L'île des oubliés

 Saga familiale , ce roman d’évasion plein d’émotion et de suspense nous emporte sur une île au large de la Crète, Spinalonga, l’île des lépreux. Alexis, une jeune Anglaise, ignore tout de l’histoire de sa famille. Pour en savoir plus, elle part visiter le village natal de sa mère en Crète. Elle y fait une terrible découverte : juste en face du village se dresse Spinalonga, la colonie ou l’on envoyait les lépreux… et ou son arrière-grand-mère aurait péri. Quels mystères effrayants recèle cette île des oubliés ? Pourquoi la mère d’Alexis a-t-elle si violemment rompu avec son passé ? La jeune femme est bien décidée à lever le voile sur la bouleversante destinée de ses aïeules et sur leurs sombres secrets…

  Ce roman est passé par bien des mains avant que je ne le lise. Je l’ai d’abord offert à ma mère qui l’a prêté à ma grand-mère avant qu’il n’atterrisse entre mes mains. C’est dire que l’étiquette « saga familiale » lui va parfaitement!

J’ai lu ce petit pavé (427 pages) en quelques jours tellement l’histoire m’a emportée. 

   Tout commence avec le personnage d’Alexis. Contrairement à ce que son prénom pourrait nous laisser supposer, elle n’est pas un garçon mais une jeune femme d’une vingtaine d’années. Entre ses études, sa famille et son petit ami Ed, Alexis se sent perdue. Elle admire l’amour qui unit ses parents depuis si longtemps et la demoiselle se demande si son histoire avec Ed est aussi forte. J’avoue avoir été un peu surprise par ce début de roman au ton légèrement »chick-lit » (ce que je n’apprécie pas vraiment). Le ton léger ne m’a pas emballée et je me suis demandée si le roman continuerait dans cette direction que je qualifierais « à l’eau de rose ». J’ai été rassurée de voir que les questions amoureuses d’Alexis n’étaient qu’un prétexte initial pour lancer l’intrigue.

   Alors qu’elle souhaite s’assurer de son amour pour Ed,  Alexis décide de partir pour la Crète. En effet, en fouillant dans les affaires de sa mère, elle retrouve des documents mentionnant des parents crétois. C’est l’occasion de faire ce voyage pour découvrir la terre de ses ancêtres et pour tester son amour envers Ed.

   Arrivée sur place, à Héraklion, Alexis se débarrasse d’Ed qui n’aime ni marcher, ni visiter les ruines mais seulement profiter de la plage (on se doute que cet amour ne fera pas long feu! Heureusement!). Elle se rend alors à Plaka, le village natal de sa mère.

   Sur place, elle rencontre Fottini qui lui livre alors l’incroyable histoire de sa famille. Alexis va de découverte en découverte. Elle apprend que son arrière grand-mère et sa grand-mère ont séjourné à Spinalonga, une île au large de Plaka. Cette île avait la particularité d’accueillir une colonie de lépreux!

   Basé sur des faits historiques réels et véridiques, le roman relate la vie des ces deux femmes atteintes de la lèpre et qui se sont vues condamnées à séjourner à Spinalonga. A l’époque, la lèpre est une maladie encore très répandue. Les malades étaient exclus de la société et envoyés sur l’île, coupés de leur famille et du monde extérieur.

   Un peu comme Alexis au début, je m’imaginais les lépreux comme on a pu en voir des illustrations dans nos manuels d’histoire: des malades défigurés, estropiés, rongés par la maladie. Le roman nous apprend que la maladie peut en effet défigurer les malades mais que dans la plupart des cas, elle n’évolue que très lentement se manifestant par de simples petites taches blanches.

   Victoria Hislop imagine alors la vie sur cette Île des oubliés. La petite communauté des lépreux s’organise: boutiques, cafés, marchés, agriculture et même séance de cinéma, les habitants condamnés tissent et créent de nouveaux liens sociaux. L’île possède même un hôpital aux médecins dévoués. Cette douceur de vivre va même jusqu’à susciter la jalousie des villageois de Plaka!

   A travers le récit de Fottini, Alexis comprend les épreuves subies par les femmes de sa famille qui semblent frappées une à une par une malédiction. Le roman oscille entre le récit de la vie sur l’île et celle dans le village de la Plaka. Comment son arrière grand-mère et sa grand-mère ont-elles fait pour quitter leur famille du jour au lendemain? Et qu’ont fait ceux qui sont restés sur place? Il n’y a qu’un bras de mer qui sépare les deux femmes de leur famille mais c’est, hélas, comme si elles étaient à l’autre bout du monde.

   Victoria Hislop raconte aussi avec finesse la vie d’un village crétois dans les années 50, vie rythmée par les fêtes des saints, les mariages, les enterrements. Elle s’est beaucoup documentée et ses descriptions nous font presque sentir le vent marin, les effluves de la montagne et du café sucré brûlant. Elle décrit avec beaucoup d’humanité les doutes et les peurs des villageois qui sont contraints de vivre avec la menace de l’île sous leurs yeux et qui croient toujours aux malédictions antiques!!

   Cette saga familiale est pleine de rebondissements mais tout reste plausible. Alexis comprendra enfin les frustrations et les silences de sa mère sur son propre passé. On s’attache énormément aux personnages féminins de la saga, complexes et humains. Riche en émotions, ce roman m’aura procuré un très agréable moment de lecture. Nul doute qu’il donnera envie à plus d’un d’aller visiter la Crète.

   Pour résumer: j’ai dévoré cette saga familiale aux personnages très attachants. L’intrigue est pleine de rebondissements, on ne s’ennuie pas un seul instant. J’ai appris également énormément de choses sur la lèpre et la manière dont elle a longtemps été perçue. C’est une très très belle découverte!