Les étoiles les plus filantes
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l’avis des lecteurs
Quatrième de couverture
En juin 1958, une équipe de tournage française débarque à Rio de Janeiro. Dans les quartiers pauvres se répand la nouvelle d'un drôle de casting : on recherche de jeunes comédiens amateurs noirs. À sa réécriture du mythe d'Orphée et Eurydice, Aurèle Marquant a l'intention de donner pour cadre une favela vibrante de tragédie et de joie. Le réalisateur a reconnu son Eurydice en Gipsy Dusk, danseuse américaine métisse rencontrée à Paris. Breno, footballeur brésilien au chômage, sera Orphée ; Eva, comédienne martiniquaise, et Norma, Carioca pauvre mais ambitieuse, seront les deux autres visages féminins.
Mon avis
Manhã De Carnaval….
Lorsque j’ai refermé ce livre, je me suis précipitée sur mon ordinateur pour louer et visionner le film « Orfeu Negro » (Palme d’Or à Cannes en 1959). C’est maintenant, imprégnée de la musique et des images, qui ont magnifiquement complété ma lecture que je viens parler de ce roman. Estelle-Sarah Bulle a une tendresse particulière pour « Orfeu Negro » et elle s’est librement inspirée de son histoire pour écrire son récit.
Nous sommes en 1958, au Brésil, une équipe française a décidé de mettre en images la pièce de théâtre de Vinícius de Moraes. Il revisitait le mythe grec d’Orphée et Eurydice dans une favela contemporaine de Rio de Janeiro pendant le carnaval brésilien, faisant ainsi intervenir les gens costumés, les chansons, la couleur, la fête. Aurèle Marquant, le réalisateur, a une actrice fétiche, Gipsy Dusk, qu’il a amenée avec lui. Pour les autres, ce seront des gens du coin, à peau noire, issus de milieux simples, voire défavorisés. Quand il les choisit, il faut que le courant passe, que ça fasse tilt.
C’est tout l’envers du décor que nous fait découvrir l’auteur. Le travail de recherches pour élire les bons acteurs, les maquilleurs, ceux qui s’occupent du décor, des tenues et le nerf de la guerre : la recherche d’argent, de sponsors dirait-on maintenant. Mêlant habilement des personnages fictifs et réels, elle nous entraîne dans un tourbillon. Le contraste est saisissant entre la pauvreté des favelas et les soirées festives en ville où vont les participants du film. Deux mondes, d’autant plus saisissants pour ceux qui ne vont les côtoyer qu’un temps, que ce soit dans un sens ou dans l’autre …. Parce que les acteurs venus de la population locale vont-ils rester des stars ou retourner dans l’ombre ?
Les protagonistes sont vraiment intéressants. Entre autres, Gipsy Dusk, une danseuse américaine métisse que le réalisateur a rencontré à Paris, elle sera Eurydice. Gipsy a fui l’Amérique.
« Un pays qu’elle-même avait fui, car, en y demeurant, elle serait devenue malade d’injustice. Elle se serait consumée dans la fournaise de la haine, aurait retourné contre elle-même la lame acérée du racisme triomphant et après quelques pas, se serait écroulée, écorchée vive. Son pays ne l’aimait pas mais elle en faisait indéniablement partie. »
Ce racisme omniprésent, même lorsque les journalistes mènent leur interview est révoltant mais Gipsy mesure la chance qu’elle a de tourner et peut-être de réussir à percer si le film a du succès…. Malgré tout, ce n’est pas simple pour elle de communiquer avec les autres actrices, leurs vies habituelles sont très différentes, elles ne viennent pas du même monde.
Une place importante est donnée à la musique, notamment à la création de nouveaux morceaux. Chaque fois qu’un titre est évoqué, je l’ai écouté pour encore mieux m’imprégner de l’atmosphère de ce recueil. On découvre comment les musiciens, les artistes communiquent, ce qui est important ou pas pour eux. L’univers du cinéma subit des influences, Estelle-Sarah Bulle nous le rappelle, il faut négocier et pas seulement pour avoir un budget. Il n’est pas aisé de faire accepter des artistes métis ou de couleur, ça dérange et que dire si la CIA ou les hommes politiques s’en mêlent, en sous-main, l’air de rien, en utilisant les sympathies des uns et des autres pour avoir des informations ?
J’ai trouvé qu’Estelle-Sarah Bulle savait trouver les mots justes pour évoquer toutes ces « différences », ces choses qui s’opposent et les émotions et réactions de chacun face aux faits. Les blasés du luxe, ceux qui sont émus de la moindre paillette, ceux qui ont peur, ceux qui souffrent…. Il y a également le contexte historique, un pays qui se cherche, une politique fragile, et la nécessité pour chacun de trouver sa juste place.
J’ai beaucoup apprécié cette histoire. J’ai eu le besoin de vérifier (notamment sur le jury de Cannes, sur les autres films) pour savoir la part qui était imagée. L’écriture de l’auteur est un régal. Elle a écrit un texte complet, riche (on sent qu’elle a dû faire beaucoup de recherches), qui, au-delà de l’histoire du film, offre un regard acéré sur les hommes et les femmes qui se côtoient dans cet opus.
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