Les Otages : Contre-histoire d'un butin colonial
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Taina Tervonen est documentariste et journaliste indépendante. Cette franco-finlandaise a passé son enfance au Sénégal avant de venir vivre en France à l’âge de quinze ans. L’ignorance des Français quant à une histoire coloniale dont ils sont pourtant les héritiers l’incite à mener l’enquête dont "Les otages" est le récit.
C’est donc l’histoire d’un butin colonial dont le Sénégal réclame aujourd’hui la restitution, qui compte des bijoux, des manuscrits, et un objet à haute valeur symbolique : un sabre attribué à El Hadj Oumar Tall, éminente figure de l’histoire sénégalaise, à la fois résistant contre l’occupant européen et guide spirituel dont les écrits continuent d’éclairer le monde arabe dans les domaines de la poésie, de la mystique et de la littérature.
Ce butin est le résultat d’un pillage opéré par les troupes d’Archinard. Ce colonel français arrive en 1880 à St-Louis avec pour mission d’élargir le territoire colonial de plusieurs milliers de kilomètres, et de sécuriser le développement des transports de marchandises des côtes atlantiques jusqu’à l’intérieur des terres. C’est dans le cadre de cette mission qu’il juge nécessaire d’attaquer Ségou (au Mali) où il dérobe le trésor du palais d’Ahmadou Tall, fils de El Hadj Oumar, trésor qui connait ainsi le sort de milliers d’objets qui ont rempli les musées d’Europe au gré de l’expansion coloniale et des commandes passées par les conservateurs aux explorateurs, aux missionnaires et aux militaires. Aujourd’hui, certains dorment dans des réserves quand d’autres, exposés au public, mettent en scène une histoire coloniale transformée en récits de dons, dénuée de toute trace de violence guerrière ou dominatrice. Malgré l’évidente légitimité des demandes de restitutions des anciennes colonies, le sujet reste sensible, les nations occidentales arguant notamment de l’incapacité des africains à protéger ces pièces contre les vols et les trafics. Et si, au moment où Taina Tervonen mène son enquête, le sabre d’El Hadj Oumar Tall a été rendu au Sénégal, où il est exposé au Musée des Civilisations Noires, c’est en réalité sous la forme d’un prêt de cinq ans, et ce type de geste s’entremêle généralement aux intérêts économiques : on lâche sur la symbolique pour vendre des missiles, à l’image des verreries et des breloques que l’on offrait aux indigènes pour les amadouer…
Ce sabre est-il d’ailleurs celui du chef de guerre sénégalais ? Les avis des historiens sur ce point divergent. La nature prestigieuse du sabre n’aurait-elle pas été inventée par Archinard pour glorifier sa campagne ?
C’est entre autres autour de cette question que Taina Tervonen organise son enquête, qui la mène du Sénégal -sur les traces des troupes françaises suivant le fleuve Sénégal jusqu’au Mali actuel pour conquérir le Fouta, dans l’échoppe d’un artisan expert en bijoux, ou encore à la rencontre des héritiers d’El Hadj Oumar Tall… - au Havre, ville natale d’Archinard, en passant par les réserves des musées de l’Armée ou du Quai Branly (et la liste n’est pas exhaustive).
Mais elle s’intéresse aussi au sort réservé au jeune Abdoulaye, fils d’Ahmadou Tall kidnappé par Archinard lors de la prise du palais de ce dernier. Ces enlèvements, permettant de tenir les parents en respect, étaient fréquents. On menaçait d’envoyer les enfants en France pour les éduquer à l’européenne, ou de disséminer d’autres membres de la famille pris en otage dans plusieurs contrées africaines, où épouses et petites filles pouvaient être offertes en cadeau à d’autres chefs en échange d’un traité ou d’un accord. Des dizaines de femmes et d’enfants ont ainsi changé de mains…
Abdoulaye a quant à lui été emmené en France et confié à des amis d’Archinard, qui a fini par le considérer comme son propre fils. Une importante correspondance entre le colonel et son pupille traduit les difficultés croissantes du jeune homme qu’est devenu l’enfant, déchiré entre ses racines et son éducation, notamment lorsqu’aspirant à intégrer Saint-Cyr, il subit malgré ses constants efforts d’intégration l’injuste mépris des représentants d’une administration française profondément racistes, qui ne cessent de lui mettre des bâtons dans les roues.
Cette dernière partie m’a particulièrement intéressée et émue (plusieurs lettres d’Abdoulaye sont transcrites). Je dois avouer que le reste de ses investigations (sur les bijoux et les manuscrits du trésor de Ségou) a fini par me perdre dans ses impasses, ses incertitudes et le caractère administratif de certains documents d’époque. Elle est toutefois l’occasion de digressions fort pertinentes en lien avec le contexte des recherches et des rencontres conséquentes.
Car à travers cette enquête, est révélée l’histoire du regard porté sur les peuples colonisés dont on a nié le passé, la culture et les savoirs ancestraux, mais aussi la complexité des liens engendrés par quatre siècles de présence occidentale en Afrique, débutant par exemple pour le Sénégal avec l’installation à Saint-Louis du premier comptoir commercial français, au temps du négoce du cuir et de la gomme arabique… De ces siècles de commerce puis de traite, de cohabitation et de conflits, est née à Saint-Louis une société coloniale métissée, formant l’élite de la ville, devenue le symbole des paradoxes issus de ces relations. Le passé y est à la fois critiqué et glorifié, tantôt renié et tantôt célébré, comme si chaque détail de l’histoire était à la fois un stigmate à rejeter et un trésor à chérir.
La difficulté des occidentaux à accéder aux demandes de restitution de patrimoine de plus en plus nombreuses, ou les polémiques suscitées autour des statues de grandes figures de l’histoire française qui ont en réalité été des acteurs de la violence coloniale témoignent des crispations autour de ces contradictions. Il faudra pourtant bien en finir avec cette arrogance européenne, et avec cette impossibilité à admettre qu’il existe un continent d’un milliard d’individus avec une jeunesse qui a droit à son patrimoine et à se réapproprier le récit de son histoire.
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