
Murène
Résumé éditeur
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l’avis des lecteurs
Quatrième de couverture
Hiver 1956. Dans les Ardennes, François, un jeune homme de vingt-deux ans, s’enfonce dans la neige, marche vers les bois à la recherche d’un village. Croisant une voie ferrée qui semble désaffectée, il grimpe sur un wagon oublié… Quelques heures plus tard une enfant découvre François à demi mort – corps en étoile dans la poudreuse, en partie calciné. Quel sera le destin de ce blessé dont les médecins pensent qu’il ne survivra pas ?
Mon avis
On est en 1956, la médecine fait ce qu’elle peut face aux situations extrêmes et lorsque François arrive à l’hôpital, brûlé au plus profond, il est quasi évident qu’il ne s’en sortira pas…. C’est la faute à pas de chance, il n’a rien fait de mal, pas commis d’imprudence et il avait la vie devant lui …
Pour le sauver, le chirurgien va couper un bras, puis le second. Ils sont nécrosés et c’est ça ou être condamné à la mort…. Sa mère se débrouille, alors qu’il est isolé, en soins intensifs, dans le coma, pour lui « parler ». Et la force de l’amour agit, il se réveille. Lorsque François réalise ce qui lui est arrivé, il sombre… A quoi bon lutter lorsqu’à vingt-deux ans, on devient, comme un vieillard, dépendant des autres pour tout ? Comment accepter le handicap, qui est arrivé d’une façon totalement imprévisible ? Personne n’est préparé à un tel drame.
« Il se demande si on se fait à ces visions de cauchemar. A la place réduite qu’on vous assigne, infirme parmi les infirmes-c ’est une place quand même- il se persuade quand il cherche des raisons de persévérer…. »
Valentine Goby avec son écriture au scalpel, saccadée, comme en apnée, les mots se bousculant sous sa plume, nous décrit le quotidien de François. Une vie et un environnement à réinventer. Le deuil de certains gestes (il ne pourra pas serrer son amoureuse dans ses bras…), le rejet, le regard des autres, le dégoût de soi, de sa faiblesse…. Les difficultés avec les prothèses (elles sont plus adaptées depuis)… Les hauts, les bas et puis le déclic qui entraîne François vers l’idée de vivre et d’avancer…
J’ai eu un coup de cœur pour ce roman. Il n’y a pas un mot ni un fait de trop. Le style incisif fait mouche. C’est subtilement dosé et ça vous prend aux tripes parce que ça sonne juste. J’ai aimé François qui réapprivoise ce corps différent, qui fait le choix de la vie. Valentine Goby nous montre également combien l’entourage médical, familial, a de l’importance et peut aider à sortir de l’invisibilité à laquelle, parfois, le handicap condamne ….
Dire que la vie de François Sandre bascule lors du rigoureux hiver 56 est un euphémisme. Ce beau jeune homme athlétique, joyeux, solaire, amoureux fou d’une énergique rouquine -Nine- dont il a récemment fait la connaissance, doit être amputé des deux bras suite à un accident qui le laisse de longs mois entre la vie et la mort.
"Murène" est le récit du long et douloureux parcours qui l’amènera vers sa reconstruction.
Un parcours qui s’apparente à un deuil, dont il emprunte les étapes (du déni à l’acceptation, en passant par de terribles phases de renoncement ou de rage), auquel s’ajoute la torture de douleurs physiques dont l’auteure décrit l’atroce palette de manière quasi-clinique, des sensations permanentes d’intense inconfort aux souffrances si insupportables qu’elle en deviennent une source de terreur, en passant par les efforts surhumains pour résister à la tentation d’augmenter les doses de morphine. Elle ne nous épargne pas non plus le spectacle des humiliations qu’engendre la dépendance, ce sentiment que le corps ne nous appartient plus, et qu’il nous a trahi.
"Sa verge pisse à leur demande dans un tuyau, comme si de rien n’était. Le corps fonctionne. Collabo."
Et puis il y a l’apprentissage des nouveaux gestes pour remplacer ceux qui sont définitivement perdus, dont s’allonge chaque jour la liste : se brosser les dents, caresser (un tissu, un animal, une chevelure…), ramer, porter sa sœur sur ses épaules, prendre une femme dans ses bras... Le deuil n’est pas que celui des membres perdus : la métamorphose du corps et le handicap conséquent font de l’individu un autre, imposent le réajustement à une nouvelle existence qui tourne dans un premier temps autour de tout ce qui est devenu impossible. Au point que parfois, aux yeux de cet homme indépendant, casse-cou, manuel, la mort aurait été préférable.
Le chemin est long, pénible, aux petites victoires succèdent les grands moments d’abattement et de dégoût. Il mène pourtant peu à peu à une possible réconciliation avec la vie et avec soi-même. Grâce à d’autres dont la force loyale empêchent l’effondrement total -retenons au passage deux de ces personnages lumineux dont l’auteure a le secret : l’infirmière Nadine et la jeune sœur Sylvia- puis grâce au sport, lorsque l’impensable (dépasser la tentation de la solitude, de la honte face à l’obscénité des efforts accomplis par des corps mutilés, incomplets) devient un projet à la fois intime et collectif, et l'occasion d'évoquer les prémisses du handisport.
Valentine Goby s’empare de ce sujet douloureux -et casse-gueule- avec cette efficace vivacité qui caractérise son écriture, cette attention acérée qu’elle porte au réel, et cette apparente facilité à saisir et retranscrire le sel de l’instant. Ce sont paradoxalement ces qualités qui m’amènent à exprimer un (très) léger bémol -je chipote, je chipote…-, lié à la vague impression que l’aspect impeccable du texte laisse parfois transparaître la technique stylistique, au dépens d’une certaine intensité.
A lire tout de même, bien sûr !
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