Jeunesse

TTT - Très Bien "Après Enfance, et sa farandole d’humiliations, voici donc Jeunesse, avec son lot d’expériences initiatiques à forte dominante de camouflets, sans incidence sur sa détermination à dire, en des mots abrupts et sincères, cette calcination intérieure qui finit par la pousser au suicide. Fiasco amoureux (« Ses cils courts et raides grattent ma joue pour la dernière fois. Puis il part dans la rue Westend, avec ses jambes arquées et son dos souple et juvénile »), angoisse du nazisme prêt à tout ravager (« Sa chevelure embroussaillée est décolorée, et elle a toujours une gestuelle dramatique comme si une catastrophe était imminente. Dans la salle de séjour, il y a une grande photographie de Hitler. Regardez, m’a-t-elle dit, il est beau, n’est-ce pas ? »), instabilité professionnelle avec renvois et démissions en cascades… Rien n’est occulté de son itinéraire accidenté, où Tove Ditlevsen ouvrit une échappatoire avec un poème dérangeant, qui attira l’attention de son époque, sur un bébé mort-né. Éloignée de sa propre expérience biologique, cette source d’inspiration semble répondre à sa volonté d’expulser tout ce qui a été injustement tué dans l’œuf, pour lui offrir une nouvelle existence. Il y a décidément dans l’écriture de Tove Ditlevsen un mélange singulier de scandale et d’abnégation, de peine et de colère, de raideur et de grâce."