Les brouillards noirs

Les îles Féroé sont un archipel isolé, où un père cherche sa fille disparue, confronté à des coutumes violentes et à des autorités indifférentes. A la demande de son ex-femme, Raphaël, violoncelliste se rend sur place pour chercher sa fille Maude. Dès lors nous allons suivre son parcours pendant qu'il tente de mener l'enquête et de remonter la piste froide de sa fille. Maude était très investie dans l'écologie et militait avec une association contre la chasse aux globicéphales tués par centaines sur les côtes féroïennes. Un superbe roman d'atmosphère, sensible et captivant. La construction du roman se fait autour des traditions ancestrales tout en prenant en compte le climat et la géographie sauvage de cette région brute. Une autre dimension se dégage du personnage de Raphaël, c'est celle de la paternité. Paternité dont il a été privé depuis plus de onze ans après le divorce, sa femme l’empêchant d'avoir le moindre contact avec elle. Mais Raphaël est avant tout un musicien qui ne sait pas se déplacer sans son violoncelle, on a droit à quelques morceaux choisis comme la première suite pour violoncelle de Bach parce que c’était le morceau favori de Maude quand elle était petite. Plus qu'un thriller l'auteur aborde des thèmes écologiques, éthiques liés à cette chasse aux cétacés appelés grindadráp. Un scénario magnifique et grandiose où la barbarie vient côtoyer la nature encore sauvage de ces îles. Une tragédie à ciel ouvert où les brouillards noirs viennent vous retourner le cœur. Plusieurs facettes dans ce roman policier qui m'a emportée bien loin au-delà de l'hexagone sur un continent dur où l'on apprend ce que l'âme humaine peut avoir de sombre et d'insensible sous le couvert de la sacro-sainte tradition. Un travail de documentation précis et une belle plume à découvrir. Bonne lecture.

Raphaël est violoncelliste à Lyon, un soir son ex-femme avec qui il n’a pas reparlé depuis onze ans lui apprend que leur fille est partie en vacances aux Iles Ferroé et qu’elle ne donne plus signe de vie depuis une semaine. Il n’a plus eu de contact avec elle depuis le divorce, Nathalie ayant obtenu la garde exclusive. Il n’hésite pas une seconde et se rend sur place. La police ne semble pas se soucier de la disparition de la jeune fille, elle est très occupée à contrer une ONG écologiste venue perturber la campagne de chasse à la baleine traditionnelle. Même la consule de France ne semble pas alarmée, elle lui apprend que Maude n’est pas venue faire du tourisme, mais participer aux actions des militants. Face à l’hostilité des habitants et des autorités, Raphaël se rapproche des militants et retourne toute l’île pour la retrouver.

La nature et le climat, extrêmement rudes semblent se liguer contre lui, les tempêtes se déchaînent, la pluie ne s’arrête que pour laisser place à la neige. Rien ne le préparait à une expérience si difficile et il aura besoin de l’aide de Martha et de Niels, des amis de Maude pour s’en sortir. En plus du climat, les habitants et les autorités manifestent la même hostilité face à ces écologistes venus perturber et dénoncer les grindradap, des chasses traditionnelles d’un autre temps où l’on massacre des milliers de dauphins et de baleines avec la plus grande cruauté. Si autrefois ces actions étaient indispensables pour nourrir la population, aujourd’hui, la chair de ces mammifères marins n’est plus consommable à cause de la pollution et des métaux lourds qu’elle renferme. Toutefois la majorité de la population est attachée à cette tradition, sans se rendre compte qu’elle est un écran de fumée destinée à couvrir d’autres trafics, comme on le verra à la fin. La bataille entre les traditionalistes et les écologiques tourne vite au drame avec des morts des deux côtés.

Le personnage de Raphaël est très attachant, c’est un père à la dérive, on suit ses espoirs, sa lutte acharnée pour retrouver Maude, mais c’est surtout un homme qui se rend compte qu’il a baissé les bras au moment du divorce, qu’il a laissé son ex agir à sa guise, trop anéanti pour se battre. Il se rend compte douloureusement que le temps perdu ne se rattrape jamais. Il s’accroche à sa musique et à son instrument pour ne pas sombrer.

L’écriture est très agréable, avec des chapitres courts qui donnent envie de poursuivre la lecture. L’intrigue est très bien ficelée, mêlant thriller et nature writing dans un roman noir très réussi. Les thématiques abordées sont très intéressantes. On ne peut qu’être horrifié de la barbarie de ces chasses traditionnelles, mais en même temps je comprends ces populations qui refusent d’être assimilée dans l’Europe et ses règles et qui tiennent à leur identité, celle qui les relie à leurs ancêtres vikings. Et comme révélé à la fin, elles sont manipulées par des puissants qui se fichent bien de ces chasses, mais ont besoin d’un écran de fumée pour couvrir des choses encore pires.

C’est le deuxième roman de Patrice Gain que je lis et je pense que je vais en ajouter d’autres à ma pal.