
Vigilance
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l’avis des lecteurs
Vigilance est une novella de Robert Jackson Bennett qui vient de paraitre dans la collection Une heure Lumière des éditions Le Bélial. C’est le plus dodu de la collection avec 160 pages environ. C’est aussi un texte percutant, impressionnant, pour lequel j’ai du faire des pauses dans ma lecture à certains moments et certainement un des plus réussis dans les UHL.
Le roman appartient au registre de l’anticipation. Il se déroule aux États-Unis en 2030. Le pays ne semble plus que l’ombre de lui-même. Les jeunes, les plus éduqués, tout ceux qui le peuvent, quittent le pays et vont voir ailleurs si l’herbe est plus verte. Le changement climatique se poursuit, les avancées technologiques aussi, le pessimisme et la peur aussi. La peur de l’autre, de l’étranger, des non-blancs, de tout le monde, incite les gens à être armés tout le temps car il faut bien se défendre et défendre ses biens. Tout est fait pour que les gens aient peur, de tout, et tout le temps. La manipulation des foules est devenue la loi et d’autant plus sur des chaines de télévision comme ONT (Our Nation’s Truth), la chaine qui diffuse le programme Vigilance devenu roi. Voici une citation qui résumé assez bien les choses:
« Plus que quiconque, John McDean sait que l’Amérique n’est pas – n’est plus – un endroit où l’on vit. Mais où l’on suvit. Et un endroit de la sorte est on ne peut plus monétisable pour Our Nation’s Truth. »
Vigilance est une émission imaginée par John McDean suite à une énième fusillade de masse dans le pays. Une émission rencontrant un succès immense, dans laquelle trois candidats sont sélectionnés pour tuer en réel, pour faire une tuerie de masse en direct live. S’ils survivent, la cagnotte est à la clé et si au contraire quelqu’un dans la foule arrive à les abattre, ce sera lui le gagnant. Le principe est simple: tuer ou se faire tuer. Mais bien sur pas juste pour le « spectacle », non pour préparer la population à être vigilent, à se préparer à affronter la menace, toute forme de menace. Pour cela, il faut être armé, s’entrainer et être prêt tout le temps. Ceux qui périront, ce sera entièrement leur faute, ils auraient dû être vigilants et mieux préparés.
En coulisse, tout est géré au mieux, des potentiels tueurs, aux lieux qui conviennent le mieux pour une vigilance, aux publicités ventant les armes et autres moyens de défense. Tout est fait pour fidéliser la population, les IA y veillent et établissent le profil du cœur de cible. Tout est fait pour lui plaire, même le tromper avec de fausses images falsifiant la réalité. Après tout, cela fait bien longtemps que tout le monde n’a que faire de la réalité, seul l’argent importe. Robert Jackson Bennett dresse ainsi un portrait de l’Amérique de demain tellement réaliste qu’il en est glaçant, horrible. Il parle de fake news, de manipulation des foules, de fausses menaces en gros de tout ce qui existe déjà actuellement, en forçant (à peine) le trait. Le livre est ainsi une critique à la fois du système politique d’un pays, de la course à l’armement des citoyens mais aussi de la société de consommation prête à façonner des citoyens pour vendre et obtenir ce qu’elle veut.
Le tout est brillamment raconté avec un récit qui alterne deux personnages très différents: John McDean, blanc, riche et concepteur de Vigilance d’une part et Delyna, jeune femme noire serveuse dans un restaurant de seconde zone. Le contraste entre les deux personnages est saisissant. La narration de Robert Jackson Bennet est impressionnante de maitrise, affichant clairement le propos sans jamais trop en faire. Le style d’écriture de l’auteur est très visuel et fluide, on se représente très bien les scènes décrites.
Vigilance est ainsi un roman qui prend aux tripes, presque insoutenable par moments car tellement réaliste. C’est le portrait sans fard de l’Amérique de demain, d’un pays où la seule loi est l’argent, la manipulation est reine, et dans lequel la vie humaine n’a plus vraiment de valeur. Sans conteste, un roman brillant et un grand cru dans la collection Une-heure lumière.
C’est quand même foutrement cool de savoir qu’on a dans sa bibliothèque une collection sur laquelle on peut compter pour s’assurer une bonne lecture à la reprise d’un planning de consommation littéraire normal. Je sais que je me répète hein, mais les Une-Heure-Lumière sont juste, à mes yeux, si bons que ça. Et quand c’est bon, faut pas se taire, faut partager.
Depuis sa sortie, il y avait un clair consensus sur la qualité de Vigilance ; c’est en partie pourquoi je me suis décidé à enfin le lire. Mais je n’aurais pas cru qu’il fût si brillant.
Et comme d’hab’ quand c’est si bon, on ne tergiverse pas ; on fonce dans le tas.
Vigilance se pose d’emblée dans la grande tradition américaine des dystopies capitalistes ultra-violentes, j’y ai retrouvé des similitudes avec des classiques du genre comme Marathon Man, RollerBall, Death Race ou plus international, Battle Royal. Mais l’intelligence de Robert Jackson Bennett est de prendre le contre-pied du point de vue habituel, se concentrant sur les coulisses de l’organisation, la fabrication de la violence, ses rouages, ses objectifs, comme ses origines. Et ça fonctionne du tonnerre, parce que c’est clinique. Pas un seul instant pour se demander où l’auteur voudrait en venir ou si ses opinions pourraient être remises en question. Au contraire, c’est très clair, et la démonstration est, à mes yeux, sans faille.
Il est question dans cette novella, comme dans toute dystopie qui se respecte, d’exagérer les défauts de notre société actuelle, mais avec juste ce qu’il faut de cohérence globale et de réalisme pour créer une nouvelle société dont les aspects les plus malsains et toxiques se rattachent aisément d’un seul pas de côté avec ceux de la nôtre. Voir, un an seulement après sa sortie, à quel point ce texte a, de fait, par la justesse et la précision de ses analyses, une valeur prophétique, m’a absolument soufflé. Il n’y a pas une ligne de ce texte qui ne touche pas le cœur de la cible ou ne nous interroge pas avec férocité sur le regard que l’on porte au monde autour de nous ou au rapport que nous entretenons avec lui.
Alors, certes, les cibles sont relativement faciles et évidentes, surtout ici, en Europe et a fortiori en France, où la plupart des enjeux présentés pourraient nous paraître absolument étrangers ; la certitude demeure le luxe des spectateurices. Mais pour autant, les questions induites par les réflexions et les péripéties de nos personnages peuvent facilement nous amener à simplement changer le filtre de nos perceptions pour regarder notre propre situation comme un calque à peine différencié de la leur. Et si ça fonctionne aussi bien, c’est que Bennett parvient à rendre très universels des questionnements qui pourraient paraître assez spécifiques au contexte américain, encore plus à l’enjeu du contrôle des armes.
Car ces questions, si elles sont importantes, demeurent mineures en comparaison de l’enjeu le plus puissant, à savoir le contrôle de l’information, au travers des publicités ciblées, du potentiel des IA, de la sécurité informatique, de la mainmise de certain acteurs privés sur le débat public etc. Vigilance met en lumière avec une froideur parfaite, mais sans cynisme, les distractions dont nous sommes en permanence victimes, débattant sur des sujet qui n’en sont pas vraiment face à l’urgence des vrais débats dont nous nous retrouvons dépossédé·e·s, sans jamais le dire.
Brillant, je vous dis. Une synthèse absolue et quasi-parfaite des maux qui accablent notre société moderne, avec ce qu’il faut d’empathie et d’organisme pour dresser un état des lieux par anticipation aussi convaincant que frappant. Une ironie mordante s’entrelace dans la démonstration, la nourrissant autant qu’elle nourrit la narration, pour un équilibre merveilleux entre les deux.
Parfois, nul besoin de s’épancher : Vigilance est une totale réussite. Voilà.
Le pire de l’Amérique exacerbé par un jeu télévisé, dans un futur proche.
Voilà qui pourrait avoir un air de déjà-vu. L’auteur va plus loin, en imaginant des IA puissantes qui permettent de définir le jeu idéal pour des Américains dont le pays a sombré dans une déprime collective. Et ce jeu, c’est de vraies fusillades, avec de vraies victimes.
En bonne histoire d’anticipation, la novella prend des tendances actuelles pour les pousser à leur paroxysme. Ici, c’est la psychologie d’une certaine Amérique, amatrice d’armes, misogyne, raciste, fantasmant sa puissance perdue, et fascinée par la violence, et manipulée par la société ONT. ONT (Our Nation’s Truth), producteur de programmes télévisés, maître es marketing et IA, appuie sur les instincts les plus vils. Et les spectateurs en redemandent (ce n’est plus vraiment de la science-fiction).
Donnons des sensations aux Américains !
Et gagnons beaucoup d’argent.
Pendant la lecture, en considérant l’utilisation faite des données et de la psychologie, j’ai pensé : « science sans conscience n’est que ruine de l’âme ». Quant aux spectateurs, ils ne valent pas mieux que les producteurs : sans empathie envers les victimes, ils sont accros à un programme conçu pour être addictif grâce à la technologie qui mesure sans cesse les réactions.
Ajoutons que le texte sert le récit : direct, âpre, visuel, et parfois vulgaire pour souligner la dépravation morale de la majorité des personnages.
Dénonciation évidente des travers de l’Amérique et de la manipulation des populations par les médias et les réseaux sociaux, quand l’éthique disparaît (ce n’est déjà plus de la science-fiction), cette novella est effrayante, et finit par une conclusion où j’ai pensé à la fois « quelle horreur ! » et « bien fait pour eux ! ».
Je l’avais repéré sur les blogs, et j’adore cette collection, donc en cette fin d’année calme et sinistre, j’ai lu Vigilance de Robert Jackson Bennett. Magistral. Même si ce n’est pas cette novella qui va rendre la fin d’année moins sinistre.
« Tout tenait au fait que depuis toujours, l’Amérique est une nation qui a peur.
Peur de la monarchie. Peur des élites. Peur de perdre ses biens, par le fait du gouvernement ou d’une invasion. Peur qu’un voyou stupide ou un petit malin de la ville trouve un moyen légal ou non de voler ce qu’on a durement gagné à la sueur de son front.
Voilà ce qui faisait battre le cœur de l’Amérique, non l’amour de son pays ou de ses semblables, non le respect de la Constitution … mais la peur.
Et là où il y avait peur, il y avait des armes à feu. »
Quelques années auparavant, lors d’une tuerie dans une école, un gamin a filmé en direct, et mis en ligne. Fil suivi par des millions de gens fascinés. Et les IA du web ont réagi immédiatement, collant des pubs sur le fil. Horreur des firmes … Jusqu’à ce qu’elles s’aperçoivent que loin d’en souffrir, leurs ventes explosent.
John McDean crée alors le grand show TV Vigilance. Un lieu public (gare, centre commercial …), gardé secret jusqu’à la dernière seconde, est entièrement bouclé. Trois tueurs volontaires y sont lâchés. Les drones filment. Si un bon citoyen vigilant abat un des tueurs, il gagne des millions. Si un des tueurs s’en sort, il gagne encore plus de millions. En direct les IA analysent les flux, et adaptent et ciblent les pubs. La force et la beauté de la simplicité. Branchez-vous sur ONT (One Nation Truth !) et profitez du spectacle.
Absolument magistral. Grande novella ou court roman, glaçant, dérangeant, horriblement cohérent et plausible. Si les technologies et la situation politique décrites ne sont pas celles d’aujourd’hui, elles sont suffisamment proches pour foutre sacrément les jetons, sauf peut-être ce qu’implique le retournement final (qui n’est que la cerise sur le gâteau, ou le ruban sur la paquet cadeau). Mais ce qui effraie encore plus, c’est que la peinture sociologique de cette Amérique, la psychologie d’une partie de ses habitants, n’a rien, elle, d’une anticipation.
Ajoutez une écriture fluide, un découpage parfait qui fait monter la tension, et vous avez un texte que vous dévorez, fébrile, et refermez abasourdi.
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