Manhattan project

TTT - Très Bien "Usant toujours de courts vers libres, pleins de tempêtes, d’incantations, de fureur et d’humour ravageur (Mazel Tov !), Stefano Massini conduit sa petite bande d’exilés, qui s’apprête à écrire l’histoire de la physique nucléaire américaine, chez un banquier chargé de convaincre Roosevelt d’acheter au Congo l’intégralité de son stock d’uranium. Pour que le « barbouilleur » n’y ait pas accès. Il nous mène surtout chez le grand maître des physiciens, sans valise parce qu’Américain, lui, mais réprimandé dans son enfance pour une petite valise à poignée rouge qu’il avait dessinée sur le char du prophète Elie. Car ce Robert Oppenheimer est, lui aussi, d’ascendance juive, originaire de Hanau près de Francfort – or « chacun doit se souvenir d’où il vient ». Stefano Massini conclut cette épopée hallucinée du « Manhattan Project » (premier programme nucléaire américain ayant abouti à la conception de la bombe atomique) en s’approchant avec compassion d’un Oppenheimer torturé, « qui ne dit pas oui, ne dit pas non », qui compte les jours restants avant l’anéantissement auquel il travaille, met en balance les morts que provoque quotidiennement la guerre, crie aux os de ressusciter, bien conscient de la portée ultime de l’effort scientifique tentaculaire qu’il met en œuvre : « Nous créons la mort. » Et lorsqu’il convoque une troupe de prophètes déguisés en scientifiques pour ne pas laisser Oppenheimer seul dans cet affreux dilemme philosophique, on se dit que ce Stefano Massini, peut-être hanté par les images du Polonais Tadeusz Kantor, est aussi un sacré dramaturge – Mazel Tov !"