Bruna Husky, réplicante et détective privée Tome 1 Des larmes sous la pluie
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l’avis des lecteurs
Le roman de Rosa Montero nous immerge dans un contexte (malheureusement) familier : montée du populisme, recrudescence de la méfiance et de la stigmatisation envers les communautés minoritaires, entretien par les médias du sentiment d'insécurité... c'est pourtant dans le futur que se déroule son récit, plus précisément au début du XXIIème siècle, à Madrid.
Les grandes nations de la planète ne forment plus qu'une unique fédération : les Etats-Unis de la Terre. Les progrès de la conquête spatiale ont permis d'explorer (et d'exploiter) de nouveaux horizons, et à certaines sectes d'illuminés de s'exiler sur des îlots artificiels flottant dans l'espace. Le réchauffement climatique et la pollution croissante ont fait de l'eau une denrée hors de prix, et le dernier ours est mort depuis longtemps, son ersatz (un clone) s'ébattant sur les rives artificielles d'un muséum madrilène. La banalité de la chirurgie esthétique fait se ressembler tous les individus d'un certain âge, mais on n'a pas encore trouvé le moyen d'empêcher les organismes de vieillir. Les hommes sont néanmoins soulagés des tâches les plus pénibles ou dangereuses, dorénavant accomplies par des "technos-humains", ou "replicants", qui représentent quinze pour cent de la population. Ces derniers, conçus par l'homme, sont programmés pour vivre une dizaine d'années, et "mis en production" à l'âge de vingt-cinq ans. On leur implante alors dans le cerveau un passé artificiel, créé par des "mémoristes", leur laissant des souvenirs d'une enfance fictive.
Du point de vue social, les inégalités subsistent. Les plus pauvres vivent dans des zones où l'air est extrêmement pollué, réduisant considérablement leur espérance de vie, et la rencontre avec d'autres peuples de l'espace ne semblent pas avoir ouvert les hommes à plus de tolérance envers les êtres différents... Bruna Husky, en tant que techno-humaine, est de leur nombre. Replicante de combat, elle est également détective. La responsable du parti politique "rep" la missionne pour enquêter sur les morts suspectes de plusieurs de leurs semblables, auxquels on aurait implanté des mémoires mortelles. Le hic, c'est que sous l'emprise de ces implants, les victimes ont perpétré des actes terroristes, devenus pour le leader du mouvement d'extrême-droite en pleine ascension le prétexte à créer un vent de panique et propager sa vision suprématiste et "anti replicants".
En parallèle, Yiannis, ami de Bruna chargé de contrôler la fiabilité des archives historiques -procédé très malin pour nous instruire au passage des pans d'Histoire séparant notre époque de celle du récit- s'alarme d'y découvrir, avec une fréquence croissante, des ajouts récents et inexacts, soulignant le rôle malveillant des replicants lors des événements marquants du passé des Etats-Unis de la Terre...
Quel roman habile et prenant ! A la fois policier à l'intrigue efficace et roman de science-fiction s'interrogeant sur l'avenir de nos sociétés consacrées à la consommation et à l'image, il fait par ailleurs la part belle à ses personnages, complexes et touchants, Bruna Husky en tête. Au physique affûtée de l'androïde, dont la silhouette modelée pour le combat fascine et impressionne, Rosa Montero oppose un mal-être que la rep tente trop souvent de noyer dans l'alcool, lié à l'angoisse de sa mort programmée et à la solitude qui en découle -fonder une famille est impensable- et à la difficulté à se définir au regard de ce passé qui l'habite, qu'elle sait fabriqué, mais qui détermine en partie ce qu'elle est. L'auteur en tire prétexte à une réflexion plus vaste sur l'importance de la mémoire et de la transmission dans l'accomplissement de soi, mais aussi sur la compatibilité entre évolution technologique et psychologie humaine.
C'est dense et passionnant, à lire évidemment !
Quelle ne fut ma surprise, en recevant le programme des parutions de Métailié pour le début de 2016, de lire à propos d’un nouveau roman de Rosa Montero : « Bruna Husky, la réplicante de combat des larmes sous la pluie, a du vague à l’âme, la brièveté de sa vie programmée l’angoisse. Sa nouvelle enquête l’embarque dans une sombre affaire de poubelles atomiques aux confins du monde connu, dans une zone où règne une guerre permanente. » ? Double looping ! Comment, Rosa Montero dont j’avais adoré Territoires barbares a écrit un roman polar/SF dans l’univers de Blade Runner et je n’en savais rien ? Non mais quelle bille ! Je me suis donc précipité sur Larmes sous la pluie, et le suivant suivra dès le début d’année prochaine.
Nous sommes sur Terre au début du XXII° siècle. Une Terre polluée sur laquelle cohabitent, tant bien que mal, quelques rares extraterrestres, des humains, et des réplicants, ces humanoïdes créés par l’homme. Des réplicants dont il est fait mention pour la première fois dans un très vieux film du XX° siècle …
Bruna Husky était une réplicante de combat. Une fois son « contrat » de guerrière terminé elle s’est installée comme détective privée. Il lui reste un peu plus de quatre ans à vivre avant sa fin programmée quand elle est contactée par la présidente du mouvement qui défend les droits (souvent bafoués) des androïdes : quatre reps se sont suicidés de façon atroce, après avoir massacré d’autres androïdes. S’agit-il d’un virus ou d’une manœuvre de ceux qui veulent, sur Terre, se débarrasser de ceux qu’ils appellent des monstres ? Bruna va devoir faire vite, très vite, car la situation est en train de devenir explosive et les jours sombres où humains et réplicants se faisaient la guerre pourraient être de retour.
Quel pied !
Pour commencer, j’adore les mélanges de genres, et là il est particulièrement réussi, aussi réussi que, par exemple, dans la série de George Alec Effinger et de son privé du futur.
Ensuite, je suis un fan de Blade Runner, que j’ai revu il y a peu avec mon grand. La dernière scène entre Ford et Hauer, avec la magnifique tirade du réplicant qui meurt, sous la pluie, après avoir sauvé Ford est inoubliable, j’aime que le titre y renvoie, faisant revenir immédiatement les images du film :
« J’ai vu tant de choses que vous, humains, ne pourriez pas croire. De grands navires en feu surgissant de l’épaule d’Orion. J’ai vu des rayons fabuleux, des rayons C, briller dans l’ombre de la porte de Tannhäuser. Tous ces moments se perdront dans l’oubli comme les larmes dans la pluie. Il est temps de mourir. »
Ca c’est pour la référence.
Et bien entendu, on marche à fond dans cette histoire parce que, même sans avoir vu le film (ou lu le texte de Ph. K. Dick), le roman fonctionne parfaitement.
Des personnages superbes (qu’ils soient androïdes ou humains), une intrigue fort bien ficelée, un monde futuristes très cohérent, une façon très habile et littéraire de décrire ce qui s’est passé entre notre époque et celle du récit (je vous laisse découvrir le joli subterfuge).
Et comme c’est souvent le cas dans les très bons romans de SF, c’est en parlant d’un hypothétique futur que l’auteur parle très bien d’aujourd’hui. On ne me fera pas croire que c’est un hasard si Rosa Montero nous décrit, aujourd’hui, un futur où des mouvements extrémistes veulent se débarrasser de gens différents, où ils jouent sur les peurs, sur les frustrations … Les androïdes ont bon dos !
En résumé, un roman passionnant, prenant et intelligent, et qui ravit, encore plus, les nombreux fans de Blade Runner.
Signalons que ce premier volume sort début janvier en poche, au moment où le suivant Le poids du cœur, sort en grand format. Rendez-vous donc dès le début d’année prochaine pour la suite des aventures de Bruna Husky.
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