Basses terres
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l’avis des lecteurs
Quatrième de couverture
En Guadeloupe, les toussotements de la Soufrière font partie du quotidien des habitants de la Basse-Terre. Mais en ce mémorable mois de juillet 1976, les explosions s’intensifient, les cendres recouvrent impitoyablement la végétation et beaucoup se résignent à partir en Grande-Terre. Au cœur de cette saison brûlante, les bourgs se vident et les destins se jouent.
Mon avis
Estelle-Sarah Bulle est d’origine guadeloupéenne et depuis qu’elle se consacre à l’écriture, elle s’est « rapprochée » de la culture créole. C’est peut-être pour cette raison que son dernier roman se situe à la Guadeloupe.
C’est en 1976, au moment où le volcan « La Soufrière » menace la Basse Terre que l’auteur situe son récit. Par l’intermédiaire de plusieurs personnages (dont certains font penser à ses parents, notamment lorsque son père est revenu après une longue absence), on visite plusieurs coins de l’île. Les habitants de Grande Terre accueillent ceux qui fuient Basse-Terre, comme on leur a demandé, à cause d’une possible éruption. Les logements, des cases, ne sont pas grands et le quotidien s’en ressent. Et que dire de ceux qui arrivent de France, qui ne retrouvent rien de leur « vie moderne » et son pour quelques-uns, parachutés dans un univers nouveau qui les ravit et les déroute à la fois ?
Une femme, Eucate, refuse de quitter sa maison, pourtant située dans une zone dangereuse. Elle est « enracinée » dans le lieu, dans les traditions, dans le passé et on comprend aisément son refus. Attachée au folklore, elle a parfois des réactions surprenantes, à la limite de la superstition et de la crédulité. C’est très intéressant de « l’écouter ».
Pour Marianne qui vient ici pour la première fois (son mari avait fui l’île) avec son époux, qui lui retrouve sa famille, c’est un contraste perpétuel. Loin des clichés « carte postale », elle découvre des demeures sans réfrigérateur, sans confort, où tout le monde s’entasse, sans beaucoup d’intimité. C’est un gouffre par rapport à ce qu’elle vit en France. Ce qui semble « normal », facile à un endroit reste un privilège rare à un autre. La pauvreté est encore très présente en Guadeloupe.
Sur l’île, c’est la nature qui décide. Pourtant Haroun Tazieff et Claude Allègre (c’est un fait réel, habilement glissé dans le roman), se disputent sur la dangerosité du site et sur l’obligation ou pas d’évacuer certains villages potentiellement menacés. Pour information, les deux hommes sont restés fâchés, campant sur leurs positions et ça a duré longtemps. Il ne faut pas oublier que la nature décide, c’est elle qui nourrit, qui « bouge », qui « prête » ses terres….
Ici, c’est difficile de connaître une « pleine réussite », comme on en voit en France. Alors quelques-uns partent là-bas dans l’espoir de jours meilleurs, d’un travail plutôt que le chômage. Mais à quel prix ? Que laissent-ils derrière eux ? Il y a eu également ces femmes confrontées à des grossesses difficiles, voire non désirées et dont les enfants se questionnent encore sous l’œil goguenard de certains voisins.
Cette lecture est une vraie « peinture » d’une époque et d’un lieu, avec toutes les difficultés, les joies, les relations qui se nouent. C’est une excellente représentation de ce microcosme avec tout ce qui s’y joue.
Estelle-Sarah Bulle a une écriture très agréable liant descriptions précises, visuelles et événements marquants ainsi que les ressentis et émotions des uns et des autres. Son style est accrocheur, on s’attache aux protagonistes, on les accompagne un bout de chemin en voulant connaître leur devenir. Leurs portraits sont délicats, emplis d’humanité, de réalisme. Cette histoire sert à aborder de nombreux thèmes : les liens familiaux, les choix pour l’avenir, la résilience, le poids du passé, la vie dans toute sa complexité et sa beauté….
Un été 1976 en Guadeloupe
Dans son nouveau roman, Estelle Sarah-Bulle explore le destin d’une famille guadeloupéenne. Alors qu’en cet été 1976, on craint une éruption de la Soufrière, les Bévaro se retrouvent. De génération en génération, la romancière explore leurs secrets de famille.
Nous sommes en juillet 1976 en Guadeloupe. C’est le moment choisi par Daniel pour retrouver son pays natal après 17 ans d’absence. Il arrive de Châteauroux, où il vit désormais, accompagné de son épouse Marianne et de ses enfants Diego et Adèle. À l’aéroport l’attend son père Elias et son cousin Francelette que tous sur l’île appellent Gros-Yeux. Chez Elias, la famille retrouvera les cousins, les frères et les sœurs et les amis, venus voir quelle tête avait désormais Daniel et à quoi ressemblaient sa femme et sa progéniture.
Après les retrouvailles et la première nuit, Daniel cherche à se repérer, «il réapprend le paysage, bouche les trous des souvenirs. Les distilleries s’effondrent désormais en ruines rouillées au coin des chemins, les ponts de son enfance disparaissent sous la végétation, la plage a été éventrée par un promoteur immobilier. Les villes côtières se gonflent de touristes couverts d’huile bronzante. Et lui, il ne sait plus comment l’aimer, son île.»
Durant les trois semaines de son séjour, il ira aussi rendre visite à son frère Ange, interné en asile psychiatrique, du côté de Basse Terre où vulcanologues et scientifiques débattent sur les risques d’éruption de la Soufrière. Après une expédition durant laquelle Haroun Tazieff et Claude Allègre ont failli perdre la vie, ordre est donné d’évacuer la zone sud, celle où vit Eucate. La vieille femme avait choisi de construire sa case sur les pentes du volcan et était bien décidée à rester là et à braver les jets de lave et de soufre. Il faut dire que jusque-là, elle avait déjà surmonté bien des épreuves, perdant notamment l’un de ses fils, emporté par la rivière un soir de tempête. Anastasie, sa petite-fille, était la seule à être restée à ses côtés, avec l’envie de comprendre ce qui était arrivée à sa famille, à dévoiler les parts d’ombre qui l’accompagnait.
Génération après génération, Estelle-Sarah Bulle va lever le voile sur les secrets de famille, explorant par la même occasion l’héritage de l’esclavage, puis du colonialisme et enfin du post-colonialisme. Entre la métropole et le département d’outremer, on comprend aussi que les principes de la République ne sont toujours pas appliqués, à commencer par l’égalité de traitement.
Eucate «accepte enfin ce que la vie lui a donné puis repris, heureuse de retourner au volcan et d’y gratter encore un peu l’humus vivifiant, heureuse de survivre au mal, comme chacun sur cette Île sans cesse secouée par les ouragans, les famines, le progrès, l’avidité et l’incroyable sentiment de supériorité des Blancs.»
Le hasard des parutions fait qu’en cette rentrée ce roman entre en résonnance avec La vie privée d’oubli de Gisèle Pineau qui paraît simultanément chez Philippe Rey. Ce roman analyse lui aussi «les conséquences des traumatismes des générations précédentes sur les suivantes.» Deux voix qui s’inscrivent en dignes héritières de Maryse Condé et Simone Schwarz-Bart.
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