Aucun souvenir assez solide
  • Date de parution 04/02/2021
  • Nombre de pages 400
  • Poids de l’article 206 gr
  • ISBN-13 9782072927508
  • Editeur FOLIO
  • Format 178 x 108 mm
  • Edition Livre de poche
Anticipation Dystopie et Uchronie Réédition à venir

Aucun souvenir assez solide

3.75 / 5 (479 notes des lecteurs Babelio)

Résumé éditeur

Une cité de phares noyée par des marées d'asphalte où la lumière est un langage. Une ville saturée de capteurs qui dématérialise les enfants qui la traversent. Un monde où la totalité du lexique a été privatisée. Un amant qui marche sur sa mémoire comme dans une rue... En dix nouvelles ciselées dans une langue poétique et neuve, Alain Damasio donne corps à cet enjeu crucial : libérer la vie partout là où on la délave, la technicise ou l'emprisonne. Redonner aux trajectoires humaines le sens de l'écart et du lien. Face aux hydres gestionnaires qui lyophilisent nos coeurs, l'imaginaire de Damasio subvertit, perfore les normes et laisse à désirer. C'est un appel d'air précieux dans un présent suturé qui sature.

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  • Date de parution 04/02/2021
  • Nombre de pages 400
  • Poids de l’article 206 gr
  • ISBN-13 9782072927508
  • Editeur FOLIO
  • Format 178 x 108 mm
  • Edition Livre de poche

l’avis des lecteurs

Suite à ma lecture de "La Horde du Contrevent" et des "Furtifs", je me suis intéressée de plus près à leur auteur, connu pour ses prises de position notamment en faveur des gilets jaunes ou des zadistes de notre Dame-des-Landes, et j’ai découvert un homme passionnant, au regard éclairé, dont les analyses clairvoyantes et accessibles ne sont jamais démoralisantes, car toujours porteuses de l’espoir en la capacité à résister des individus. Ses réflexions ciblent et décortiquent notamment les effets de l’orientation technophile prise par nos sociétés. Insistant sur le fait qu’il n’est pas technophobe (il ne possède pas de téléphone portable, mais est concepteur de scénarios de jeux vidéos) il déplore le développement de technologies aliénantes pour l’homme aux dépens d’un progrès technique émancipant lui permettant de déployer sa puissance sans se laisser dépasser, piéger par la machine. Il prône la conciliation des bienfaits du progrès et la préservation de ce qui fait la richesse du vivant.

Son œuvre est fortement empreinte de ces réflexions, et c’est aussi le cas de la plupart des nouvelles de ce recueil.

Extrapolant les dérives du libéralisme et notre soumission croissante à la technologie, il imagine un futur marqué par l’uniformisation, l’ultra-contrôle et la déshumanisation des échanges. Dans les sociétés qui servent de cadre à certaines de ses histoires, tout se vend, tout service humain a son prix ; même l’amour, le temps et la santé s'y monnaient. On y assure la vie, les organes ou la beauté. La nature (du moins ce qu’il en reste) y est privatisée.

Les villes, fondées sur le limon d’industries et de pollution fertile ou littéralement nourries de marées d’asphalte, sont des espaces difficilement définissables, car comme dotées de leur propre capacité d’expansion constante. Un pouvoir omnipotent et indiscernable, comme une entité déshumanisée, y impose une territorialité inique, l’accès aux rues et aux quartier étant déterminé par le pouvoir d'achat, et y exerce un contrôle permanent, à l’aide par exemple de bagues d’identification ("Le bruit des bagues") qui permettent de connaître les besoins, les habitudes, les opinions... de chacun.

Les citoyens ne sont pas décrits comme des victimes de ce système dont ils sont partie prenante, mais renvoyés à leur propre responsabilité quant à l’instauration de cette dictature du traçage et de la technologie, recherchée en tant que substitution à leurs corps limités, comme manière d’externaliser leurs pulsions dans les machines, d’être omnipotent face à un réel auquel ils craignent de confronter. Elle est un moyen d’obtenir ce que l’on désire sans délai, de se réinventer par le virtuel, d’assouvir les fantasmes qu’ont fait naître une société d’apparence et de performance, où la vieillesse, la laideur, la pudeur sont devenues taboues, où l’on croit se réaliser dans une popularité factice, comme pour paradoxalement contrebalancer l’anonymat que procure le réseau. On se berce ainsi de l’illusion d’interactions dont les écrans qui en sont les vecteurs permettent de répondre au besoin permanent d’être connecté, relié, tout en se protégeant de la rue et de ses dangers, tout en se préservant de la présence des corps. Il pousse cette idée à l’extrême dans "C@ptch@", où les enfants d’une Ville, séparés à la naissance de leurs parents, se font dématérialiser dès qu’ils tentent de fuir la décharge dans laquelle ils sont regroupés, se nourrissant de touches de claviers ou de composants informatiques. Pour ceux qui tentent l’évasion, le rêve est d'être transformé en forum hyperfréquenté, de cristalliser les likes et l’attention. Mais la plupart finissent en simples gifs ou pixels…

Car tel est l’effet pervers du réseau : dans un espace où tout le monde croit devoir s’exprimer, la communication perd de sa valeur et l’important devient inaudible. La nouvelle "So Phare away" l'ilustre bien : dans une ville peuplée de phares et de tours, coupée par une route où le flux ininterrompu de véhicules interdit tout déplacement piéton, les échanges sont réduits à des jeux de lumières que leur quantité et leur fréquence rendent insignifiants. Communiquer est devenu une forme plus qu’un contenu, le but étant d’émettre ce qui peut être compris par tous et facilement relayé.

C’est de même une attitude consentante qu’adopte l’individu face au contrôle dont il est l’objet, car il est un garant de son propre besoin de tout maîtriser, d’annihiler le risque et l’imprévu. Mais ce n’est pas pour autant que le danger disparait, ainsi que le démontre la nouvelle "Annah à travers la harpe", où la multiplicité des dispositifs mis en place pour sécuriser le moindre geste, le moindre parcours de l’enfant, n’empêche pas la mort de celui-ci, et aura par ailleurs privé de sa spontanéité sa relation à ses parents.

Une idée d’un futur possible bien démoralisante donc, que compense l’importance qu’Alain Damasio donne, dans la plupart de ses textes, aux poches de résistance qui contrent les manifestations mortifères de ce "techno-cocon" (le terme est de l’auteur) qui altère l’intégrité et la complexité humaine. Ainsi Spassky, le jovial troubadour des "Hauts® Parleurs®", qui depuis qu’il a vu disparaître son animal de compagnie (le dernier non cloné de l’espèce), se révolte en poétisant autour du mot chat, à partir duquel il crée des néologismes qu’il déclame en joutes verbales, défiant ainsi les multinationales ayant privatisé le langage. Ainsi Farrago dans "So Phare Away", qui affronte une mortelle marée d’asphalte pour aller retrouver la femme qu’il aime. C’est aussi par amour que le narrateur du "Bruit des bagues" décide de rompre avec le confort d’une existence sécurisée en changeant d’identité, seul moyen d’échapper à l’emprise du contrôle. Car comme l'auteur le développe dans "Les furtifs", c’est dans les angles morts du traçage et dans la "beauté absolue de qui ne peut se répéter, de qui passe", en refusant de se cantonner à ces espaces que la surveillance a dénué de vie, que se trouve le salut. Dans "Le bruit des bagues", toujours, des individus se constituent en "îles" pour "ouvrir des brèches, faire des trous et les élargir pour y passer de l’air, de la gratuité, retrouver un côté direct, une sensualité sociale". 

Car l’auteur est particulièrement attaché à la force du vivant, à sa capacité intrinsèque à ébranler ce qui est figé, à déjouer les tentatives d’aliénation, à dépasser sa tendance à l’égocentrisme et au panurgisme en se réinventant dans un rapport frontal, sensoriel, au monde et aux êtres qui l’entourent. Il lui rend d'ailleurs un bel hommage dans "Une stupéfiante salve d'escarbilles de houille écarlate", texte où une course doit départager divers états du vivant -entre autres un cycliste volant, un cheval ailé, un papillon, une feuille de sycomore, la pluie, la foudre…- dans leur aptitude à incarner le "mu", cette force vitale qui prend chair dans n’importe quel organisme.

Certaines nouvelles du recueil délaissent plus ou moins les thématiques évoquées ci-dessus pour s’aventurer dans des univers plus oniriques, telles "El Levir et le Livre", sorte de conte philosophique sur la quête du Livre ultime par un mystérieux scribe, ou "Les Hybres", qui met en scène un homme se faisant passer pour un artiste en figeant de monstrueuses créatures qu’il capture dans une usine désaffectée.

Dans "Sam va mieux", enfin, un homme sans doute tombé dans la folie arpente en compagnie de son fils un Paris vidé de ses habitants, en quête de survivants.

"Aucun souvenir assez solide" est donc un recueil au final plutôt disparate, dont certains textes m’ont moins convaincue que d’autres, car traités de manière trop expéditive ou affichant des allégories trop évidentes. Je garderai néanmoins de l’ensemble un souvenir très positif, parce que j’apprécie la capacité de l’auteur à partager ses engagements sans se montrer didactique mais aussi -et c’est sans doute le plus important- pour la langue qu'il met au service de son propos, une langue qu’il déconstruit et réinvente pour s’approprier les mots et les rendre plus éloquents, mêlant lexique technique et poésie, modernité et élégance, usant de néologismes et de calembours, adaptant son style à chaque texte. Bref, une écriture à l’image de ce qu’il défend avec tant de conviction : vive, souple, singulière et riche de sens.



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