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Nous allons tous très bien, merci
Résumé éditeur
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l’avis des lecteurs
Après avoir lu le très lovecraftien Harrison Harrison de Daryl Gregory, j’ai eu envie de savoir ce qu’il advenait de ce cher Harrison au carré et j’ai ainsi lu Nous allons tous très bien, merci. Ce roman se déroule bien après Harrison Harrison mais a été publié avant. Il s’agit du second roman de Daryl Gregory publié en France après L’éducation de Stony Mayhall. Le livre a été finaliste des prix Nebula, Locus, Theodore Sturgeon et a obtenu le prix Shirley Jackson Award en 2014 puis le prix World Fantasy du meilleur roman court 2015.
Le livre est un court roman, il est enrichi d’une interview de l’auteur qu’il ne faut surtout pas lire avant le roman pour ne pas être divulgaché. Avec ce livre, Daryl Gregory a voulu s’intéresser à la question de ce qu’il advient des personnages de films ou romans d’horreur une fois le clap de fin passé. Il s’est demandé comment ces personnages pouvaient continuer à vivre en ayant vécu l’horreur, en ayant été confronté à des monstres de toute sorte, et en sachant qu’ils continuent à exister. Pour cela, il a choisi de raconter l’histoire d’une thérapie de groupe de parole menée par la psychologue Jan Sayer qui a réuni 5 patients ayant survécu à l’abominable, à des actes de déséquilibrés. Le but de la thérapie étant de faire parler les 5 victimes de ce qu’ils ont vécu, pour les aider à guérir, leurs pathologies étant proches.
Il faut dire que les 5 protagonistes de ce groupe de parole sont tous différents, et qu’il est difficile de savoir quelle horreur est la pire. Les personnages sont tout à fait crédibles, et développés avec beaucoup de soin par l’auteur. Il y a tout d’abord Harrison, jeune homme tout à fait banal mais qui a croisé la route d’entités poulpesques à Dunnsmouth dans son adolescence. Barbara est une mère de famille très organisée mais il y a plusieurs années, elle a eu le malheur de croiser la route du terrifiant scrimshander dont la spécialité est la gravure sur os. Stan est en fauteuil roulant et n’a plus de bras après avoir été la victime d’une famille cannibale dans les années 70 (toute référence à Massacre à la tronçonneuse est voulue). Martin et Greta complètent le groupe : le premier se cache sous des lunettes noires ressemblant à des Google Glass qu’il refuse d’enlever, et la seconde très peu loquace, surtout quand il s’agit de parler d’elle.
L’intrigue du roman tourne autour de ce groupe de parole avec des révélations sur le passé de chacun, et les liens qui se tissent entre eux. La narration choisie par l’auteur est originale et colle très bien avec la thématique du roman. En effet, le groupe est mis en avant et chaque chapitre se focalise sur un personnage différent, tout en commençant à la première personne du pluriel représentant le groupe. Puis le point de vue passe peu à peu à la troisième personne du singulier représentant le personnage concerné. Ainsi la narration montre l’importance du groupe, des interactions entre les différents protagonistes et les relations qui se mettent en place. Cette dynamique de groupe est très bien rendue, tout comme l’atmosphère pesante due aux horreurs vécues par chacun. Daryl Gregory rend son récit fluide et entrainant, tout en s’intéressant à chaque personnage et en offrant une voix au groupe.
Nous allons tous très bien, merci est ainsi un roman court et inventif qui s’intéresse au devenir des personnages confrontés à l’horreur. On est très vite captivé par cette histoire hors norme qui bascule entre terreur, action et humour. Vous laisserez vous tenter par une petite thérapie de groupe dirigée par Daryl Gregory?
Dans la série des bouquins que j’ai clairement mis beaucoup trop de temps à lire sans vraiment savoir pourquoi, Nous allons tous très bien, merci est sans doute en tête de liste des plus inexplicables. Je sais que je m’en suis porté acquéreur après la lecture mitigée de L’éducation de Stony Mayhall, du même Daryl Gregory ; cet ouvrage m’ayant subjugué pendant ses deux premiers tiers avant de s’écrouler assez tristement au moment de sa conclusion. Quand je m’étais ouvert à propos de cette déception, on m’avait assuré que l’auteur était bien meilleur dans les formats plus courts, et notamment dans l’ouvrage dont il est question aujourd’hui. Et j’avais toutes les raisons du monde d’avoir confiance, je ne saurais donc pas vraiment dire pourquoi ou comment j’ai pu oublier de lire ce court roman pendant tout ce temps.
Mais toujours est-il que c’est désormais chose faite, et qu’effectivement, c’est un très bon texte, qui brille notamment par sa singularité.
J’ai été quelque peu dérouté, pourtant, dès le départ, à cause d’un choix narratif fort audacieux de la part de Daryl Gregory, semblant de prime abord se contredire ou laisser une place terrible à ce qui ressemble pendant un temps à une incohérence majeure ; alternant de façon arbitraire entre une focalisation interne et une focalisation externe, créant une certaine confusion quant à l’identité de la narration. Mais emporté par un récit sachant garder de la place à ce qu’il faut de mystère et de révélations au compte-goutte, j’ai très vite accepté cet état de fait en lui laissant le bénéfice du doute : il y avait forcément une bonne raison derrière un parti pris aussi radical. Et effectivement, si la surface de Nous allons tous très bien, merci suffit largement à livrer un récit de fantastique intimiste en forme d’enquête communautaire croisée, laissant la part belle à une élégante et pudique étude de personnages, c’est son côté meta qui m’a sans doute le plus convaincu.
Car au travers de sa galerie de traumatismes et d’horribles histoires personnelles, j’ai eu le sentiment que cette histoire était pour Daryl Gregory une occasion très subtilement et habilement saisie de faire une sorte d’autopsie de la dramaturgie moderne. En s’intéressant plus à la gestion des traumatismes de ses personnages qu’à leurs histoires elles-mêmes, en creusant plus volontiers les conséquences trop souvent tues ou laissées de côté d’aventures palpitantes mais intrinsèquement affreuses, je trouve que l’auteur déconstruit très malicieusement mais sans acidité le format trop convenu des histoires auxquelles nous nous sommes habitué·e·s. Il questionne en creux cette tendance qu’on peut avoir à trop facilement s’arrêter aux frontières délimitées par les récits que nous échangeons, oubliant que les débuts et les fins sont aussi manufacturées que le reste : il s’est passé des choses avant pour en arriver là et il s’en passera d’autres ensuite, il ne tient donc qu’à nous d’aller chercher ces autres éléments pour avoir un tableau complet et complexe des situations ainsi dépeintes.
Peut-être que je surinterprète la volonté de Daryl Gregory, évidemment, mais je ne peux pas m’empêcher de lire dans ce récit une étude aussi précise que dense de notre capacité à vivre en dépit de nos traumas, comme de notre tendance souvent délétère à refuser de voir, de comprendre, à quel point ces traumas peuvent nous changer et changer la perception qu’on a de leurs victimes, y compris de la part des victimes elles-mêmes. J’ai particulièrement aimé cette idée pernicieuse que les survivant·e·s, de par ce statut précis, deviennent de nouveaux monstres dans l’œil public et donc par ricochet malsain, à leurs propres yeux ; comme une double peine. Alors évidemment, les personnages de ce récit particulier ont des profils particulièrement spectaculaires, mais la symbolique hyperbolique devient alors particulièrement prégnante et ne sert finalement que de révélateur pour des situations tout aussi horribles mais moins évidentes aux yeux de cielles qui les minimisent au quotidien, par manque de connaissance ou d’empathie, ou par un sournois mélange des deux. Sans parler du déni, qui exerce sans doute une certaine influence malsaine : refuser l’existence d’un trauma chez autrui, c’est éviter d’en prendre une part dans sa charge mentale, d’avoir à accepter que des horreurs arrivent tous les jours, partout, pour n’importe qui.
Et même si comme toujours je n’ai été que peu ému, devant trouver mon plaisir littéraire dans l’analyse, il n’empêche qu’à mon échelle, je me suis ponctuellement reconnu dans certains sentiments, certaines expressions. Je n’oserais jamais comparer mon propre bagage à celui de cielles qui sont réellement des survivant·e·s, mais il n’empêche qu’au travers de ce récit, je pense avoir fait un pas dans leur direction, mieux équipé pour comprendre et éventuellement aider. Encore une fois, je ne saurais pas dire si c’était la prime intention de Daryl Gregory, mais quoi qu’il en soit, je ne peux que le remercier pour ce cadeau qu’il m’a fait ; j’ai un peu appris sur moi-même en le lisant. C’est pas rien.
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