Ohio
  • Date de parution 05/01/2022
  • Nombre de pages 640
  • Poids de l’article 340 gr
  • ISBN-13 9782253935032
  • Editeur LGF
  • Format 179 x 110 mm
  • Edition Livre de poche
Romans noirs Anglo-Saxon Romans étrangers

Ohio

4.07 / 5 (729 notes des lecteurs Babelio)

Résumé éditeur

Quatre anciens camarades de lycée désormais trentenaires sont par hasard réunis à New Canaan, la petite ville de l'Ohio où ils ont grandi. Bill Ashcraft, toxicomane, ancien activiste humanitaire, doit y livrer un mystérieux paquet. Stacey Moore va rencontrer la mère de son ex-petite amie disparue et espère aussi régler ses comptes avec son frère, qui n'a jamais accepté son homosexualité. Dan Eaton, vétéran de la guerre d’Irak, est venu retrouver son ancien amour. Tina Ross, elle, veut se venger d'un garçon qui continue de hanter son esprit. Tous incarnent cette jeunesse meurtrie et désabusée qui, depuis les attentats du 11 Septembre, n’a connu que la guerre, la récession, la montée du populisme et l'échec du rêve américain.Ohio offre un éblouissant précipité d'Amérique, le reflet d'une nation en proie à la déprime et au chaos. L'efficacité d'un livre choral à l'américaine alliée à la fièvre d'un roman russe. Les Échos.Une mosaïque magistralement composée. Le Monde.GRAND PRIX DE LITTÉRATURE AMÉRICAINE 2020.Traduit de l’anglais (États-Unis) par Charles Recoursé.

livré en 5 jours

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  • Date de parution 05/01/2022
  • Nombre de pages 640
  • Poids de l’article 340 gr
  • ISBN-13 9782253935032
  • Editeur LGF
  • Format 179 x 110 mm
  • Edition Livre de poche

l’avis des lecteurs

"Ohio", roman de la désillusion ? Plutôt celui qui, revisitant la jeunesse passée, met au jour les germes du délitement à venir. Pour cela, Stephen Markley associe choralité et allers-retours permanents entre passé et présent. 

"Ohio", c’est aussi le roman d’une convergence, celle de quatre personnages qui reviennent tous après dix ans d’absence, et pour une raison différente, dans leur ville natale de New Canaan, Ohio. Une bourgade de taille moyenne, a priori ni meilleure ni pire qu’une autre ; elle s’en est après tout économiquement mieux sortie que d’autres, en ouvrant au milieu des années 80 deux sites de production industriels. Mais la délocalisation est entretemps passée par là, et pas mal de ses habitants sont dorénavant à fond de cale, plombés par une misère sociale et culturelle qui leur ferme toute perspective. On est là dans l’Amérique sensible aux théories du complot, qui a vu bondir le nombre de conduites en état d'ivresse, de grossesses précoces, de tapages nocturnes, de suicides et d'agressions. Une Amérique où l’on tente de digérer les regrets de sa jeunesse perdue à coups d’Oxycontin, qui peine à suivre les aspirations progressistes d’une nation en plein bouleversement démographique.

Si Bill Ashcraft y revient, c’est pour y transporter, en échange de quelques liasses de billets, un paquet dont il ignore la nature du contenu. Dès ses années lycée, perpétuellement à contre-courant des idées générales, ennemi du patriotisme aveugle et du nationalisme décérébré, méprisant envers les psychoses collectives à l’origine des guerres impérialistes, il a toujours choqué. A 28 ans, après avoir erré à travers le monde et renforcé ses convictions au spectacle des "saloperies perpétrées par les américains", il est plus que jamais cynique et désabusé. Il est seul aussi, n’ayant plus de contact avec ses parents, exaspérant ses proches par ses prises de positions conflictuelles et pontifiantes. Looser arrogant, auquel on ne peut dénier une sorte de superbe, c’est un personnage aussi insupportable que touchant.

Après lui, nous suivrons Stacey Moore, déchirée entre son éducation puritaine et son homosexualité, qui revient en quête d’indice sur la disparition d’une ex-petite amie qu’elle n’a jamais pu oublier, qui a pris un aller simple pour l’autre bout du monde sans donner de nouvelles ; Dan Eaton, garçon appliqué et "trop gentil pour son bien", vétéran de la guerre en Irak où il a perdu un œil, qui veut retrouver son premier amour. Tina Ross enfin, clôt le quatuor. L’ex-plus belle fille du lycée de New Canaan a perdu ses charmes. Son retour est motivé par une soif de vengeance dont l’origine et la réalisation finissent de nouer les liens d’une intrigue qui ne dévoile ainsi le détail de ses connexions que dans son ultime partie.

Et puis il y a tous ceux qui, évoqués à travers les souvenirs des quatre protagonistes pré-cités, participent aussi de l’élaboration de cette fresque moderne que construit astucieusement et patiemment Stephen Markley. Ainsi Rink Brinklan, décédé en Irak, dont les obsèques constituent l’entame de l’intrigue, "le genre de mec qu'on trouve un peu partout dans le ventre boursouflé du pays, qui enchaînent Budweiser, Kamel et nachos accoudés au comptoir comme s'il regardaient par-dessus le bord d'un gouffre, qui peut frôler la philosophie quand il parle football ou calibre de fusil, qui se dévisse le cou pour la première jolie femme mais reste fidèle à son grand amour, qui boit le plus souvent dans un rayon de 2 ou 3 km autour de son lieu de naissance". On notera qu’à son image, d’autres absents -Ben le musicien, Lisa et sa redoutable force de caractère- imposent leur empreinte de manière tout aussi -voire plus- prégnante que certains présents. 

"Ohio" est un roman très riche, très dense, qui fait la part belle à la dualité et à la complexité de ses personnages. C’est aussi un roman profondément mélancolique, hanté par l’amère prise de conscience de la pourriture et de la violence du monde, de l’iniquité et la barbarie d’un système qui basé sur le profit, mène à l’exploitation des plus faibles et au désastre écologique.

J’ai beaucoup, beaucoup aimé.


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