JACOB BURCKHARDT: L'ART CONTRE LES PUISSANCES

Peu de personnes, au 19e siècle, ont maîtrisé une somme de connaissances comparable à celle de Jacob Burckhardt. Faut-il l'appeler historien ? Historien de l'art ? Le discret professeur bâlois fut l'un et l'autre, non parce qu'il aurait cumulé deux activités distinctes, mais parce qu'il les a bel et bien fondues dans un humanisme qu'il oppose aux puissances instituées, États ou religions, dont il analyse les compromissions historiques à travers l'Antiquité ou la Renaissance, sans se priver de les faire résonner avec les bouleversements de son temps. Notre tâche, disait-il, est de tendre à l'universalité. Mais il ajoutait : « Être universel ne signifie pas savoir beaucoup de choses ; cela signifie "aimer" beaucoup de choses. » Ce lien indissoluble entre amour et connaissance a défini sa vie. Et l'unité de son oeuvre, d'une si puissante diversité, est à chercher dans le désir passionné de comprendre l'homme et de le rendre attentif à la beauté comme aux laideurs dont il est capable.