La Horde du Contrevent
  • Date de parution 04/02/2021
  • Nombre de pages 736
  • Poids de l’article 374 gr
  • ISBN-13 9782072927515
  • Editeur FOLIO
  • Format 178 x 108 mm
  • Edition Livre de poche
Ouvrage de référence de l'auteur Vraiment Bon livre Anticipation Climat Fiction Space Opéra et Planet Opéra

La Horde du Contrevent

4.36 / 5 (7387 notes des lecteurs Babelio)
AVIS DOLPO Vraiment bon livre

Résumé éditeur

« Imaginez une Terre poncée, avec en son centre une bande de cinq mille kilomètres de large et sur ses franges un miroir de glace à peine rayable, inhabité. Imaginez qu’un vent féroce en rince la surface. Que les villages qui s’y sont accrochés, avec leurs maisons en goutte d’eau, les chars à voile qui la strient, les airpailleurs debout en plein flot, tous résistent. Imaginez qu’en Extrême-Aval ait été formé un bloc d’élite d’une vingtaine d’enfants aptes à remonter au cran, rafale en gueule, leur vie durant, le vent jusqu’à sa source, à ce jour jamais atteinte : l’Extrême-Amont. Mon nom est Sov Strochnis, scribe. Mon nom est Caracole le troubadour et Oroshi Melicerte, aéromaître. Je m’appelle aussi Golgoth, traceur de la Horde, Arval l’éclaireur et parfois même Larco lorsque je braconne l’azur à la cage volante. Ensemble, nous formons la Horde du Contrevent. Il en a existé trente-trois en huit siècles, toutes infructueuses. Je vous parle au nom de la trente-quatrième : sans doute l’ultime. »Au livre-univers, Arno Alyvan compose le plus  riche des échos : un disque-univers. À savourer avant ou après la lecture du roman.La Horde du Contrevent a reçu le Grand Prix de l’Imaginaire 2006 et le prix Imaginales des Lycéens 2006.Ce « livre monde » hors du commun a suscité un engouement collectif qui ne se dément pas depuis sa parution. Traduit en italien aux éditions Norde, il compte parmi :les 101 romans cultes, sélectionnés par les libraires de Virgin (2009) les 100 chef d’œuvres incontournables de l’imaginaire, édités chez Librio les 50 incontournables de la SF du guide Fnac les 20 chefs d’œuvres de la fantasy de la bibliothèque idéale de l’imaginaire (Cafard cosmique). 

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  • Date de parution 04/02/2021
  • Nombre de pages 736
  • Poids de l’article 374 gr
  • ISBN-13 9782072927515
  • Editeur FOLIO
  • Format 178 x 108 mm
  • Edition Livre de poche

l’avis des lecteurs

Cette année, je m’étais lancé un challenge personnel : 12 mois, 12 auteurices à découvrir. Et pas des petits bouquins. J’ai commencé avec le gentil Au carrefour des étoiles de Simak, et je poursuis avec La horde du contrevent d’Alain Damasio. J’avais partagé il y a une quinzaine de jours les premières lignes de ce roman-monstre. Je ne pouvais pas mourir sans avoir mis mon nez dans ce bouquin. Je suis allée au bout, non sans mal je dois l’avouer, oscillant entre émerveillement, fort agacement et ennui profond. Voilà, je l’ai lu, je peux mourir tranquille désormais. Mais avant, je vais vous en parler un peu. On n’a pas dit grand-chose sur ce roman, c’est vrai.

4e de couverture

Imaginez une Terre poncée, avec en son centre une bande de cinq mille kilomètres de large et sur ses franges un miroir de glace à peine rayable, inhabité. Imaginez qu’un vent féroce en rince la surface. Que les villages qui s’y sont accrochés, avec leurs maisons en goutte d’eau, les chars à voile qui la strient, les airpailleurs debout en plein flot, tous résistent. Imaginez qu’en Extrême-Aval ait été formé un bloc d’élite d’une vingtaine d’enfants aptes à remonter au cran, rafale en gueules, leur vie durant, le vent jusqu’à sa source, à ce jour jamais atteinte : l’Extrême-Amont.

Mon nom est Sov Strochnis, scribe. Mon nom est Caracole le troubadour et Oroshi Melicerte, aéromaître. Je m’appelle aussi Golgoth, traceur de la Horde, Arval l’éclaireur et parfois même Larco lorsque je braconne l’azur à la cage volante. Ensemble, nous formons la Horde du Contrevent. Il en a existé trente-trois en huit siècles, toutes infructueuses. Je vous parle au nom de la trente-quatrième : sans doute l’ultime.

Ca, c’est de l’écriture

C’est vrai, c’est top…

Il n’y a pas à dire, et on ne va pas ergoter : c’est superbement bien écrit. L’auteur manie la langue française, ses argots, ses registres, son vocabulaire étendu… avec brio. Il nous offre, avec ses plus de vingt personnages, des pages d’anthologie. J’ai notamment en tête Golgoth, au langage aussi brutal que le bonhomme, et Caracole, le troubadour, qui nous livre des monologues farfelus, maîtrisés, remarquables. Et puis les pages relatives au vent, avec ces champs lexicaux maîtrisés à la perfection… Il y a un travail énorme sur le style, c’est indéniable, et c’est quelque chose à lire. L’auteur parvient à faire de la poésie à certains moments, dans cet univers pourtant qui en est totalement dépourvu.

Chose anecdotique mais que j’ai trouvée assez géniale : la numérotation inversée des pages. Ainsi, vous savez ce qu’il vous reste à parcourir, avant d’atteindre votre destination…

Mais quand même, il y a des cailloux dans la chaussure

Malgré tout, ce n’est pas sans risques. Déjà, il faut rentrer dedans. L’alternance des points de vue précédés d’un signe désignant chaque personnage n’est pas facile à appréhender. J’ai beaucoup aimé cette structuration, qui dynamise le récit, fait rebondir les paroles des personnages comme dans un dialogue, mais s’y repérer n’est pas chose aisée. Ni de savoir qui parle, à qui, et à propos de quoi. Clairement, La horde du contrevent demande un investissement important de la part du lectorat. A ne pas lire pour se détendre un vendredi soir.

D’autre part, j’ai aussi eu le sentiment que l’auteur se regardait écrire. Ou s’écoutait parler, si vous préférez. Il en fait parfois vraiment des caisses, et l’orgueil suinte à travers certaines pages. Cela se ressent notamment dans les redites. Par exemple, les jeux verbaux de Caracole : c’est top une fois, la seconde moins, la 3e fois ça sent le réchauffé, même si c’est brillant stylistiquement – je pense notamment à la séquence des contrepèteries et des jeux linguistiques. Et en plus, ça n’a pas toujours de l’intérêt dans l’histoire, donc c’est vraiment là pour faire beau et montrer que l’auteur maîtrise. Je suis assez peu friande de ces vantardises.

Enfin, et c’est franchement regrettable, j’ai lu la version folio SF de 2014, dans laquelle demeurent pas mal de fautes de grammaire. Pour un texte de 2004, on aurait pu espérer un texte corrigé correctement, évitant des fautes d’accord majeures. Alors oui, on s’en fout, dans le fond, mais pour un auteur qui donne beaucoup d’importance à la langue, je trouve vraiment dommage que derrière, les corrections n’aient pas suivi. C’est comme un pâtissier étoilé qui vous fait un gâteau délicieux, mais pas de bol, il y a un cheveu dans votre part. Ca arrive, mais ce n’est pas génial.

C’est long, mais que c’est long

C’est long, c’est long, c’est long

Je suis allée au bout, parce que je ne voulais pas mourir bête. Je peux dire maintenant, j’ai lu Damasio. Enfin, j’ai lu La horde du contrevent, plutôt. Parce que je n’en lirai pas d’autre, de livre de l’auteur. Même si j’ai trouvé ce texte brillant. Pourquoi donc ?

Parce que certes, c’est brillant, mais que c’est chiant, bordel. Je vais golgothiser un peu : je me suis fait chier à contrer ce putain de vent pendant plus de 700 pages, pour je sais pas trop quoi à la fin, dans le fond. Et arrivée à la fin, je me suis dit que j’avais été bien conne de tenir bon, parce que tout ça pour ça, ben la vache, ça valait franchement pas la peine de se casser autant le cul. Alors si, ça valait la peine quand même, et j’en parlerai plus bas. Mais en attendant, je suis venue, j’ai vu, j’ai vaincu, mais alors dans quel état.

Oui, c’est long. Trop, selon moi. Vous me direz, au moins le lectorat vit ce que vivent ces hordiers, qui trouvent le temps long, monotone, rude. Tout ça, on le vit, aussi. Sans le vent en pleine figure, certes. Mais je peux vous dire que lire La horde, ce n’est pas une lecture, c’est une contrelecture (et en cela, je suis tout à fait d’accord avec Etemporel à qui je pique le terme). Parce que l’univers est très rude, brutal, plus qu’hostile. Ca peste, ça pue, ça chiale, ça gueule. Ce ne sont pas la beauté des lieux ni la douceur des relations entre les personnages qui vous font tourner les pages, clairement. Aussi parce que comme je l’ai dit plus haut, le style et la structure du bouquin ne sont pas super fluides.

Et puis les longueurs. Des passages à vide, comme les longues étendues parcourues. Des passages vraiment longs, dans lesquels on sent qu’on s’embourbe et qui semblent ne pas avoir de fin (je pense notamment à l’épisode de la flaque en plein milieu). Là encore, c’est génial parce que le lectorat vit, par mimétisme, l’expérience des hordiers. Mais fichtre, à la fin du bouquin, y’en a marre. Et pourtant, il y a des ellipses ! Mais au lieu d’alléger le texte, elle l’alourdissent, puisqu’il faut comprendre où on en est après, et taisent un certain nombre de choses qui permettraient de comprendre un peu mieux.

Une intrigue minimaliste

Parce que l’intrigue, dans le fond, se réduit à peau de chagrin. C’est l’histoire d’une troupe qui avance, avance, avance, pour trouver le point d’origine du vent. Il y a eu 33 hordes précédentes de gusses qui ont fait pareil, nous voilà à la 34e, et ils avancent. Tant bien que mal. On ne sait pas trop ce qu’ils vont faire de cette info une fois arrivés au bout, ni pourquoi ils en chient autant pour ça, mais bon. Disons simplement qu’on a du mal à tenir le rythme et la longueur avec simplement cette idée en main. C’est léger, dirons-nous.

Et puis j’ai trouvé assez frustrant que pas mal de choses aient été laissées en suspens, comme ça. Par exemple, la nature des chrones m’a un peu échappé. J’ai aussi eu du mal à comprendre les liens entre la Horde et les différentes « tribus » rencontrées, pourquoi certains voulaient l’échec de la Horde, etc. J’ai trouvé que plusieurs choses avaient été mises de côté (et à l’heure où j’écris ces lignes, j’ai oublié lesquelles, et non, je n’ai pas pris de notes sur le moment, n’ayant eu qu’une idée fixe en tête : arriver au bout sacré nom). De ce fait, j’ai le souvenir qu’il y avait plusieurs éléments qui donnaient un peu d’épaisseur à l’intrigue mais qui n’ont pas été pleinement exploités. Alors ne me reste que le voyage de la Horde d’ici à là.

Et puis les personnages, fff…

Le groupe vs l’individu

Bon, ben là, on sent qu’on est dans un texte qui est de son temps. Déjà 20 ans. Hé oui, pas vieux, mais bon, c’est encore l’époque des personnages féminins malmenés (ou pas menés du tout).

J’ai aimé pas mal de choses sur le plan des personnages. Première chose : la force du groupe, et le groupe vs l’individu. Chaque personnage est un maillon de cette chaîne, quelle que soit la formation de celle-ci. Chacun a une position physique dans la Horde, et un rôle bien précis. Chaque personnage se distingue par sa personnalité, sa façon de parler, de penser et d’affronter le vent, mais ensemble ils ne forment qu’un tout. Ils s’effacent au profit du groupe. Il y a un souffle épique vraiment superbe ici.

J’ai également beaucoup apprécié le côté « et à la fin, il n’en reste plus que… ». Les cadavres pleuvent, dans ce bouquin et le rythme s’accélère rudement après le fameux épisode flaquesque. L’étau se resserre, et forcément, le groupe perd sa force, son maintien. Voir comment il titube, tente de se remettre debout, doute, se déchire… m’a beaucoup plu. Néanmoins, je dois dire que certains disparaissent avant même qu’on n’ait vraiment su ce qu’ils faisaient ou à quoi ils servaient. De la même façon, je n’ai pas toujours bien compris comment mouraient d’autres. Il y a un personnage pour lequel je n’ai même pas saisi qu’il mourait : c’est parce qu’un autre mentionne sa mort plusieurs pages plus loin que j’ai compris. Enfin, pris note, plutôt.

Mais des persos féminins catastrophiques

Et donc, les personnages féminins. Dans des rôles bien stéréotypés en effet (la maîtresse, la popote, la doc), évidemment méprisés par leurs collègues masculins (« oui mais l’univers est rude », « oui mais c’est que Golgoth », « oui mais si les autres ne disent rien c’est parce que excuse bidon » –> ta gueule avec tes oui, mais). Alors évidemment les gifles et les insultes pleuvent, évidemment les descriptions physiques s’en donnent à cœur joie et évidemment l’auteur n’évite aucune remarque moralisatrice sur la manière dont ses personnages féminins utilisent leur corps. Oui, c’est très pénible et j’ai détesté ça.

Métaphysimsque, mysticimsque, bidule-chouette-imsque

Un bouquin métaphysique/mystique/tructique

Venons-en au sens profond du bouquin. Parce qu’il en faut un. Alors, hé bien, heu. Ben j’en sais rien, écoutez. Vous m’en posez de ces questions. J’avais pensé broder un truc qui paraisse intelligent, parce que j’ai été formée à ça : « ne jamais dire je ne sais pas et toujours trouver quoi dire ». Mais franchement, je n’ai plus la force à ça et puis c’est ridicule.

Vous trouverez plein de chroniques de gens qui ont tout compris au message métaphysique-mystique trucmuche, et tant mieux. Ils vous parleront d’Ainsi parlait Zarathoustra, que je n’ai pas lu, de la pensée de Gilles Deleuze (dont je me tiens courageusement très écartée). J’avoue que la conception du Vif m’a un peu perdue, beaucoup trop nébuleuse pour moi. Peut-être suis-je trop cartésienne pour avoir saisi le 10e de ce que l’auteur avait en tête. Pour moi, c’était un brouillard total.

Vanité, tout est vanité

Alors, qu’en ai-je compris ? Peut-être suis-je passée complètement à côté du bouquin, allez-vous me dire. Peut-être, mais je ne crois pas; je pense que chacun peut y trouver un sens, un message, qui lui parle.

Moi j’ai vraiment pris conscience de la grandeur du livre à la fin (très abrupte et très frustrante). Après un « tout ça pour ça ? » j’ai réalisé que j’étais comme les personnages. J’ai regardé en arrière, vu le chemin parcouru, et constaté la vanité de tout ceci, le mensonge et l’inutilité, dans le fond, de l’entreprise. « Vanitas vanitatum, et omnia vanitas : vanité, tout est vanité et poursuite de vent ». Le sentiment énorme de vide comparé à l’immensité du sacrifice réalisé a généré chez moi un écart énorme qui m’a tiraillée. Et là je me suis dit : « quand même, quel génie, de nous avoir amenés, les personnages et les lecteurices, à ce point-là ». J’ai adoré la fin de certains personnages et le rôle du scribe qui se révèle alors pleinement, garant du verbe et de la mémoire.

Alors certes, c’est peut-être une infime compréhension de tout ce que peut représenter La horde du contrevent, mais ça m’a suffi pour me marquer et comprendre que oui, j’avais lu un bouquin remarquable sur bien des plans, malgré la quantité de poussière que j’ai bouffée. Mais non, je ne le relirai pas, merci bien.

Alors voilà, j’ai lu La horde du contrevent. Youpi tralala. Et maintenant ? Maintenant, eh bien écoutez, je suis vraiment contente de l’avoir lu, c’était une sacrée expérience de lecture que je n’oublierai pas, mais j’ai conscience d’être passée à côté de pas mal de choses. Alors OK j’ai lu un classique, c’est cool, mais je préfère autant avoir du plaisir pendant ma lecture. Or, malgré tout le génie que représente cette œuvre, je n’en ai pas ressenti une once. A l’heure où je m’émerveille dans la série Dune, ce vide émotionnel pendant la Horde est d’autant plus criant. Alors œuvre géniale peut-être, mais ça ne m’a pas suffi.

Ce roman est resté longtemps dans ma PAL car il me faisait un peu peur pour plusieurs raisons: les avis assez tranchés, le fait qu’il faille s’accrocher au début et que c’est une lecture assez difficile. Tout cela est vrai, c’est vraiment un roman hors norme, mélange de plusieurs genres, une expérience de lecture à part, un roman que je suis contente d’avoir lu, que j’ai beaucoup aimé mais qui ne fut pas un coup de cœur non plus.

Le roman a été publié en 2004 aux éditions La Volte et il a remporté un grand succès autant au niveau des ventes que des critiques. Il a d’ailleurs remporté le Grand prix de l’imaginaire en 2006. Le roman a plusieurs particularités: La première est que la numération des pages est faite dans un ordre inversé (ce qui est pratique pour savoir combien de pages il reste à lire) mais cela a une raison que l’on comprend à la fin. L’autre caractéristique du roman est d’être raconté par plusieurs personnages qui sont symbolisés par des symboles en début de paragraphe, ce qui permet de savoir qui parle. Chaque personnage ayant un langage particulier, un point de vue propre et l’auteur adaptant son style en fonction de cela. Au début du roman, la correspondance entre les symboles et les personnages est indiquée mais un marque page avec les mêmes indications est aussi fourni avec le livre, et c’est bien utile (surtout au début). Ce système de narration rend la lecture du roman un peu difficile au début car les changements de narrateur sont très fréquents mais en même temps, il donne beaucoup de dynamisme au récit et permet de beaucoup mieux connaitre les différents personnages.

Le roman raconte l’histoire de la trente-quatrième horde du contrevent formée de 23 personnes qui ont entre vingt-sept et quarante-trois ans. Ils se connaissent depuis l’enfance et sillonnent leur monde depuis de nombreuses années. Leur but est d’atteindre l’extrême amont et de connaitre les neuf formes de vent. Depuis leur enfance, ils ont été formés chacun à une spécialité différente dans l’unique but de former cette horde et d’essayer de réussir là où les 33 hordes principales ont échoué depuis huit siècles. Tous les espoirs reposent sur cette horde qu’on dit être la meilleure. Ils sont partis d’Aberlaas, cité de l’Extrême-Aval où ils ont eu leur formation à la Horde. Tous leurs trajets se font à pied car cela est nécessaire pour connaitre les formes du vent.

Au début du roman, la horde a quitté Aberlaas depuis 28 ans et forme donc un tout, ils sont solidaires et se connaissent tous très bien. Chacun a un rôle bien défini qui va d’éclaireur à soigneuse en passant par géomaître. Tous les personnages ont développé des liens intenses. Certains se sont joints à la Horde en cours de route. Tous sont différents, ont une personnalité propre mais forment pourtant une entité très unie. Cet assemblage paradoxal est très bien rendu dans le récit notamment grâce à la narration à plusieurs voix. Cependant certains personnages ressortent plus que les autres: le traceur Golgoth, le 9ème du nom, Caracole, le mystérieux et étrange troubadour, Oroshi  aéromaîtresse qui connait le vent et les membres de la Horde mieux que quiconque, Pietro Della Rocca, prince au noble caractère, Sov le scribe, personnage le plus émouvant et attachant. Ces personnages sont un des gros points forts de ce roman, ils sont hors normes, tout en restant très humains et font preuve d’un grand courage. La question du dépassement de soi est au centre de beaucoup de moments forts du récit. Jusqu’où les membres de la Horde sont ils prêts à aller pour atteindre leur but? Connaitre l’origine du vent est il plus important que leur propre vie? Toute cette thématique est très bien abordée et on a presque l’impression de lire un récit de voyage en conditions extrêmes par moments.

Il faut dire que les aventures vécues par la Horde se font dans des circonstances très difficiles mais dans un monde rempli de paysages défiants l’imagination. Ils avancent à contre-courant dans des paysages balayés par les vents, traversant des plaines, des pics gelés, des étendues d’eau, des marais. Ces paysages ont quelque chose de captivant et de mystérieux. Les passages dans le massif de Norska sont d’ailleurs à couper le souffle. Le voyage de la Horde est tout bonnement prodigieux, magnifique et presque impossible.

Une des autres particularités de ce roman est qu’il est très dur à classer dans un genre. La construction de l’univers sur une planète le ferait entrer dans le planet-opera, mais en y regardant de plus près la technologie, le récit font penser à de la fantasy. Des passages font penser à des récits d’aventures. Le tout donne un ensemble extrêmement bien construit, pensé et rendu, un peu comme la Horde elle-même formée d’éléments très hétéroclites mais donnant un tout homogène.

Certains passages du roman sont très intenses et on a vraiment du mal à lâcher le roman. Les passages dans le massif de Norska, ceux dans la cité d’Alticcio, mais aussi le duel littéraire entre Caracole et Sélème, tout simplement génial montrant une maîtrise de la langue française exceptionnelle qu’on suit avec délectation. L’écriture d’Alain Damasio est d’ailleurs à souligner, quel travail ce roman a dû être, faire parler 23 personnes et construire un vrai récit clair et vivant, j’ai du mal à imaginer la somme de travail mais y ajouter en plus des jeux sur la langue alliés à une écriture très belle et vivante, c’est vraiment somptueux.

Le vocabulaire employé est très riche et certains termes caractéristiques à l’univers ne sont pas expliqués. J’ai trouvé cela dommage car cela a gêné mon immersion dans l’univers. Certains passages à la fin du roman notamment sont difficiles à lire et à comprendre et ont fait que le roman n’a pas été un véritable coup de cœur alors que d’autres passages auparavant m’ont vraiment accrochée et marquée.

La Horde du contrevent est donc un roman vraiment particulier pour plusieurs raisons: la narration, l’univers, le mélange des genres, ses personnages. Le tout est vraiment complexe et brillant. La richesse de l’univers, des trouvailles littéraires, des personnages et de l’aventure en font une grande réussite remplie de passages vraiment extraordinaires.


Alain, m’sieur Damasio,

Tu m’accorderas l’audace du tutoiement ; promis, ça ne se veut pas un manque de respect. Ce sera juste plus simple pour moi, j’ai toujours trouvé le vouvoiement aussi guindé qu’hypocrite et de toute façon tu ne me liras probablement pas. Cette chronique, qui s’annonce déjà sous une forme différente de d’habitude, parce qu’elle est spéciale, elle existe avant tout pour moi et pour les quelques personnes qui je sais pourront s’y retrouver, au moins un peu. Elle devait être spéciale, avec les italiques et le ton idoine, parce que ton roman, dans mon parcours, c’est exactement ce qu’il est, comme pour, je le sais, plein d’autres gens. Pour nous, y a un avant et un après La Horde du Contrevent. C’est un roman dont on est très nombreux·ses à tenir le souvenir contre nos cœurs depuis des années, en chérissant les émotions que tu nous a procurées, ce sentiment singulier de lire quelque chose de littéralement et littérairement unique, cette impression d’avoir découvert quelque chose à part. D’avoir compris d’un coup d’un seul de ce dont l’Imaginaire avec un grand I était capable.

Je devais avoir quoi, 16, 17 ans. Rends-toi compte, j’en ai maintenant 31, et je me souviens encore comment j’ai croisé ton nom et ton oeuvre pour la première fois, et je suis peut-être même pas le seul dans ce cas-là. C’était au détour d’une quote sur BashFr, devenu DansTonChat, depuis. Comme le temps file, c’est terrible. Mais voilà, j’étais déjà curieux, à l’époque, affamé de tenter des choses nouvelles, aiguillonné par les passions fiévreuses et contagieuses. Il m’avait alors suffi de quelques recherches pour tomber sur le phénomène que tu semblais constituer à l’époque, d’autant plus titanesque que mes perspectives de jeune lecteur, à peine un pied dans le pédiluve de la piscine de l’Imaginaire, te rendaient encore plus gargantuesque que ce que tu étais. Je n’ai pu vraiment juger qu’en allant pour la première fois aux Utopiales, mon premier festival, juste pour toi. Je me souviens encore de la longue queue qui t’attendait pour les dédicaces, d’autant plus longue que tu étais arrivé avec un quart d’heure de retard, tout distrait dans une conversation à la buvette, nous avait-on dit.

À l’époque, j’avais pris ça comme une extraordinaire marque de simplicité pour un auteur que je pensais déjà être un monstre sacré, dont l’œuvre que je ne voyais que comme un chef d’œuvre absolu dès lors indépassable allait marquer la littérature à jamais. Quand on est ado, on a tendance à vivre les choses un peu trop à fond. Je manquais évidemment de recul et de sagesse. Ça ne veut pas dire que je regrette d’avoir pensé ça, ou que c’était une erreur de ma part. Ton roman, je l’ai relu quoi, trois ou quatre fois, en l’espace de quelques années, avec toujours le même émerveillement. Mais plus depuis 8 ans au moins. Je dis juste qu’on grandit, qu’on évolue, qu’on change, tout bêtement, nos goûts et nos opinions avec, surtout dans un tel laps de temps, et dans une période aussi agitée, tendue, que celle qu’on vit.

Et il me semble précisément que t’as pas mal changé, ces dernières années. Ou du moins que la perception publique qu’on pouvait avoir de toi a changée, a minima. Clairement, tu m’as déçu ; c’est pas plus compliqué que ça. Depuis la sortie des Furtifs et ta (sur)médiatisation nouvelle, je t’ai vu progressivement dériver vers des positions qui ne m’ont pas plu, tenir des propos qui m’agressaient, personnellement, avec une attitude qui me paraissait tant jurer avec ce que j’avais retiré de ton roman phare qu’elle me faisait douter de mes souvenirs. En ajoutant à cela les retours très mitigés sur ton dernier ouvrage, j’ai progressivement perdu la conviction qu’on était tant fait pour nous entendre que ça ; je n’ai jamais osé lire Les Furtifs, je n’oserai sans doute jamais. Et puis je repoussais, sans cesse, encore et encore, ma promesse faite à moi-même, de relire La Horde du Contrevent, pour enfin pouvoir répondre à ces questions qui me taraudaient, moi et tant d’autres avec qui je partageais une forme singulière d’angoisse.

Ce roman avait-il mérité mon enthousiasme, à l’époque, le méritait-il encore ? N’était-il qu’un coup de chance ou de talent extraordinaire, ou est-ce que j’avais été aveuglé par ta légendaire faconde, ton style si singulier ? Il y a 18 ans, étais-tu le même qu’aujourd’hui, seulement sous des déguisements de fantasy, ou un autre que je n’avais seulement su voir ?

Vastes et complexes questions, évidemment. Frustrantes, surtout, avec un souvenir trop vague de ton travail malgré le sentiment de tant te devoir, à l’aune de mon parcours. Sans toi, je n’en serais pas là, c’est certain. Alors je t’ai relu, une bonne fois pour toutes. Il le fallait bien ; parce que je ne pouvais plus vraiment supporter de ne pas être sûr, de ne faire vivre mon émotion et les dialogues autour de ton travail que sur les fondations d’évocations à moitié effacées par le temps. Et puis comme ça, c’était fait, aussi. Parce que bon, ça fait quand même quelques paires d’années que tu constitues un mètre étalon singulier ; c’est pas que c’est essentiel de pouvoir se situer vis-à-vis de toi, mais c’est sacrément utile.

Allez, j’arrête d’ergoter. Mais je pense que le contexte était vital pour que mon ressenti nouveau prenne tout son sens, tu me pardonneras, j’espère, d’avoir un peu pris mon temps.

J’avais anticipé cette lecture comme une épreuve, pour être honnête. À force de discussions contradictoires et passionnées depuis toutes ces années qui me séparaient de mes souvenirs, j’avais très peur de retrouver dans ton roman tous les défauts que je pensais t’être injustement reprochés, ou pire, des nouveaux dont je n’avais jamais eu conscience. Le fait est que ta manière d’être publique, je le savais, tout comme tes idées et tes valeurs, allaient forcément jeter une nouvelle lumière sur un récit que je ne pouvais plus lire avec les mêmes yeux qu’autrefois ; ce que je ne voulais surtout pas, d’ailleurs. Les œuvres, à l’instar du temps, passent. La Horde du Contrevent risquait de devenir à mes yeux le témoin d’une époque révolue, je le savais, ne fut-ce qu’au titre de ma propre sensibilité ; il n’était pas question de grand chose d’autre, d’ailleurs. Le miracle aurait été qu’il reste la même perle de perfection qu’à cette période bénie où je n’avais pas encore complètement perdu ma capacité d’émerveillement, et une certaine forme de naïveté.

Mais évidemment, le temps a passé. Je crois que je le savais au plus profond de moi, d’où cette peur insidieuse et ce recul permanent jusqu’à la décision finale, teintée de renoncement. Je savais que j’avais bien trop lu, trop vu, trop su, pour pouvoir convoquer à ma place l’adolescent d’alors et ressentir encore le même délice qu’alors. J’espérais simplement, je crois, pouvoir recapturer l’unicité de ton grand œuvre, au moins un peu. Saluer l’excellence, en concédant seulement quelques scories invisibles à mes yeux plus jeunes. J’en serais sorti aussi soulagé que content. J’aurais été satisfait.

Mais le constat est malheureusement plus amer. Douloureux, même, parce qu’il tient à rien.

Ce dont je me suis rendu compte, en fait, Alain, c’est que tu ne m’impressionnes plus.

Je me souviens que ce qui tranchait le plus, avec toi, dans ton lectorat, c’était ton usage si singulier, si virevoltant du style. J’avais adoré ça, mes premières fois. J’étais fou de Caracole – ah cette joute à Alticcio ! – comme j’étais impressionné par le jargonnage de Golgoth ou l’élégance ouatée de Sov ; évidemment que j’ai été marqué par cet usage si particulier des signes dans la multiplicité des points de vue. Pour dire, je me rappelais encore de la moitié des personnages juste grâce à leurs symboles, et je n’ai quasiment pas eu à me servir du fameux marque-page pour parvenir à suivre tout le long de ma relecture : les différents styles et les éléments de contexte ont suffi à me remettre ce qu’il fallait là où il le fallait.

Et donc, oui, ce fameux style. Au rang des choses qui ont changé c’est bien ma perception de ce dernier qui fait que j’ai beaucoup moins profité qu’à l’époque de tes audaces, qu’elles fussent orthographiques, syntaxiques ou poético-philosophiques. Le reproche que je fais le plus souvent au style, c’est de n’être qu’un écran de fumée projeté au dessus de la vacuité des idées. À cet égard, je dois bien dire que tu es globalement exempt de reproche à mes yeux. On aime ou on aime pas ton déploiement de jargons, de néologismes et de fractures langagières, il serait à mon goût malhonnête de leur imputer une quelconque prétention ou la moindre arrogance. À cet époque en tout cas, je n’ai pas le sentiment que tu en faisais des caisses pour le principe : ce bombardement incessant, cette frénésie, elle a du sens, dans ce texte. Il ne s’agissait pas de faire rimer ou exploser les conventions parce que c’était ce qu’on attendait de toi ou une manière de te démarquer : c’était sincère, avant tout. C’est sans doute ça qui m’avait tant séduit, ébloui. Ton travail ne ressemblait à aucun autre, parce que c’était toi. Juste toi, flamboyant de liberté et d’idées que je n’avais jamais croisées nulle part ailleurs, mises en œuvre comme jamais auparavant. Et je ne dis pas que tu as perdu de ta sincérité depuis, au fond. Mais tu as clairement perdu en spontanéité. La Horde du Contrevent, elle respire. Elle ne fait pas du Caracole ou du Golgoth en permanence, elle sait prendre son temps ou des pauses.

Alors oui, maintenant, forcément, j’ai remarqué que tu en faisais trop, voire beaucoup trop, à l’occasion. J’ai remarqué aussi, de fait, que parfois, tu te dépassais toi-même, et que tu devais faire des pirouettes pour éviter de tomber dans des pièges que tu t’étais toi-même tendus. Alors c’est pas grave en soi, évidemment, et c’est à mettre sur le compte de mon enthousiasme aveugle d’alors si je n’y étais pas préparé ; mais force est de reconnaître que par moment, du coup, ton roman n’est pas si ciselé que ça. Je crois sincèrement que tout à ma fièvre de l’époque, j’avais complètement zappé ce que je ne peux pas appeler autre chose que des trous d’air. Avec un peu d’ironie, je l’admets.

Mais en fait, quand on te connait un peu et qu’on sait que tu te considère plus comme un philosophe écrivant de l’Imaginaire que l’inverse, on voit mieux à quel point, déjà, à l’époque, ton univers de fantasy n’était qu’un vaisseau pour ta philosophie. Je ne jugerais pas de cette dernière et de sa pertinence intrinsèque ; je n’ai pas grand chose d’un philosophe moi-même et mon propos ne concerne que ton roman. Mais forcément, tous les passages où tu déploies longuement ton discours conceptuel au travers de tes personnages, sans réelle incidence directe sur le récit… Bah c’est chiant. (En plus de parfois fleurer les relents de développement personnel new age, mais c’est encore autre chose). Je dis pas que c’est pas intéressant, en soi, d’autant qu’il y a quand même des liens avec certains des concepts les plus captivants de ton univers ; mais bordel que c’est mal dosé. Des palettes entières d’exposition constituant parfois des chapitres entiers où on doit lire des logorrhées interminables sans jamais savoir si elles auront la moindre importance par la suite ; j’en suis parfois venu à me demander si tu n’es pas simplement plus intéressé par tes concepts que par ton histoire ou les personnages qui l’habitent.

Pas que tu n’aies pas soigné ton univers ou ton casting. Ça non. Ton monde a du souffle à revendre, il est vif (*wink wink*). Pour être complètement honnête, malgré la nécessité ponctuelle de t’accorder quelques jokers – géographiques, topologiques et culturels notamment – pour parvenir à garder mon incrédulité suspendue, j’ai été agréablement surpris par pas mal de détails que j’avais complètement oubliés ou ratés, plein de ces petites choses qui récompensent le lectorat attentif et donnent discrètement des éléments de l’intrigue ou aident à mieux comprendre les règles qui régissent le monde qu’habite la Horde et influent sur son processus de décision. C’était certes moins subtil que ce que j’avais cru les premières fois, puisque mon côté analytique est devenu bien plus fort et exigeant que ma capacité d’émerveillement, mais ça reste globalement assez solide. Pour ce qui est du casting, on sent l’effort, tant dans les personnalités que les motivations de chacun ; et moi qui avait été échaudé par les lectures d’autres personnes que moi n’y voyant qu’une distribution archétypale de slasher, j’ai été très vite rassuré. Tout ce beau monde est organique, avec de belles complexités et des profondeurs toujours aussi touchantes. Pour être, non sans ironie, rappelé à une autre réalité, une autre lecture à laquelle j’aurais préféré ne pas croire ou être exposé de telle manière.

Parce que même à ton corps défendant, Alain, ton bouquin est terriblement sexiste.

Pas étonnant que je ne m’en sois pas rendu compte dans ma jeunesse, dans ma regrettable candeur d’alors, sans parler de mon tourbillon d’hormones, nourrissant une faim de fantasmes servie par tes obsessions. Mais impossible de passer outre ce que le monde d’aujourd’hui m’a appris. Si je veux bien te concéder que tu as essayé de faire de tes personnages féminins de réelles personnages avec le même soin que les personnages masculins, je ne peux pas te dire que tu as pleinement réussi, ça non. Passant outre le volume de texte que je devine très favorable à Sov (ce qui est somme toute logique) et Golgoth, elles ont des personnalités, d’accord. Callirhoé n’est pas Aoi, qui n’est pas Alme ni Oroshi ou encore Coriolis. Ces femmes ont, à l’échelle du roman, des motivations et des façons de les exprimer relativement différentes, certes. Mais seulement lorsqu’elles sont seules et qu’elles n’ont aucune sorte de rapport avec un homme.

Parce que dès lors que tes personnages féminins sont considérées par un de tes personnages masculins ou seulement côtoyées, elles rentrent d’office dans une case : frigide, salope, ou maternelle. C’est terrible. Il est possible que ma propre perception de l’obsession sexuelle dans la littérature francophone distorde quelque peu ma relecture de ton travail, mais honnêtement, j’en doute. Peu importe le contexte ou le personnage qui s’exprime, dès lors qu’il s’agit de parler d’une femme, tes hommes parlent de sexe, atteignant parfois de tristes sommets de vulgarité, malgré toutes les formules de style que tu peux employer pour eux. Peu importe de qui on parle, il semble essentiel qu’on sache si une femme est jolie ou non, qui elle se tape ou à quelle fréquence, voire même de quelle manière. Non seulement, ça m’énerve en soi parce que ça ne m’intéresse pas plus que ça ne me concerne, mais surtout je ne comprends pas pourquoi tu te sens obligé de le faire dire à chaque fois, y compris dans les pires contextes.

Tu pourras dire qu’un personnage comme Oroshi est la preuve que tu considères les femmes comme des égales des hommes, et je pourrais croire à ta sincérité, puisque tu lui confies tous les secrets du vent et une capacité d’aéromaîtresse inégalée. Mais même elle, tu ne la fais réellement s’accomplir qu’au travers de sa grossesse finale, à ses yeux comme à ceux du récit, en dépit de toutes les significations supplémentaires que tu essaies d’y inscrire. Tes femmes n’existent réellement que pour être des intérêts sexuels ou amoureux – sans dissociation possible – au service de tes hommes, elles ne sont pas réellement des femmes tant qu’elles ne sont pas des mères, ruinant de fait tous tes efforts de caractérisation ; versant dans un essentialisme aussi daté que contre-productif.

Parce qu’il y a de la matière, dans ce bouquin ; il y en a même plein. Mais pour toutes les valeurs que j’avais pu en retirer dans ma jeunesse, avec le luxe de l’ignorance, les choses ont changé. D’avoir quelque peu appris à te connaître, même si ce fut de façon indirecte, ç’a énormément changé mes perspectives sur ton travail et ce qu’il signifie, en tout cas à mes yeux. Et ce qui m’a frappé, c’est à quel point le sous-texte de La Horde du Contrevent, désormais, dans sa foisonnance, me parait brouillon, tendant presque au contradictoire. Ta Horde est un symbole de solidarité et d’abnégation face à l’adversité, ça je ne pourrais jamais te le retirer. Même le Golgoth, dans son jusqu’au-boutisme forcené et ses mauvaises manières, dans ce qu’il représente d’une hérédité malade, il a su me toucher et me faire encore réfléchir, malgré ses écarts langagiers et sa brutalité égoïste. Parce qu’on en revient, finalement, à cette sincérité que j’évoquais auparavant.

Ton roman a beau être très travaillé, multiplier les voltes et les acrobaties, il ne peut absolument pas cacher ce que tu penses ni qui tu es. Je ne saurais dire si tu te vois plus Golgoth ou Sov, Pietro, pourquoi pas, même. Mais en relisant ce roman avec plus de 15 ans d’écart et l’éclairage de toutes tes sorties, je me rends compte que tout y était plus ou moins déjà. Ce désir de révolte, de renversement d’un ordre établi injuste, mais quand même dans le cadre d’une tradition. Ça sonne cruel à mes oreilles, mais ton goût de la révolution me semble réactionnaire, désormais, en parcourant les mots de ta Horde. Ils se savent finis, trahis, mais plus que tout, veulent continuer, avancer coûte que coûte, prouver que leur méthode était la bonne, sans vouloir passer la main à ce qui vient. Pendant longtemps, sans tous les éléments, j’ai cru que ton roman était un plaidoyer enragé pour une révolution. Il n’est finalement rien d’autre qu’un renoncement. Le constat amer qu’une ère s’achève et que tu aurais voulu qu’elle ne s’arrête jamais vraiment. Alors tu te rassures avec des mantras un peu creux mais qui sonnent bien, tu injectes de l’esthétique dans le chaos d’un monde qui t’échappe chaque jour un peu plus. L’illusion ne dure pas longtemps, mais tant qu’elle dure, elle fait du bien, elle rassure, à l’image de ta conclusion, je crois.

Je sais qu’elle a pas mal fâché, d’ailleurs, et qu’elle fâche toujours, cette fin. Ce que je peux comprendre, honnêtement. Parce que si ton roman a su me convaincre plus qu’aucun autre que la destination compte moins que le trajet – ce que je crois toujours dans une certaine mesure – je peux aussi tout à fait appréhender l’idée selon laquelle une conclusion aussi abrupte, bassement logique, et somme toute prévisible, contredit quelque peu la flamboyance et l’ambition du reste du récit. Je n’en parle d’ailleurs que parce que je sais que l’avis de pas mal de monde sur ton travail s’arrête souvent à cet obstacle plutôt qu’à d’autres. Moi je l’aime bien, d’autant plus maintenant qu’elle appuie mon analyse du reste de ton travail dans ce texte.

Il ne s’agissait pas tant de raconter une grande aventure avec des personnages mémorables, même si, encore une fois, tu as soigné au mieux tous les aspects de ton histoire ; il s’agissait d’abord et avant tout de trouver le support idéal à tes idées. je me répète un peu mais c’est pour appuyer encore un peu plus mon propos à cet égard : j’ai été marqué par cette interview de toi où tu expliques que tu n’es pas un écrivain d’Imaginaire, et que tu n’en lis que peu, préférant la philosophie, les concepts et l’usage novateur de la syntaxe. Ce roman n’est rien d’autre qu’une preuve de cela, dès qu’on le sait. Et c’est sans doute pourquoi tu as su séduire tant de gens, moi compris, avec ma très faible connaissance des littératures de l’Imaginaire, et pourquoi aujourd’hui tu ne m’impressionnes plus autant qu’alors.

J’ai lu mieux, tout simplement. Alors pas absolument mieux, je récuse toujours autant l’idée d’absolu, surtout en littérature, et encore plus en Imaginaire. Mais le fait est que mes goûts ont évidemment évolué, et surtout que dans le cadre d’un récit de fantasy, depuis 18 ans, j’ai lu bon nombre de romans qui à mes yeux faisaient tout ce que tu as fait dans La Horde du Contrevent d’une manière qui me satisfaisait plus, y compris en dehors du cadre de la fantasy, que tu récuses en soi de toute manière, j’en suis sûr. Séparément, peut-être, oui. Sûrement, d’ailleurs. Mais il n’empêche que si on devait parler d’une dynamique de groupe dans l’adversité, j’ai préféré les Chevauche-brumes ou La Dernière Geste. Si on parle de philosophie intriquée à l’Imaginaire, je préfère Terra Ignota. Si on parle d’un autre monde ou de réflexions profondes, je trouverais plus mon compte dans Les Dieux Sauvages, chez Sénéchal ou les Rhéteurs, sans aucun doute.

Tu m’as pris par surprise, Alain. C’est tout. Dans mon filtre de perception, tu as pris un coup de vieux monumental. Ce qui n’est pas pour dire que ton travail sur la langue ne demeure pas unique et propre à ta production ou que quiconque en jouissant encore aujourd’hui aurait tort, non. Ce que je veux dire, c’est juste que ce tu proposais à l’époque correspondait à ce dont j’avais besoin pour me rendre compte de ce qu’il était possible de faire dans l’Imaginaire francophone ; que je pouvais ouvrir mes horizons de lecture à bien d’autres choses, que rien n’était immuable. Comme tu as sans doute été ce catalyseur pour d’autres que moi, lecteurices comme auteurices : on ressent encore ton influence chez beaucoup de gens, pour le meilleur ou pour le pire, dans la façon de percevoir les textes comme de les écrire.

Alors voilà. Non, cette relecture n’a pas été une partie de plaisir. Pas mal de choses que j’ai aimées comme au premier jour, beaucoup d’autres que je n’ai pas pu m’empêcher de remarquer avec un rictus de désagréable surprise ou même parfois de dégoût, un bilan mitigé, bien loin de mon tendre et ébloui souvenir initial. Mais le constat implacable, quand même, que ton œuvre ne ressemble toujours à aucune autre, positivement comme négativement, à proportions fluctuantes. Je ne pourrais jamais te confondre avec quelqu’un d’autre, même s’il tentait vainement d’imiter ton style si caractéristique, si facile à caricaturer, y compris par tes propres soins. Mais le fait est qu’en approchant ce roman avec juste un peu de doute prudent plutôt que – comme à l’époque – la conviction profonde de lire ou relire un chef d’œuvre, j’ai aperçu des failles qui alors m’étaient invisibles.

La Horde du Contrevent me donne le sentiment d’être le roman de ta vie, du genre qui définit éternellement son auteur, à la limite de la malédiction, y compris dans l’esprit de cielles qui t’ont lu : je sais que je n’ai pas été le seul à ne pas oser te relire malgré l’envie, par crainte de n’avoir aucun souvenir finalement assez solide. Et effectivement, les miens n’ont pas survécus. Sans que cela ne m’attriste particulièrement, puisque j’avais déjà un peu fait ton deuil, je ne peux pas non plus dire que cela me réjouisse, forcément. C’est comme ça, c’est tout.

Parce que malgré ma morgue résiduelle et ma déception, mon honnêteté me commande de reconnaître toute l’influence que tu as eu sur moi et mon parcours, Alain. C’est bien pour ça que tu m’as tant déçu, par tes sorties, comme tu as sans doute déçu tant d’autres, qui t’ont lu ados, comme moi, ou au moins à des moments importants, durant des périodes déterminantes. Tes audaces ont été formatrices, lumineuses, pour soudainement paraître, si longtemps après, aux mêmes personnes, obscures, méprisantes, violentes. Parce que ce monde a changé, mais toi, à l’instar de ton Golgoth, tu sembles l’avoir simplement refusé. Tu continues de contrer seul, jusqu’à la chute, perdant une part du Pack qui avait souhaité te suivre jusque là. Quelle ironie de me dire aujourd’hui que sans t’avoir mal lu à l’époque, je n’aurais jamais pu bien te lire aujourd’hui. C’est beau quelque part, non ? C’est que je vais choisir de retenir de toute cette drôle d’aventure.

Tu es désormais de ces amis littéraires que je vais laisser derrière moi sans la moindre espèce de regrets, mais en emportant quand même un petit bout de ce qui est né de notre rencontre, pour le souvenir.

Alors merci Alain, et au revoir, pour ne pas dire adieu.


Quatrième de couverture


Une Terre poncée, avec en son centre une bande de cinq mille kilomètres de large et sur ses franges un miroir de glace à peine rayable, inhabité. Un vent féroce en rince la surface. Les villages qui s'y sont accrochés, avec leurs maisons en goutte d'eau, les chars à voile qui la strient, les airpailleurs debout en plein flot, tous résistent. C'est en Extrême-Aval qu'a été formé un bloc d'élite d'une vingtaine d'enfants aptes à remonter au cran, rafale en gueule, leur vie durant, le vent jusqu'à sa source, à ce jour jamais atteinte : l'Extrême-Amont.

Mon avis

D’où vient le Vent ?

Il m’a bien fallu cent cinquante pages pour m’immerger dans ce roman foisonnant et particulier. La narration se fait à plusieurs voix : au début de chaque paragraphe se trouve un symbole, indiquant au lecteur quel membre de la Horde s’exprime, de plus, il le fait en fonction de son sens prioritaire (visuel, kinesthésique etc). Cela donne forcément une approche différente des événements car chacun ne perçoit pas l’importance d’un fait de la même façon en fonction de ce qu’il est. Plus de vingt personnages prennent la parole et racontent. En outre, il est nécessaire de s’habituer au vocabulaire imaginatif de cet univers ainsi qu’au phrasé d’Alain Damasio ; ce sont des aspects du roman qui en rebuteront plus d’un, ce que je peux comprendre.

Ce recueil se démarque totalement des récits de fantasy ou de science-fiction, on adhère ou pas et je pense qu’il est difficile d’avoir un avis mitigé. C’est une lecture exigeante, il ne faut pas se perdre ni perdre le fil de la lutte incessante menée par les protagonistes. Chacun apporte sa pierre à l’édifice et ils ont besoin d’être ensemble pour avancer.

"Moins que d'autres, je ne savais si le but de notre vie avait un sens. Mais je savais, plus que quiconque, qu'elle avait une valeur."

La mission de la Horde : comprendre les neuf formes du Vent, remonter l'univers à pied et atteindre l'Extrême-Amont, où personne n’est jamais allé. Tout a été pensé depuis longtemps, ses membres ont été choisis, formés dans cet ultime but. La quête est ardue, difficile, rien n’est prévisible. Un monde plat, battu par les vents et un seul combat : avancer….

C’est une lecture décoiffante, surprenante, atypique. Je lui ai trouvé quelques longueurs dans certaines descriptions mais je crois que, tout simplement, l’auteur était emporté par son enthousiasme (il a mis quatre ans pour écrire ce bouquin !). Je suis certaine qu’il faudrait que j’en fasse une relecture pour découvrir encore d’autres choses (notamment en ce qui concerne les liens entre les uns et les autres). Peu importe ce qui se passe à la fin, seul le voyage est beau, bercé par les mots d’Alain Damasio. Parce que la richesse de ce périple sans repères dans le temps, est aussi dans la langue que l’auteur magnifie en faisant d’elle un élément primordial, nécessaire, de son histoire, la rendant presqu’humaine tant il lui permet de donner le meilleur. A savoir une poésie de chaque instant qui comme le Vent peut caresser, vibrer, fouetter, vivre……

"Wow !" : voilà grosso modo la première pensée qui m’est venue en refermant "La Horde du Contrevent", suivie de la certitude qu’il s’agirait d’un de mes plus grands coups de cœur de l’année, puis de l’envie de le relire tout de suite…


"La Horde du Contrevent", c’est d’abord un univers. Sans doute inspiré du nôtre, comme le révèle certaines (mais rares) références culturelles, mais constitue-t-il notre passé, notre futur, ou une sorte de dimension parallèle ?... Nous ne le saurons pas et cela n’a d’ailleurs aucune importance. Un univers en tous cas hostile où le vent est non pas roi mais empereur, constitutif d'un environnement dont les paysages façonnés, tordus par son souffle perpétuel, sont réduits à leur dimension à la fois grandiose et dangereuse. Le vent y est un monde à part entière, aux multiples potentialités, avec ses neuf formes dont six seulement ont été identifiées, elles-mêmes subdivisées en thèmes majeurs et mineurs, en déclinaisons et variations subtiles. Peu d’êtres semblent habiter cette terre au souffle dévastateur : quelques escouades de nomades en bateaux volants -les Fréoles-, des "abrités" -habitants des rares villes, si insignifiants qu’ils sont à peine évoqués-, et d’étranges créatures flottantes -les chrones- aux formes et à la dangerosité diverses.



"La Horde du Contrevent", c’est ensuite et surtout un groupe, et la quête dont il est indissociable. Vingt-trois individus à la fois uniques et indivisibles parties d’un tout, formant la trente-cinquième Horde de l'Histoire. A sa tête Golgoth le traceur, neuvième du nom, roc intransigeant, honnissant la faiblesse, porté par la certitude instinctive d’être invulnérable et une foi sidérante en la réussite de leur mission. A ses côtés un prince dont la noblesse, la droiture et la sobriété ne s’arrêtent pas au titre ; un scribe érudit qui rédige le carnet de contre dans lequel il tente de coucher les leçons extraites de leurs expériences du vent à l’attention des hordes futures ; un mystérieux troubadour dont la verve et l’agilité semblent surnaturelles ; un combattant, chargé de protéger la Horde ; une belle aéromaîtresse spécialiste du vent, mais aussi des artisans et des chasseurs, une sourcière et une feuleuse, une soigneuse et un éclaireur…


... Tous unis pour contrer ce vent pour lequel ils éprouvent par ailleurs un infini respect, ennemi qu’ils affrontent en un combat parfois mortel mais qui en même temps les tient debout, les redresse, les construit. Ils ont dès l’enfance suivi un apprentissage impitoyable auquel ne survivent que les meilleurs, sélectionnés et formés en vue d'un objectif : atteindre, au bout de la Terre, l’Extrême-Amont, pour y boire le vent à sa source, et en connaître les trois dernières formes, exploit qui n’a encore jamais été réalisé. Partis pour la plupart d’entre aux trente ans auparavant d’Aberlaas, en Extrême-Aval, sans connaître précisément la distance ni les obstacles qui les séparent de leur but final, sans carte si ce n’est le tracé dont les principaux membres de la Horde ont chacun une portion tatouée sur la colonne vertébrale, ils vouent leur vie à cette seule quête. Le Code de la Horde proscrit l’utilisation de machines, impose un corps-à-corps au vent et à la terre, progresser à pied étant l'unique manière de rencontrer les neuf formes du vent. Ses membres sont soumis à la stricte discipline nécessaire à la survie, qui exige dépassement de la fatigue et de l’abrasion, interdit tout relâchement. Ils forment visiblement la meilleure Horde de tous les temps, puisqu'ils ont trois ans d’avance sur leurs prédécesseurs et que jamais l’espoir de voir atteindre l’Extrême-Amont n'a été aussi fort. Mais les obstacles sont nombreux, parfois inattendus, et aux difficultés quasi inhumaines qu’induit le Contre, s’ajoute le danger que représentent les Poursuiveurs, ennemis de la Horde, agissant pour le compte d’on ne sait qui… Et le plus insurmontable reste à venir, car la quête finale va au-delà de l’atteinte d’un point géographique, d’une découverte physique ou scientifique, pour se faire intime, existentielle…



"La Horde du Contrevent" c’est, enfin, une écriture, presque une langue à part entière, qui tantôt vocifère et tantôt virevolte (ah, les facétieuses acrobaties langagières de Caracole et les véhémentes logorrhées argotiques de Golgoth...), papillonne entre érudition et poésie… où les chants et les salves du vent se transcrivent sous forme de signes de ponctuation, comme des partitions de musique. Une richesse que permet une narration à vingt-trois voix, qu’un marque-page fourni avec l’ouvrage vous aide à démêler en listant les membres de la Horde, la fonction de chacun, et le symbole qui les désigne respectivement dans le texte.


Une expérience de lecture extraordinaire, ponctuée de moments de tension extrême (mon cœur a failli se décrocher cent fois) et d’émotions intenses, de scènes épiques et d’émerveillement face à la profusion de cet texte d’une richesse inouïe.


Un livre-monde.



- Quel têtard ! lâche Golgoth, très fort, en s’approchant de nous. Il nous dégobille une tambouille gourmâchée mille fois, il provise que dalle ! Ce tas de pus passe sa putain de vie bloqué sur son plot à se secouer les grelots dans la tronche et il te pond au presse-jus trois bouts de phrases à l’envers, sans queue ni fête, qu’il te ressort à la six-quatre-deux, la bouche en nouille, et on veut me faire croire que ce piaffeux est un cador de la rime ? Par le Contrevent, Carac, broie-moi cette face de cul ! Te laisse pas empommer ! 


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