
Le Maître d'escrime
Résumé éditeur
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l’avis des lecteurs
En son temps, Club Dumas avait été une bonne petite claque pour moi. Le genre de lecture me faisant remarquer avec une classe folle qu’en littérature comme ailleurs, il est toujours possible de produire un effet de surprise d’une pureté exceptionnelle, en dépit de toute l’expérience accumulée. Bon, après, j’étais encore jeune et avec beaucoup moins de bagage qu’aujourd’hui, donc il faut nuancer l’idée d’expérience, ici. Mais n’empêche que le sentiment que j’évoque ici, lui, est essentiel ; cet espoir perpétuel de surprise qui nous pousse, précisément, à continuer de lire, encore et encore, en dépit des ponctuelles déceptions et lectures plus simplement « moyennes ».
Tout ça pour dire qu’Arturo Pérez-Reverte, c’est un nom que je me garde de côté depuis lors, persuadé que le monsieur en avait forcément encore sous la pédale pour être parvenu à me renverser moi, en compagnie de plein d’autres personnes, avec un seul de ses romans. J’avais du mal à considérer qu’avec un tel exploit, le standard de cet auteur ne puisse pas être un minimum compétent sur le reste de son travail.
Alors quand, dans cette période ou changer un peu de registre me tente plus que d’habitude, je me suis dit qu’explorer un peu ledit travail serait bienvenu. Et en effet, ça fait du bien par où ça passe. Même si franchement, je suis pas mal déçu, pour le coup.
Espagne, fin XIXe. Jaime Astarloa est le maître d’escrime le plus réputé et le plus discret de Madrid. Vivant sa vie loin des troubles politiques qui agitent le pays, il consacre sa vie à son travail d’enseignement d’un art en perdition et à sa quête personnelle d’une botte imparable. Mais lorsqu’il rencontre Adela de Otero, mystérieuse jeune femme souhaitant devenir son élève, ses valeurs conservatrices et sa loyauté à certains des principes directeurs de sa vie se retrouvent battus en brèche.
Le souci de ce roman à mes yeux, c’est qu’il est, à bien des égards, trop technique. D’abord, bien évidemment, on a l’aspect escrime ; si c’est tout à l’honneur de l’auteur d’inclure dans son roman tout un lexique et une utilisation précise du jargon du fleuret, il faut bien admettre qu’il est assez obscur pour l’œil non initié (tel que le mien, donc). De fait, les passages où les personnages s’exercent ou discutent de leur art sont assez cryptiques et frustrants, puisqu’on ne capte guère qu’une idée générale de ce qui s’y passe, mais sans la possibilité de réellement se figurer de quoi il s’agit fondamentalement. je suis certain que pour un lectorat plus concerné, c’est un délice de précision, mais pour le néophyte, c’est un moyen très rapide de se sentir un peu exclu, c’est dommage.
De la même manière, une grande partie du récit tourne autour des troubles politiques agitant l’Espagne du XIXe siècle, et là aussi, c’est un peu aride. On nous balance des noms, des enjeux très nationaux, pour un récit qui se déroule à hauteur d’homme. Alors certes, c’est raccord avec le personnage de Jaime Astarloa, volontairement reclus de toutes ces questions, ne pensant concrètement qu’à l’escrime, uniquement spectateur de ces questions, auxquelles il se sent fort logiquement étranger ; mais toujours est-il qu’on est dans un roman de capes et d’épée, au départ. Alors les discussions enflammées des compagnons réguliers de notre protagoniste sur le destin de leur pays, il est compliqué d’y prêter la moindre importance quand lui même s’en fout complètement et attend juste la prochaine occasion de tirer le fer.
Du coup, on se retrouve avec un roman qui souffre d’une très (trop) longue mise en place, afin d’expliciter tous les éléments d’une conclusion qui, à force d’être préparée, devient cousue de fil blanc, parce qu’on comprend très vite que tout ce qui nous est montré va devoir servir plus tard. Concentrant bien trop d’informations essentielles dans un volume trop court et extrêmement dense, Arturo Pérez-Reverte perd en subtilité ce qu’il gagne en ambiance et en force évocatrice ; et si on peut saluer la qualité du travail de recherche et de rigueur historique, ça ne rend pas son histoire meilleure pour autant, d’un point de vue dramaturgique, puisqu’on a parfois l’impression de plus lire une biographie détaillée et surcontextualisée de notre protagoniste qu’autre chose. Et là encore, on perd d’autant plus en efficacité.
Ce qui est d’autant plus triste que le personnage a d’énormes qualités à faire valoir, d’un point de vue purement romanesque. J’avoue que j’ai été assez séduit, littérairement parlant, par cet homme dont la solitude me parait plus une affaire de conviction que de défaut de caractère, témoin désabusé d’une époque dont il se sent étranger, mais ne prenant aucune de ses souffrances comme excuse pour trahir ses principes. Il y a quelque chose de touchant dans cette noblesse fatiguée, dans cet honneur fragile mais tenace d’un homme qui sent que ses meilleures années lui ont échappées. C’est Jaime Astarloa qui m’a continuellement motivé à continuer ma lecture en dépit de mes ponctuelles frustrations, c’est son destin plus que les réponses aux questions esquissées au fil du récit par Pérez-Reverte qui m’a réellement captivé. Ce sont ses sentiments contrariés et ses atermoiements que j’ai trouvés les plus intéressants, en relation avec ce qui lui arrivait ou même en dehors.
Le problème, du coup, c’est bien que je considère que ces aspects les plus intéressants du récit sont donc comme noyés dans la multitude des ambitions de l’auteur, qui comme souvent avec moi, a sans doute voulu courser trop de lièvres pour pouvoir réellement en attraper aucun. On a une intrigue humaine, une autre politique, une autre policière, qui s’entremêlent sans cesse, mais aucune n’est à mes yeux suffisamment travaillée pour tirer son épingle du jeu ou a minima nourrir les autres. Et du coup, dans un récit aussi court, où tant d’éléments me semblaient nécessaires pour réussir à créer du doute et du suspense à un niveau réellement satisfaisant.
Et puis, et puis… Il y a la fin. Au delà de son côté décevant à l’aune du récit tout entier, avec ce bombardement final d’informations et d’explications trop technique pour être viscéral, où je suis assez simplement partagé entre certains éléments trop attendus et d’autres pas suffisamment travaillés en amont pour être rendus assez spectaculaires ou même réellement intéressants, il y a surtout une vibe que je ne peux pas m’empêcher de trouver malaisante. Alors attention, spoiler mineur, puisque l’élément thématique dont je vais ici parler serait en lui-même suffisant pour vendre la mèche à un·e lecteurice un minimum attentif·ve. Après un début de récit faisant la part belle à une certaine ouverture de notre personnage principal, à une capacité de remise en question, la chute choisie par l’auteur, à mes yeux, revient trop dessus, dans un final que je trouve terriblement décevant ; d’abord du point de vue de la progression de ce protagoniste, que je trouve finalement très tristement revenu à son point de départ. Ensuite, et c’est là le cœur de mon alerte spoiler : je n’arrive pas à me détacher d’un sentiment poisseux de misogynie émanant de ces révélations finales. Je ne saurais pas vraiment le verbaliser correctement, d’autant que je pense qu’il est un peu trop facile et piégeux de parfois vouloir tirer une interprétation générale du traitement d’un personnage féminin en particulier pour évaluer le rapport d’un auteur à un genre entier. Mais n’empêche qu’il y a un truc là-dedans qui m’a pas plu, vraiment pas du tout. Comme si c’était trop facile de faire comme ça, et que Pérez-Reverte avait raté un truc en terme de subtilité pour que ça fonctionne mieux. Fin de l’alerte spoiler.
En gros, c’est pas que c’était mauvais. C’est juste que c’était vraiment pas assez pour moi. Il manquait du volume, de l’exigence et de l’intensité pour parvenir à me convaincre ; trop d’éléments traités de manière superficielle en relation les uns avec les autres. Le concept central était top, mais l’exécution était juste insuffisante. Ironiquement, j’ai l’impression que les forces du récit produit par Arturo Pérez-Reverte étaient satellitaires de ses efforts principaux, trouvant mon plaisir et les idées les plus captivantes dans ce qui n’intéressait pas le plus l’auteur. Une rencontre qui cette fois ne s’est pas faite, tout simplement.
Mais aucune raison de désespérer, on a de quoi retenter l’expérience plus tard.
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