Trois fois la fin du monde
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l’avis des lecteurs
Robinson Crusoé à la française
En jetant un repris de justice dans une zone contaminée par un accident nucléaire, Sophie Divry nous livre une version trash de Robinson Crusoé et sans doute l’un de ses romans les plus aboutis.
Trois fois la fin du monde aurait aussi pu s’intituler trois expériences ultimes, de celles qui laissent des traces indélébiles et pour lesquelles l’auteur de La Condition pavillonnaire et de Quand le diable sortit de la salle de bain retrouve son terrain de prédilection, celui des moments de crise qui obligent à faire des choix, peut-être pas toujours conscients.
Comme il se doit, tout commence très mal. Tonio entraîne son frère Joseph dans un braquage qui vire au drame. Son frère est tué et Joseph arrêté. Le jeune va alors très vite être confronté à la condition détentionnaire, aux règles qui régissent la vie dans les centres de détention et qu’il va devoir assimiler très vite. Car cette première «fin du monde» ne laisse guère la place à la fantaisie. En dehors ou avec la complicité des matons, il faut apprendre à survivre sans confort, nourriture, sommeil, calme et affection, mais surtout à une hiérarchie brutale et à une promiscuité répugnante. «Je me demande pourquoi mon frère ne m’a jamais dit un seul mot sur ses années de prison. Ça me serait utile aujourd’hui. Mais il est vrai que je n’étais pas censé m’y retrouver. C’était lui le voyou de la famille, pas moi.»
À la sidération du néo-détenu vient s’ajouter celle du lecteur qui découvre la loi des caïds, la violence aveugle et les châtiments qui n’ont rien à voir avec une quelconque justice. Avec Joseph Kamal, il se rend compte de l’abomination que peut représenter un séjour carcéral en France aujourd’hui. Et sous la plume de Sophie Divry s’éclairent subitement bien des questions. Les statistiques sur les taux de récidive ou sur la dimension criminogène de nos prisons s’incarnent ici. Avec de tels traitements, comment ne pas sombrer… ne pas être habité par la haine. « Ce n’est plus une haine étroite et médiocre, celle des premières humiliations, non, c’est une haine comme une drogue dure. Elle fait jaillir dans le cerveau des consolations fantastiques. Elle caresse l’ego. Elle transforme l’humiliation en désir de cruauté et l’orgueil en mépris des autres. Je ne hais plus seulement les matons, je hais aussi cette engeance de damnés qui croupit là, encline à la soumission, complice des guet-apens. Dans cette cellule étroite, sans matelas, mes pensées-haine se répercutent d’un mur à l’autre. Je m’y adonne avec plaisir, suivant de longues fantaisies mentales où moi seul, brûlant la prison, reçois le pouvoir de vie ou de mort sur les détenus et les gardiens, les faisant tour à tour pendre, brûler vif, empaler. Parfois la rêverie s’arrête brusquement, mon cœur plonge dans une fosse de chagrin à la pensée de mon frère. Je comprends pourquoi Tonio ne m’a jamais dit un mot sur ce qu’il a vécu ici. »
Aux idées noires vient pourtant se substituer une seconde «fin du monde» tout aussi dramatique : une catastrophe nucléaire. On peut imaginer le vent de panique face aux radiations et on comprend que tout le monde cherche à fuir. Une chance que Joseph ne va pas laisser passer, quitte à tuer à son tour. Un meurtre avec un arrière-goût de vengeance.
Vient alors la partie du livre qui m’a le plus intéressé. Joseph choisit de s’installer dans la zone interdite pour échapper à la police.
Quelque part en France, il rejoue Robinson Crusoé sans Vendredi à ses côtés.
« Toute sa vie, il a été éduqué, habillé, noté, discipliné, employé, insulté, encavé, battu – par les autres. Maintenant, les autres, ils sont morts ou ils ont fui. Il est seul sur le causse. » Il est libre mais seul.
Avec un sens de la tension dramatique, qui avait déjà fait merveille dans Quand le diable sortit de la salle de bain, Sophie Divry va alors creuser dans la tête de Joseph Kamal et nous livrer les pensées d’un homme qui, pour l’avoir déjà perdu, va chercher encore un toujours un sens à sa vie. Magistral!
Dernier roman de la sélection des prix des chroniqueurs pour le prochain festival Toulouse Polars du Sud : Trois fois la fin du monde de Sophie Divry.
Parce qu’il a accepté d’aider son frère Thomas lors d’un braquage, Joseph Kamal se retrouve en prison. Très vite ciblé par un caïd, sa vie devient un enfer, avant qu’il ne s’habitue. Jusqu’à ce qu’une catastrophe industrielle, que l’on suppose nucléaire, ne change la donne dans le sud de la France où il est prisonnier.
Joseph se retrouve alors seul sur le Causse, à devoir survivre et s’organiser dans une nature rendue à elle-même. Avec au début la peur d’être repris, puis plus tard celle de ne plus croiser d’être humain.
Je ne suis pas certain d’avoir compris ce que voulait montrer ou raconter ce roman en deux parties pour moi totalement distinctes.
La première est typique des romans de prison, avec le parti pris de ne pas dater ni localiser précisément le récit, et des schématisations qui font qu’on ne sait pas si l’on est dans une sorte de métaphore, de conte, ou dans une manière personnelle de raconter le réel. Mais que ce soit l’un ou l’autre, ça fonctionne plutôt bien.
Puis arrive la catastrophe, dont on ne saura rien, et on retrouve le héros quelques semaines plus tard, seul. Et après un bref épisode de rencontre, on bascule sur un récit entre le post-apocalyptique et le style Robinson Crusoé. Parce qu’à part la mort des hommes dans la région, et la fin de l’électricité, tout le reste de la nature semble fonctionner comme si rien de s’était passé. Et donc on a un roman d’apprentissage au retour à la nature et à la ferme.
Là aussi, c’est plutôt bien mené, bien écrit avec des pages poétiques sur la nature et le lien qui peut se tisser avec l’homme. Mais j’ai difficilement vu le rapport avec la première partie, et je n’ai pas non plus vu où l’auteur voulait nous amener. D’autant que la fin arrive de façon assez abrupte.
Au final, si je ne me suis jamais ennuyé en le lisant, je ne sais pas trop ce que voulait nous raconter l’auteur …
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