La Supplication : Tchernobyl, chroniques du monde après l'apocalypse
  • Date de parution 05/10/2016
  • Nombre de pages 256
  • Poids de l’article 146 gr
  • ISBN-13 9782290135990
  • Editeur J'AI LU
  • Format 178 x 110 mm
  • Edition Livre de poche
Récits

La Supplication : Tchernobyl, chroniques du monde après l'apocalypse

4.36 / 5 (1141 notes des lecteurs Babelio)

Résumé éditeur

Des bribes de conversations me reviennent en mémoire... Quelqu'un m'exhorte : - Vous ne devez pas oublier que ce n'est plus votre mari, l'homme aimé qui se trouve devant vous, mais un objet radioactif avec un fort coefficient de contamination. Vous n'êtes pas suicidaire. Prenez-vous en main !" Tchernobyl. Ce mot évoque dorénavant une catastrophe écologique majeure. Mais que savons-nous du drame humain, quotidien, qui a suivi l'explosion de la centrale ? Svetlana Alexievitch nous laisse entrevoir un monde bouleversant : celui des survivants, à qui elle cède la parole. L'événement prend alors une tout autre dimension. Pour la première fois, écoutons les voix suppliciées de Tchernobyl.

livré en 5 jours

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  • Date de parution 05/10/2016
  • Nombre de pages 256
  • Poids de l’article 146 gr
  • ISBN-13 9782290135990
  • Editeur J'AI LU
  • Format 178 x 110 mm
  • Edition Livre de poche

l’avis des lecteurs

Le 26 avril 1986, se produit la plus grande catastrophe technologique du XXe siècle : une série d'explosions détruit le réacteur et le bâtiment de la quatrième tranche de la centrale nucléaire de Tchernobyl, en Ukraine. Sur le territoire de la proche Biélorussie, un habitant sur cinq vit aujourd'hui dans une région contaminée. A titre comparatif, les nazis anéantirent durant la seconde guerre mondiale 619 villages biélorusses, dont ils ont exterminé la population ; à la suite de Tchernobyl, le pays en perdit 485...


Munie de son magnétophone, l'essayiste Svetlana Alexievitch, dix ans après l’accident, part à la rencontre de ses victimes survivantes, au cœur de cette Biélorussie sinistrée. Gardant ses questions, sa voix, sous silence, elle collecte les témoignages. Ce qui l'intéresse ne sont pas tant les faits que leurs résonances sur les existences des individus, leurs répercussions sur leur état d'esprit et sur leur manière de voir le monde.


Veuves de ceux qui intervinrent sur les lieux après le drame, résidents "sans autorisation" des zones contaminées, familles évacuées, chimistes... leurs voix multiples, avec souvent plus de tristesse que de colère, énoncent les aberrations, les absurdités tragiques. Les équipements de protection inadaptés, obsolètes. La corruption et les trafics qui, perdurant pendant l'évacuation et le traitement des secteurs officiellement touchés, anéantirent les effets de mesures déjà dérisoires...


Le sentiment exprimé avec le plus de constance est un immense désarroi. En l'absence de précédent, et donc de références, de mots existants pour dépeindre cet "après" inédit -même les sens semblent inaptes à analyser lucidement la situation-, Tchernobyl reste l'indicible, l’incompréhensible. Car si l'on peut décrire précisément les terribles ravages provoqués par l'irradiation sur les organismes, ou les étapes d'une agonie qui survient au terme d'une déchéance physique provoquant d’atroces souffrances, il s'avère très difficile d'exprimer cet espèce de vide qui habite ceux qui ont touché au mystère, à l'inconnu...


La mort est également omniprésente dans les témoignages, mais elle l'est surtout d'une manière diffuse : le danger est invisible, insidieux, l'ennemi immatériel. Comment y croire lorsque la nature semble avoir repris ses droits, que les oiseaux chantent et que les fleurs poussent ? Nombreuses sont les terres que l'on a continué à cultiver presque immédiatement après la catastrophe. Comme on a continué de consommer fruits et légumes, ou de vendre le lait produit par les vaches de la région contaminée. Ce comportement a de plus été encouragé par la propagande des autorités, les mensonges et omissions des divers responsables des opérations mises en œuvre après l’accident, pour minimiser les risques, taire l'ampleur des conséquences, rassurer les populations sur le fait que la situation a toujours été sous contrôle...


Un discours certes remis en cause par certains qui, avec le recul, laissent percer leur amertume ou leur ressentiment, mais le plus souvent, le lecteur s'étonnera de la facilité avec laquelle le peuple biélorusse se laissera convaincre... Car on retrouve en lui les caractéristiques de l'Homo Sovieticus dont on a pu faire la connaissance avec "La fin de l'homme rouge"... Imprégné du culte patriotique, et de la conviction que l'atome "pacifique" vanté par les dirigeants successifs participait à la grandeur de leur nation, peu se sont posés de questions lorsqu'il a fallu intervenir sur les lieux de l'accident. L'abnégation au service de la collectivité a été plus puissante que la peur, les hésitations, la conscience du danger, plus forte que l'instinct individuel de survie. Que faire, dix ans après, de cet héroïsme -non perçu comme tel, d'ailleurs- qui a inévitablement mené à la mort ? Quelle victoire a-t-il permis ? Aucune... car il ne peut y avoir de victoire contre l'incoercible invasion de la terre, de tous les organismes vivants, par l'empoisonnement chimique. Comment faire face à cette guerre sans nom, contre laquelle aucun moyen véritablement efficace n'a jamais été mis en place ?


L'auteur est parvenue à appréhender, au fil d'anecdotes terribles, de pointes d'humour permises par une capacité à la dérision parfois surprenante, de la relation d'expériences intensément douloureuses, ou imprégnées d'un sentiment d'hébétude impuissante, le dénuement psychologique dans lequel Tchernobyl a laissé le peuple biélorusse.


Que construire après ça ? Est-il même envisageable de songer à l'avenir, lorsque vous-mêmes, mais aussi vos futurs descendants, êtes considérés comme des pestiférés, et que l'extinction de votre communauté est devenue une possibilité ?


Il faut lire "La supplication", qui au-delà des faits, des conjonctures politiques ou sociales, dresse sans fards, mais avec pudeur et humanité, le portrait d'un peuple sacrifié.


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