L'Amour entre hommes dans la poésie française

En 2024, tandis que l'Assemblée nationale travaille à la réhabilitation des milliers de personnes condamnées pour homosexualité entre 1942 et 1982, Seghers publie la première anthologie de poésie gay, présentée par Frank Delorieux et richement illustrée par l'artiste lisboète Tomás Castro Neves.De tout temps, les poètes ont chanté l'eros. Dans ce florilège, Franck Delorieux rassemble, de la Renaissance jusqu'à nos jours, tous ceux qui ont osé écrire les amours entre hommes, qu'ils soient de grands noms de la poésie, des auteurs anonymes ou des écrivains qui n'ont été qu'occasionnellement versificateurs. À l'époque médiévale, hormis un poème d'Eustache Deschamps qui fustige les " efféminés ", on ne trouve que les poèmes en latin de l'évêque Marbodius de Rennes. Les libertins du XVIIe siècle professèrent un mépris des lois morales et de l'ordre monarchique : certains y perdront leur liberté ou le payeront de leur vie. Tandis que les cours de Louis XIII et Louis XIV affichent une certaine permissivité, fleurissent simultanément des œuvres pamphlétaires et satiriques aux relents homophobes. Il faut attendre Verlaine et Rimbaud pour que l'homosexualité s'exprime avec génie et éclat. Du XIXe siècle jusqu'à la première moitié du XXe siècle apparaissent, à travers des revues comme Akademos, Inversions, Amitié ou Pan, les premiers mouvements de revendication gay et avec eux des poèmes à la sensibilité symbolistes ou décadents. Suivront les pages éternelles d'André Gide, Marcel Proust, René Crevel ou Jean Genet, ainsi que Jean Cocteau. Puis, après la Libération, la libération des mœurs, l'arrivée de la gauche au pouvoir en 1982 : des journaux et des revues comme Gai Pied Hebdo, Masques ou Têtu furent créés tandis que des lieux de rencontres tels que sièges d'associations, bars, boîtes de nuit ou sex-club s'ouvrirent. L'épidémie de sida, qu'on surnomme le " cancer gay ", sera l'occasion d'un regain d'homophobie. Durant cette période, toute une littérature verra le jour et notamment des poètes se revendiquant ouvertement gays, notamment Jean Sénac, William Cliff, Jean Ristat ou Olivier Barbarant.