
Eschatologie du vampire
Résumé éditeur
livré en 5 jours
l’avis des lecteurs
Il était plus que temps que je lise, celui-là, aussi. Je pense que j’ai un peu retardé l’échéance par crainte de me faire une overdose de « l’esprit Testament » ; après un excellentissime tome final, il me fallait le temps que ça décante suffisamment, histoire d’aiguiser mon appétit, de créer les meilleures conditions possibles pour que je puisse de nouveau me laisser surprendre.
Ah ça, j’ai été surpris, pas de problème. À tel point que malgré le très bon moment de lecture de nouveau passé en compagnie de Jeanne-A Debats et ses truculents personnages, je dois avouer un certain niveau de malaise lancinant une fois ce moment terminé. Comme je dois avouer, aussi, que je ne sais pas trop comment exprimer exactement ce que je ressens, faute d’une impression suffisamment durable et solide pour que je puisse la verbaliser avec précision.
Mais je vais essayer quand même.
Eschatologie du vampire se présente comme un fix-up, donc une succession de nouvelles interconnectées formant un tout cohérent, laissant la part belle à la variété des intrigues et des personnages impliqués ; la vampire du titre n’en est finalement qu’une infime partie, un discret fil rouge. Première surprise, ici, moi qui m’attendais à voir ce cher Navarre vivre une foule d’aventures émaillant le fil de sa longue histoire, avec éventuellement un élément feuilletonnant liant l’ensemble ; pourquoi pas un ou quelques rappels à ses péripéties auprès d’Agnès Cleyre. Rien de tout ça, et honnêtement, c’est plutôt pour le mieux, ou en tout cas je n’ai pas été gêné par le manque global de familiarité dans la galerie de personnages et d’événements, comme dans la variété des époques où des lieux. Non, franchement, de ce côté là, l’effet de surprise était parfait, et assez rafraichissant : je n’ai pas eu le sentiment de lire du fan-service fainéant. Pas que je l’ai craint une seule seconde, mais force a été de très vite noter pour moi à quel point l’autrice a fourni un effort de changement d’ambiance et de ton par rapport à la trilogie originale, tout en conservant son style, et surtout sans se dédire. C’est un peu fort, je trouve.
Fort, mais peut-être un poil trop ; c’est ce qui encore maintenant me déstabilise et m’empêche de rédiger cette chronique avec une totale sérénité. Peut-être que le titre aurait pu me mettre plus la puce à l’oreille malgré une rapide recherche de ma part avant ma lecture : quelque part, mon impression fait sens avec l’ambition affichée. Eschatologie du vampire, c’est pas le bouquin le plus joyeux du moment. C’est pas déprimant pour autant, parce que Jeanne-A Debats sait y faire pour créer une ambiance somme toute accueillante, comme convoquer une galerie de personnages extrêmement sympathiques et soigner leurs dialogues pour aller avec, évidemment. Mais bon sang qu’il se passe un nombre effarant de trucs affreux dans ce bouquin, pfouah. Et de fait, on se retrouve avec un mélange assez terrible d’humour noir et de drames qui, j’avoue, m’ont un peu laissé sur les rotules, sans que j’arrive exactement à comprendre pourquoi, moi qui me laisse rarement atteindre par ces considérations, normalement.
C’est d’autant plus étrange que je savais très bien que Jeanne-A Debats n’est pas du tout du genre à laisser ses valeurs au vestiaire avant d’écrire ses bouquins, pas plus qu’à faire semblant quand il s’agit de frapper les cibles de son mécontentement, et que c’est quelque chose qui me fait la respecter encore plus, humainement comme littérairement. Mais je sais pas, il y a dans ce fix-up comme une ambiance, un mauvais brouillard aux arômes plus amers que doux, un truc qui m’a pas mis bien tout le long de ma lecture, en dépit de mes éclats de rire comme de mon appréciation de l’ensemble. En effet, pas une nouvelle sans le spectre d’un personnage immonde, d’un événement terrible, d’un souvenir traumatique, d’un regret trop pesant, d’une décision impardonnable ; en dépit de sourires et de beaux et bons moments, la balance n’est pas vraiment à l’équilibre, ou seulement de manière illusoire.
À cet égard, je pense cependant que la dernière nouvelle est probablement la plus fautive – quoique très relativement – quant à mon ressenti final : son ton apocalyptique et son sous-texte faisant implicitement constat d’échec m’ont laissé un goût particulièrement peu agréable dans la bouche, en rien aidé par l’effort supplémentaire de suspension de l’incrédulité que j’ai dû consentir pour avaler l’ellipse qu’elle suggère sans exiger une explication complète. Ce qui est très bête, j’en conviens, mais la prémisse de cette histoire particulière rentrant en contradiction directe avec la conclusion de celle qui ouvre le recueil, j’ai eu du mal à passer outre le sens métaphorique clair de la décision narrative prise par l’autrice, mon cerveau logique exigeant au moins un début d’explication, un petit bout de rien du tout, pour simplement accepter les faits. Et dans cette continuité, avec cette analogie aussi limpide que terrible, ajoutée à cette mineure faute et à l’ambiance cynique du reste du fix-up ; j’ai refermé l’ouvrage avec une moue grimaçante, comme j’aurais fini un chocolat chaud dont il restait un peu trop de cacao brut au fond du mug.
Franchement, c’était vachement bien, de bout en bout, littérairement parlant. C’est fluide, efficace, intelligemment conçu et habilement construit ; c’est lucide et acide sans être nihiliste – ou pas trop – on rigole comme on grimace, avec empathie et humanité : c’est du bon Jeanne-A Debats, en tout cas celle que j’ai appris à personnellement aimer. Mention spéciale à la scène du Schtroumpf dans le frigo. Mais peut-être que l’autrice était – sans doute à raison – un brin énervée, résignée, au moment de la rédaction, et que ça se sent un peu trop entre les lignes. Là où j’avais l’habitude de sentir une certaine canalisation de ses agacements légitimes dans un optimisme forcené et militant, elle a ici un peu pris le contrepied de ses habitudes pour livrer quelque chose de nettement plus sombre, dans les thèmes comme dans l’exécution. Ça surprend, à tous les niveaux. Je n’ai certainement pas été déçu, ça non, mais clairement déséquilibré : il va me falloir un peu de temps pour digérer ce volume.
Livraison soignée
Nos colis sont emballés avec soin pour des livres en excellent état
Conseil de libraires
et des sélections personnalisées pour les lecteurs du monde entier
1 millions de livres
romans, livres pour enfants, essais, BD, mangas, guides de voyages...
Paiement sécurisé
Les paiements sur notre site sont 100% sécurisés