Zouleikha ouvre les yeux
  • Date de parution 06/11/2024
  • Nombre de pages 560
  • Poids de l’article 1 gr
  • ISBN-13 9782369149439
  • Editeur LIBRETTO
Russie Romans étrangers Réédition moins de 3 mois

Zouleikha ouvre les yeux

4.30 / 5 (436 notes des lecteurs Babelio)

Résumé éditeur

Années 1930, au Tatarstan, au cœur de la Russie. Zouleikha, quinze ans, a été mariée à un homme bien plus âgé qu’elle. Ils ont eu quatre filles, toutes mortes en bas âge. Pour son mari et sa belle-mère presque centenaire, très autoritaire, Zouleikha n’est bonne qu’à travailler. Pendant la dékoulakisation menée par Staline, le mari se fait assassiner et la famille est expropriée. Zouleikha est déportée en Sibérie, qu’elle atteindra après un voyage en train de plusieurs mois. En chemin, elle découvre qu’elle est enceinte. Avec ses compagnons d’exil, elle participe à l’établissement d’une colonie, loin de toute civilisation, où elle donnera naissance à son fils et trouvera l’amour.Véritable page-turner, ce roman fort et saisissant, qui tient en haleine et va droit au cœur, a déjà reçu de nombreux prix dans son pays.« Je continue de me demander comment un jeune auteur a pu créer une œuvre aussi puissante, qui chante l’amour et la tendresse en plein enfer » s’étonne la romancière russe Lioudmila Oulitskaïa dans la préface de l’édition française.

livré en 4 jours

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  • Date de parution 06/11/2024
  • Nombre de pages 560
  • Poids de l’article 1 gr
  • ISBN-13 9782369149439
  • Editeur LIBRETTO

l’avis des lecteurs

Zouleikha est une petite et frêle créature soumise à l’autorité de son mari et à celle de Dieu. Mariée à quinze ans à Mourtaza, de trente ans son aîné, elle vit depuis dans une maison faite de deux isbas reliées par une entrée commune, dont l’une abrite sa belle-mère -qu’elle surnomme en secret La Goule-, centenaire mauvaise, capricieuse et tyrannique, aveugle et sourde mais loin d’être muette... 

Ce sont des tatares, des paysans à la vie rude, dont le quotidien est rythmé par un incessant labeur. Zouleikha ne ménage pas sa peine, obéissant naturellement aux règles séculaires qui déterminent la place et les missions de chacun, s’oubliant. Sa seule transgression consiste à aller en catimini déposer des offrandes au cimetière pour assurer la paix aux quatre petites filles qu’elle a à peine eu le temps de connaître après leur avoir donné une vie trop brève. La conviction de l’omnipotence de Dieu se mêle à la crainte des êtres malfaisants et autres esprits des bois qui hantent notamment l’ourmane, l'épaisse forêt qui sert de refuge aux animaux sauvages. 

La collision entre cette existence sans questionnement et la brutalité de l’Histoire va bouleverser le destin de Zouleikha.

Nous sommes dans les années 30. Les bolchéviques réquisitionnent régulièrement une grande part des récoltes des tatares, les affamant. Exprimant son refus de se laisser dépouiller une fois de trop, Mourtaza est abattu par le chef d’escouade Ignatov. Les autorités ont par ailleurs lancé un projet de déportations d’envergure, dont le but est de déplacer les koulaks, terme désignant au départ les fermiers possédant de la terre ou du bétail, qui avec l'avènement du régime soviétique devient synonyme "d'exploiteur et d'ennemi du peuple".

Après la mort de son époux, Zouleikha est emmenée avec d’autres membres de sa communauté. Dans un premier temps regroupés avec divers autres indésirables dans des prisons insalubres où ils subissent la faim, le froid et la promiscuité, ils sont ensuite envoyés dans les mêmes convois que les condamnés au bagne à destination des régions reculées de l’URSS. Le voyage est interminable, ponctué des changements de directions et des longs stationnements en gares liés à la désorganisation des autorités. Le convoi dont fait partie Zouleikha, placé sous la responsabilité de l’assassin de Mourtaza, échoue après six mois de transport et de tergiversations dans un no man’s land sibérien où les déportés, abandonnés avec leur commandant Ignatov, doivent assurer leur survie, privés de tous liens avec le "continent", censés consacrer leur temps, jour après jour, à honorer les quotas du plan économique. 

La jeune femme a entretemps découvert qu’elle était enceinte.

Personne n’aurait parié sur la survie de cette fille minuscule, propulsée, seule, dans un monde inconnu et hostile dont elle ignore les codes. Elle y découvre, choquée, des femmes impudentes qui se découvrent la tête et osent s’exprimer devant les hommes. Sa propre pudeur est bafouée. Et pourtant, discrète mais vaillante, elle résiste et s’adapte, pour cet enfant qu’elle est pourtant sûre, comme les précédents, de ne pas garder longtemps. La terrible épreuve qu’elle subit lui permet de se révéler, d’acquérir une indépendance à laquelle elle ne songeait même pas, d’être responsable d’elle-même, de prendre ses propres décisions. 

Quelle épopée !, que celle du roman de Gouzel Iakhina, qui s’est inspirée de la vie de sa grand-mère pour dresser ce beau portrait de femme, et évoquer le destin de ces dékoulakisés, comptant dans leurs rangs de nombreux paysans sans instruction ne comprenant rien aux discours idéologiques, mais aussi des intellectuels et des artistes considérés comme ennemis politiques. 

D’une écriture sobre et quasi cinématographique, faisant naturellement naître des images, elle évoque la violence et l’injustice qui ont entraîné la mort de milliers de victimes, mais aussi la solidarité, le courage et l’humanité qu’ont démontré ceux qui ont su lutter contre la brutalité d’un système et l’hostilité d’un environnement naturel implacable. Jamais elle ne verse dans le manichéisme ou dans le sentimentalisme : elle raconte une histoire, évoque des événements et anime des personnages dont les actes suffisent à démontrer la complexité et que rien n’est jamais simple ni jamais acquis, à l’image de cette société stalinienne où un éminent personnage peut être déchu du jour au lendemain. Ainsi, le communiste intransigeant peut s’oublier pour sauver "ses koulaks", ou une paysanne fruste et inculte s’émanciper au fin fond de la taïga…

Un très beau moment de lecture.


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