Les hypothèses de l'échec

La première nouvelle, savoureuse, fleure bon le vaudeville. Elle met en scène un homme, son épouse et l’amant de cette dernière qui, coïncidence, se rendent en même temps mais sans s’y rencontrer chez le même avocat qui, cela tombe bien, aime les situations complexes…

Puis on part en Amérique latine, terre, à en croire l’auteur, de refuge pour ceux qui ont quelque chose à se reprocher. On y assiste d’abord au coup de foudre entre un homme et une femme ayant tous deux fui la justice américaine après avoir commis un meurtre, avant de continuer sur la même thématique avec l’histoire de l’arrestation d’un assassin menée à bien grâce à l’étrange théorie professée par l’enquêteur quant à la manière dont certains individus se comportent avec les chiens. L’Amérique latine se révèle aussi une terre d’aventure et de danger, comme le montre l’épisode évoquant la disparition, en pleine tournée, de l’actrice d’une troupe de théâtre itinérante alors en séjour au Vénézuela. 

Le voyage n’est pas terminé : une incursion au Japon nous apprend comment, grâce au décryptage d’un message codé, un journal a pu publier un scoop sur une manœuvre militaire cruciale quant à l’issue d’un épisode de de la guerre russo-japonaise ; une autre nouvelle nous embarque en plein Far West aux côtés de brigands en fuite après avoir braqué un train. 

L’entreprise de séduction menée par un homme pour convaincre une femme également convoitée par un rival de s’installer dans son foyer, nous ramène aux Etats-Unis.

O. Henry, pseudonyme de l’écrivain et journaliste américain William Sydney Porter, né en 1862, est connu comme auteur de chroniques et de nouvelles humoristiques (une anecdote : j’ai appris, en m’intéressant à sa biographie, qu’il était l’inventeur de l’expression "république bananière").

Et c’est bien l’humour qui caractérise ce recueil fort divertissant, mêlant habilement esprit et concision, succession d’histoires d’impostures, de fatalités et d’improbables hasards qui ne se terminent jamais de la manière dont leurs entames le laissaient présager. 

O. Henry a l’art de planter un décor ou de croquer un personnage -se focalisant sur les étrangetés qui le singularisent- en quelques coups de plume, mais aussi celui de nous prendre à contrepied en créant des dissonances volontaires entre forme et fond, évoquant des banalités avec une grandiloquence subtilement ironique, ou prêtant à certains personnages des propos auxquels leur allure ou leur statut ne nous avait pas préparé.

Trompé par les apparences, réjoui par la dimension cocasse -voire parfois absurde- et le second degré qui pimentent l’ensemble, le lecteur passe avec "Les hypothèses de l’échec" un moment bien plaisant !