Pas pleurer
  • Date de parution 26/08/2022
  • Nombre de pages 240
  • Poids de l’article 134 gr
  • ISBN-13 9782757890073
  • Editeur POINTS
  • Format 178 x 108 mm
  • Edition Livre de poche
Biographies, Mémoires

Pas pleurer

3.68 / 5 (1671 notes des lecteurs Babelio)

Résumé éditeur

« Ma mère s’appelle Montserrat Monclus Arjona, un nom que je suis heureuse de faire vivre et de détourner pour un temps du néant auquel il était promis. Ce soir, je l’écoute remuer les cendres de sa jeunesse perdue et je vois son visage s’animer, comme si toute sa joie de vivre s’était ramassée en ces quelques jours de l’été 36, et comme si, pour elle, le cours du temps s’était arrêté le 13 août 1936. »Lydie Salvayre est l’auteur d’une douzaine de romans, parmi lesquels La Compagnie des spectres (prix Novembre) et BW (prix François-Billetdoux). Ses livres sont traduits dans une vingtaine de langues. Pas pleurer a été couronné par le prix Goncourt 2014.« Lydie Salvayre entrelace deux voix lyriques [celle de sa mère et celle de Georges Bernanos] avec maestria. Une fidélité filiale gorgée d’émotion. »L’Obs« Une langue joueuse, virtuose, impertinente. »Elle

livré en 5 jours

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  • Date de parution 26/08/2022
  • Nombre de pages 240
  • Poids de l’article 134 gr
  • ISBN-13 9782757890073
  • Editeur POINTS
  • Format 178 x 108 mm
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l’avis des lecteurs

Montse a quatre-vingt-dix ans, l’esprit qui parfois divague, la mémoire qui fout le camp.

C’est pourtant avec beaucoup de clarté et de précision, comme si elle le revivait, qu’elle raconte à sa fille Lidia l’été qui marqua définitivement sa vie, celui de la funeste année 1936. Il fut pourtant pour elle un été de splendeur, qui a effacé tous ses autres souvenirs, balayé soixante-dix années d’un interminable hiver passé en exil dans un village du Languedoc, un été de jeunesse totale au cours duquel la vie et l’amour la prirent à bras-le-corps…

Elle a alors quinze ans, et vit dans un village espagnol, trou perdu autarcique et étroit, régi par des règles séculaires définissant la place de chacun, "les riches dans leur faste et les pauvres sous leur faix", les filles à marier. L’autorité des anciens y est aussi intouchable que la fortune des riches. Ces derniers sont ici en l’occurrence représentés par la famille Burgos Obregón, dont le chef Don Jaime vit entouré de sa falote épouse, de sa sœur Doña Pura, vieille fille bigote et fanatique, et de son fils adoptif Diego, qui au grand dam de sa tante, se revendique communiste. Diego qui par ailleurs est raide dingue de la belle Montse ; cette dernière voit cette passion avec une placide indifférence, à l’inverse de son frère José qu’insupporte cet enfant gâté et ce rebelle de salon qu’est le fils Burgos Obregón.

Il faut dire que José, parti comme chaque année à Lérima pour les foins en a cette fois rapporté une fougue toute révolutionnaire, le désir de se libérer des jougs ancestraux, d’écraser les nationaux, de mettre en place des communes libres… tout ce qui va à l’encontre de ses rêves égalitaires et libertaires lui est devenu despotique : son père la religion, Staline, Franco… Alors Montse, qui détonne au village parce qu’elle ne partage pas l’obsession de ses amies de trouver un mari avant de partir servir chez des señores, s’engouffre dans la révolte fraternelle qui la met en joie. Ce n’est pas pour elle une question de conviction politique ou d’idéologie, elle est emportée par un souffle nouveau qui répond à son désir inconscient de se libérer des carcans que lui impose ce monde campagnard et puritain sans lui proposer aucune perspective. 

L’expérience de cette liberté nouvelle culmine lors d’un séjour à Barcelone où José et sa sœur, accompagnés de deux amis, sont témoins d’une grouillante euphorie et d’une ivresse qu’ils ne connaîtront plus jamais, qui les font se sentir heureux et infaillibles, leur donnent l’impression de vivre quelque chose de grand. De retour au village, ils retrouvent une ambiance délétère, un climat de méfiance. Les dissensions et les affrontements qui secouent le pays se rejouent à l’échelle locale. La fracture entre pères et fils, ces derniers ne voulant plus de leur Sainte Espagne, est consommée. Mais bientôt l’espoir révolutionnaire se délite, affaibli par ses luttes intestines et la difficulté à faire adhérer à son projet des paysans pragmatiques et attachés à leurs maigres biens. José lui-même n’est pas dupe, il sait que l’élan est voué à retomber, les siens manquent de matériel, et l’idéal, aussi sublime soit-il, ne peut rien contre une armée. Et puis, il a eu un aperçu de la haine et de la cruauté dont sont capables les hommes, quel que soit leur camp -y compris le sien-, et une profonde flétrissure a corrompu son rêve…

Au même moment, à Palma de Mallorque, Bernanos est terrassé par la même prise de conscience face aux exactions commises par les nationaux à l’occasion de "la chasse aux Rouges", qui sur cette île tranquille sont pourtant modérés et n’ont pas pris part au massacre des prêtres. Et le pire est que l’élimination systématique de tous ceux sur lesquels pèsent ne serait-ce que le soupçon d’une sympathie révolutionnaire, est orchestrée avec la bénédiction de l’archevêque… Ce fervent catholique également séduit par les préceptes de la Phalange, voit sa vie et sa foi à jamais marquées par ces terribles événements. Il n’a d’autre choix que de dénoncer les méfaits de l’église et l’inique violence des nationaux. Il le fera en écrivant "Les cimetières sous la lune".

En faisant revivre cette parenthèse libertaire devenue pour sa mère l’enchantement d’une vie, Lydie Salvayre met en avant un bref mais intense épisode de l’histoire espagnole qui fut longtemps occulté aussi bien par le président Azaña qui espérait en le niant trouver appui auprès des démocraties occidentales que par Franco, qui réduisit la guerre civile à un affrontement entre l’Espagne catholique et le communisme athée, mais aussi par les communistes espagnols et les intellectuels français, qui voulaient conserver le monopole de l’idéologie révolutionnaire. Mais elle le fait en laissant le devant de la scène à ses protagonistes, parvenant à lier sans accroc le récit de cette mère nonagénaire et extraordinairement pétillante à la fiction grâce à laquelle elle ressuscite un passé qui en devient palpable.

Et c’est, surtout, coloré par le bagou, la verve féroce et d’une réjouissante grossièreté que déploie Montse, en un français bancal qu’elle estropie, le truffant "d’hispanicismes" de son invention, qui donnent au roman vivacité et humour.


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