115
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l’avis des lecteurs
L’hiver toulousain jusque-là clément fait sentir ses premières rigueurs…
Le chef de brigade Nathalie Decrest était sans doute loin d’imaginer qu’en intervenant dans un camp de gitans pour interpeller les organisateurs de combats de coqs, elle allait se retrouver mêlée à la fois à un trafic de prostituées orchestré par la mafia albanaise, à un infanticide, à une suspicion d'abus de faiblesse sur la personne d'un sans-abri déficient mental… En partie parce qu'ayant besoin d’une expertise vétérinaire lors de cette intervention, elle a fait appel à Sergine Hollard, qui a une fâcheuse tendance à fourrer son nez partout pour voler au secours de la veuve et de l'orphelin. Sacrée personnage que cette vétérinaire à la carrure de rugbyman (sport qu'elle a d'ailleurs pratiqué), qui met au service d'un humanisme sans concession une détermination presque effrayante. Les deux femmes n’ont d'ailleurs pas gardé un bon souvenir de leur précédente collaboration. Car si Nathalie est aussi une femme d’empathie et de compassion, les rouages de la mécanique judiciaire et sa confrontation quotidienne avec le marasme social imposent pour continuer d'exercer son métier avec efficacité et clairvoyance, un certain pragmatisme, qui va à l'encontre de l'intransigeante conception de la justice de la vétérinaire.
Les projets de Sergine la portent pour l'heure vers la mise en place d'un service gratuit d'accès aux soins pour les animaux des sans-logis, avec lesquels elle entre en contact par l'intermédiaire des réseaux associatifs œuvrant dans la rue. C’est ainsi qu’elle entend parler de jeunes jumelles surnommées Charybde et Scylla par les travailleurs sociaux, ayant développé une haine destructrice pour tout ce qui est extérieur à leur relation exclusive, à l’exception de Cyril, jeune autiste qui ne les quitte pas d’une semelle...
La richesse de "115" réside essentiellement dans la manière dont Benoît Séverac plante le cadre de son intrigue. Il crée un univers rendu palpable par le sentiment d’immédiateté et d'exhaustivité que confère à son intrigue l'alternance de points de vue. Très dynamique, son récit nous emmène de salles d’interrogatoire aux tentes de fortune abritant un groupe de sans-abri, de dortoirs d'hôtels tenus par des marchands de sommeil aux salles de réunions où s'organise l'action des associations caritatives... Il montre ainsi les interactions entre les différents acteurs en lien avec le monde de la rue, mais aussi les différentes visions qui s’y affrontent, entre ceux qui tentent d’écoper l’océan à la petite cuillère -des milieux associatifs souvent impuissants car manquant de moyens, une police plombée par la lourdeur de l'appareil judiciaire et une hostilité inter-services réduisant son efficacité- et ceux qui exploitent la misère et la vulnérabilité de ceux que Benoît Séverac sort de l'anonymat. Pour cela, il donne vie à un échantillon très divers de ces déclassés, vaincus par les malheureux hasards de la vie, fragilisés par un contexte social ou une pathologie nécessitant une main tendue ou une prise en charge qu'ils n'ont jamais vues venir, clandestins en quête d'un Eldorado qui se révèle souvent être un enfer...
Cette multiplicité de points de vue, qui fait la richesse de "115", est aussi peut-être sa limite, dans la mesure où c'est un court roman. J'aurais aimé passer plus de temps avec certains des personnages, et que certains pans de l'intrigue soient davantage approfondis.
J'ai toutefois suffisamment apprécié ma lecture pour avoir envie de continuer ma découverte de l'oeuvre de cet auteur toulousain.
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