis nous prenons connaissance, en même temps que le narrateur, de la version de Sarah, par l’intermédiaire de son journal, pour découvrir une femme droite et sincère, pourtant sans estime d’elle-même, et surtout elle aussi torturée, mais par d’autres démons… Une femme en quête d’une forme de pureté, d’une noblesse d’âme et d’une intégrité qu’elle imagine inatteignables pour une garce de son acabit…
L’histoire de la liaison se métamorphose en une réflexion sur le sens de la foi et de l’abnégation qu’elle suppose, sur l’ambivalence de l’amour et les différentes formes -spirituelle, charnelle- sous lesquelles il s’exprime, sur le désir et les interdits qui l’exacerbent. Un revirement total s’opère chez Maurice dont la haine se dissout, en réalisant a posteriori à quel point la capacité d’amour de Sarah était supérieure à la sienne, et qu’en dépit de ses erreurs, ou de son instabilité, Sarah était meilleure que beaucoup d’autres, mais qu’elle n’a jamais eu foi en elle-même.
J’avoue que l’orientation du propos, dans la seconde partie du roman, vers une dimension religieuse, m’a un peu détachée de l’intrigue. Mais j’ai trouvé l’ensemble très prenant, notamment grâce à l’écriture de Graham Greene, à la fois limpide et profonde, qui nous plonge dans le désordre intime, émotionnel du héros, et à l’ingénieuse construction en flash-back de l’intrigue. J’ai aussi apprécié que l’auteur allège quelque peu le ton de pesante amertume que confère à l’ensemble la voix du narrateur en mettant en scène, comme en contrepoint, le personnage gaffeur et presque comique du détective privé.
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