Des balles et de l'opium

À l'aube du 4 juin 1989, le gouvernement chinois a mobilisé plus de deux cent mille soldats afin d'encercler puis de pénétrer la capitale, Pékin. Ils ont ainsi perpétré un massacre qui a bouleversé le monde entier. Pourtant, à ce jour, nous n'avons toujours pas les chiffres exacts du nombre de victimes. Les chiffres officiels sont aux alentours de deux cents. Les organisations internationales annoncent plutôt trois mille. Cette nuit-là, dans plusieurs dizaines de villes, les quelques millions de manifestants qui étaient descendus au cours des deux mois précédents des centaines de fois dans la rue pour réclamer le multipartisme, l'octroi de libertés individuelles et le renvoi des cadres corrompus du PCC se sont éparpillés en un clin d'oeil. Peu après, les mandats d'arrêt pleuvaient comme les feuilles mortes. Des dizaines de milliers de « prisonniers politiques » furent jetés en prison. Il s'agit là d'un tournant dans l'histoire de la Chine. Quelques mois plus tard, le Mur de Berlin s'est écroulé, et les deux Allemagne se sont réunifiés. L'Empire soviétique s'est disloqué d'un coup. L'humanité avait tourné une nouvelle page de son histoire. Le récit de Liao Yiwu s'inscrit dans la continuité de son oeuvre littéraire, véritable acte de résistance contre les dérives du gouvernement chinois. Dans l'empire des ténèbres racontait son expérience dans les geôles chinoises lorsqu'il fut condamné à quatre ans de réclusion pour avoir écrit le célèbre poème Massacre. Des balles et de l'opium élève cette histoire à une histoire orale collective dont chaque témoignage apporte une pierre de véracité au travail de mémoire que Liao Yiwu entend faire.