Le temps désarticulé
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l’avis des lecteurs
Cela commence comme une histoire banale, dans un cadre évoquant l'existence ordinaire et sans grand intérêt d'américains moyens. Assez rapidement, quelque chose vous chiffonne, puis soudain c'est le déclic : cette superficialité qui semble surjouée, ce sentiment d'avoir affaire à des personnages stéréotypés... vous êtes dans le "Truman show" ! Personnellement, j'ignorais le lien entre le film de Peter Weir et le roman de Philip K. Dick (qui date de 1958), et comme je ne lis pas les quatrièmes de couverture... il est en effet mentionné sur celle de mon édition que ce titre a inspiré le cinéaste.
Inspiré seulement, car comme la suite de l'intrigue le démontre, les deux œuvres comptent tout de même des divergences de taille, que je ne listerai pas ici, le but étant surtout de vous parler de ce roman.
Au centre de l'intrigue, Ragel Gumm, quadragénaire qui vit chez sa sœur et son beau-frère. Sa principale -et presque unique- activité consiste à participer chaque jour au concours organisé par le journal local, intitulé "Où Sera Le Petit Homme Vert La Prochaine Fois ?" Gagnant de manière systématique, il est devenu une véritable célébrité, les gains obtenus lui permettant d'assurer sa subsistance. La tranquille uniformité qui préside au quotidien de Ragel et de ses proches est peu à peu troublée par d'étranges événements. Certains lieux et objets disparaissent, ne laissant derrière eux qu'une étiquette qui les nomme ("Buvette", "Porte", "Locaux d'usines"...), et il plane sur la ville une vague ambiance de complot...
Je crois que c'est surtout cela qui m'a plu, dans "Le temps désarticulé" : la pénétration progressive dans l'environnement du héros de ces indices d'une anormalité dont il ne parvient pas dans un premier temps à comprendre le sens, et qui crée une atmosphère à la fois irréelle et sourdement inquiétante qui prend parfois des allures de cauchemars.
De plus, derrière l'efficacité d'une intrigue qui nous tient en haleine jusqu'à sa conclusion, "Le temps désarticulé" offre au lecteur, avec le personnage de Ragel Gumm, un beau portrait d'homme aux prises avec les certitudes sur lesquelles il a fondé sa vie. Réalisant sa solitude, la vacuité de son existence, et surtout sa singularité dans ce monde de conformité, de consensus, il éprouve un besoin de plus en plus pressant d'échapper aux carcans dans lesquels il se sent confusément enfermé, au sens propre comme figuré. Car Ragel prend conscience qu'au-delà des murs tangibles qui l'emprisonnent, la liberté s'acquerra aussi et surtout par le dépassement ses propres limites.
Ce roman est ainsi le prétexte entre autres à un questionnement sur la relativité de notre perception de la réalité, et sur le sens de la véritable émancipation, le libre arbitre ne s'exprimant jamais avec autant de force que lorsque l'individu se sent en danger. La suppression de toute préoccupation d'ordre pratique apportée par le confort matériel, si elle procure une certaine tranquillité d'esprit, ne peut suffire en effet à donner à l'homme le sentiment de son propre accomplissement.
Aussi, en dépit d'une conclusion sans réelle cohérence avec la complexité de la réflexion à laquelle nous invite l'auteur, j'ai passé avec "Le temps désarticulé" un bon moment de lecture.
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