Nécropolis 1209
Résumé éditeur
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l’avis des lecteurs
J’avais hâte de retrouver Santiago Gamboa, découvert avec le très beau "Retourner dans l’obscure vallée", dont "Nécropolis 1209" s’est révélé très différent…
Le narrateur, dont nous ne connaîtrons -et comme de manière fortuite- que les initiales, écrivain colombien, vit en Italie. Il se remet d’une longue maladie qui l’a coupé du monde pendant deux ans et l’a rendu sujet à des accès d’hypersensibilité. A sa grande surprise, il est convié -tous frais payés- à un congrès de biographes (ce qu’il n’est pas) qui se tiendra à Jérusalem, pourtant en état de siège… La liste de ses co-invités est non seulement éclectique, mais aussi fantaisiste. Elle compte notamment l’italienne Sabina Vedovelli, star du porno désormais productrice de films politiquement engagés à gauche (mais toujours pornos) et José Maturana, ex-taulard repenti suite à sa rencontre avec un prêtre évangéliste exalté, dont les interventions sont très attendues.
Sur place, perturbée par des bombardements aléatoires, l’atmosphère est à la fois anxiogène et étrange, le récit étant émaillé de bizarreries. Le narrateur, comme socialement engourdi après ses deux années de claustration, paraît en décalage avec les personnages qui l’entourent, eux-mêmes pétris de marottes et d’obsessions, et adoptant des postures caricaturales. Les figures de ces écrivains fictifs se mêlent à celles d’auteurs réels dont l’existence est évoquée au détour d’une anecdote, d’une discussion, l’auteur en profitant au passage pour égratigner la flagornerie et l’élitisme du monde littéraire.
L’intrigue est quant à elle faite de circonvolutions, de digressions, au gré des histoires, inventées ou réelles -dont certaines sont interrompues par des bombes-, que racontent les écrivains à l’occasion d'une conférence ou lors d’une simple conversation avec le narrateur. Cela confère au texte une richesse et une diversité qui le rendent vivant et surprenant.
José Maturana ouvre le congrès avec une intervention dont la verve argotique, mêlant emphase et crudité, est ponctuée de références littéraires classiques et poétiques. Le parcours de l’homme est atypique. Enfant des rues, tombé dans la drogue et la délinquance, il trouve la rédemption en la personne de Walter de la Salle, dont il devient l’un des principaux disciples, prêchant la parole divine auprès de tous ceux que l’on considère comme la lie de la société, miséreux, prostituées, drogués, délinquants… La nuit suivant son truculent exposé, l’homme réserve à son auditoire une ultime et macabre surprise en se suicidant, d’une manière que le narrateur, se fiant à certains indices, juge suspecte. Il décide de mener l’enquête, aidé par une journaliste islandaise désinhibée venue couvrir le congrès.
Pendant que le duo investigue, comblant les vides laissés par le récit de José, les autres participants interviennent à leur tour, racontent des vies intenses, des destins extraordinaires, tel celui de ce garagiste kidnappé par les FARC et dont l’évasion rappelle étrangement celle d’un certain Edmond Dantès, ou celui de la Vedovelli, dont la présence fait exploser les hormones de l’assemblée masculine, et qui en racontant sa courageuse et méritante ascension dans le milieu du porno, décrit au passage les violences que son statut de femme lui a fait subir…
Toutes ces histoires composent le roman comme un mille-feuille, dénuées de tout point commun hormis des redondances de détails insolites, qui se répondent comme des échos dans certaines d’entre elles, tels le prénom Ebenezer, porté de nombreux personnages secondaires, ou cette vision qui revient dans plusieurs récits, d’un cortège d’encagoulés se faisant massacrer alors qu’il tente d’atteindre un temple au sommet d’une butte…
Les genres s’entremêlent, entre récit personnel, mystère, et polar dont les codes sont détournés à renfort d’humour, de clins d’œil, et de volte-face. La violence et le sexe sont omniprésents, la rédemption et la morale ne sont pas toujours là où on les attend… Et il est aussi, bien sûr, question de littérature, de ses imbrications avec le réel, de son poids face à la barbarie du monde, à l’absurdité de la guerre…
Un roman donc très riche, à la fois ludique, et profond, qui a pourtant suscité une petite déception finale : j’attendais, je crois, un dénouement qui aurait relié toutes les pistes empruntées au fil du récit, une explication à propos des "échos" évoqués ci-dessus, mais non…
Je vous disais il y a peu que j’étais pris dans un roman passionnant et dense, et que je vous en parlerai. C’est Nécropolis 1209, du colombien Santiago Gamboa.
Jérusalem, ville assiégée (un peu plus assiégée dans le roman que dans la réalité) accueille le CIBM, le Congrès International des Biographes et de la Mémoire. Parmi les participants, un jeune écrivain d’origine colombienne, résidant à Rome qui se demande bien pourquoi on l’a invité. Mais il vient de passer deux ans malade et sans inspiration, et l’occasion (et le cachet) lui ont semblés bienvenus. Dans un hôtel retranché, sorte d’oasis de calme relatif dans un océan de chaos, il rencontre les autres participants et écoute leurs histoires : un évangéliste ancien taulard, ancien drogué parle de sa rencontre avec Dieu et de sa conversion ; une star du porno italienne explique pourquoi son cinéma est politique ; un bibliophile raconte l’étrange amitié entre deux joueurs d’échecs ; un historien colombien invente sa version du Comte de Montecristo … autobiographie et fiction se mêlent quand, avec la mort de l’évangéliste retrouvé les veines ouvertes dans sa chambre, la réalité fait brutalement irruption dans le congrès.
C’est un véritable tour de force que nous livre Santiago Gamboa dans ce roman. Celui de faire cohabiter autant de récits, de langues, de styles et de maintenir quand même la cohérence de l’ensemble. Un tour de force d’autant plus remarquable que tout paraît naturel, qu’on passe sans heurt d’une histoire à l’autre et qu’on ne sent jamais le travail de l’écrivain. Comme ces artistes de cirque qui vous donnent l’impression qu’il est normal de marcher sur un fil.
Le lecteur est fasciné par les différents récits, comme on est fasciné dès que l’on entend « Il était un fois … » dit par un Maître Conteur.
Erudition, imagination, maîtrise des niveaux de langage, richesse de personnages, humour, humanité … On trouve tout ici. Des histoires immortelles d’amitié, de haine, d’amour, de vengeance, de sexe. Un voyage qui va d’Europe en Amérique Latine en passant par Israël et les Etats-Unis, pour terminer dans un endroit inattendu (que je vous laisse découvrir).
Un regard tendre et impitoyable sur le petit monde des écrivains habitués des colloques, sur les jalousies, les egos, les mesquineries … et la générosité. Un souffle et un sens du détail, qui dans la même phrase font cohabiter la réalité la plus prosaïque et l’épopée.
Une ode à la littérature, à l’écriture, aux mots, à la vie. Une réflexion sur le travail de l’écrivain, être plutôt terne (quand il n’est pas ridicule) « en vrai », qui, par son travail et son talent, va révéler (ou créer de toutes pièces), puis fixer sur le papier des êtres de légende qui seront lors montrés aux monde (ou au moins, au monde des lecteurs). Cet artiste qui, par sa maîtrise des mots, donne vie aux mythes.
Tout cela, et bien d’autres choses encore … Pour compléter, vous pouvez aussi aller lire l’interview que l’auteur a accordée à Christophe Dupuis.
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