Les Monades urbaines
  • Date de parution 27/10/2016
  • Nombre de pages 336
  • Poids de l’article 220 gr
  • ISBN-13 9782221189078
  • Editeur ROBERT LAFFONT
  • Format 183 x 123 mm
  • Edition Livre de poche
Dystopie et Uchronie Anticipation Ouvrage de référence de l'auteur

Les Monades urbaines

3.95 / 5 (1005 notes des lecteurs Babelio)

Résumé éditeur

En 2381, l'humanité a trouvé une solution à la surpopulation : c'est en se développant verticalement dans des monades urbaines, des tours de mille étages, qu'elle continue de croître. L'altitude détermine le niveau social des habitants, qui quittent rarement leur étage. Au sein de cette société, pandémonium sexuel sans tabou, les hommes semblent nager en plein bonheur. Toutefois, la création, l'imagination et l'individualité y sont considérées comme des notions dangereusement subversives. C'est dans ce monde étrange que vont se croiser les destins de Micael, un électronicien qui rêve d'un monde antérieur, Jason, un historien qui découvre les affres de la jalousie, et Siegmund, un citoyen modèle. Tout se précipite quand Siegmund connaît une " défaillance " suite à une descente dans les bas étages. Bientôt, la situation vire au tragique. " Ce roman a une originalité, une densité et une espèce de véracité dans l'imaginaire qui lui permettent de traverser impunément les années. " Gérard Klein

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  • Date de parution 27/10/2016
  • Nombre de pages 336
  • Poids de l’article 220 gr
  • ISBN-13 9782221189078
  • Editeur ROBERT LAFFONT
  • Format 183 x 123 mm
  • Edition Livre de poche

l’avis des lecteurs

Robert Silverberg, un auteur récemment découvert avec Traverser la ville, aux éditions du passager clandestin. Dans la bibliographie, figurait Les monades urbaines, et le résumé me tentait bien, autant que sa thématique citadine. Un texte qui a une sacrée histoire éditoriale derrière lui, et qui est particulièrement visionnaire sur pas mal de plans. Surtout, Les monades urbaines est un texte qui m’a beaucoup surprise, et qui à mon sens a inspiré beaucoup d’œuvres postérieures.

Un roman ou un fix up ?

Les monades urbaines contient 7 chapitres/nouvelles. Nouvelles, ou chapitres ?

La préface à la première édition française, publiée dans la collection « Ailleurs et demain » chez Robert Laffont en 1974, est reprise dans cette édition. Elle revient sur le parcours de ce texte qui a connu une histoire éditoriale palpitante. En effet, World inside, un roman composé d’épisodes, est publié en 1971 dans une maison d’édition américaine. L’agent de Silverberg vend certains épisodes à Galaxy puis d’autres à un anthologiste. Puis la revue française Galaxie a reproduit les épisodes parus dans le Galaxy américain,mais dans le désordre. Ces épisodes sont publiés entre février 72 et février 73. Résultat, on trouvait certains épisodes ici, d’autres dans une anthologie d’une autre maison d’édition, certains coupés, d’autres fusionnés… Et puis les textes entre temps ont été expurgés de certains passages.

Bref, un parcours certes épique mais finalement assez habituel. Tout ça pour souligner le fait que les « épisodes » sont indépendants et peuvent être lues comme les nouvelles d’un fix-up. Des épisodes courts, centrés sur un personnage, avec une chute. Des nouvelles cependant bien connectées entre elles, et qui se complètent pour former une histoire unique. On retrouve en effet les personnages d’un texte à un autre. D’autre part, ces textes se répondent et dialoguent entre eux. Il en résulte ainsi une fluidité extrême qui ne donne pas l’impression de lire autre chose qu’un roman.

Un texte de son temps ?

L’époque de la libération sexuelle…

C’est très étonnant, et déstabilisant, au départ. Les monades urbaines est un texte où le sexe est omniprésent. Non seulement les personnages baisent sans arrêt, les uns avec les autres, mais en plus on sent un regard très années 70 dans les rapports humains. Les femmes trophées et les femmes ventres, plutôt passives vs les hommes fanfarons, entrepreneurs et à la queue toujours bien tendue, preuve de réussite. Les descriptions des corps sont par ailleurs particulièrement appuyées pour les femmes.

J’avoue que les 50 premières pages m’ont laissée perplexe… Je me demandais où ça nous menait et quel sens cela revêtait. Je ne pensais pas que l’auteur se vautrait là-dedans avec aussi peu de finesse juste pour le plaisir (relatif). Il y avait donc autre chose.

Ca m’a un peu fait penser à Ecotopia d’Ernest Callenbach, un texte de 1975. Un roman témoignage d’une époque sur le plan social et sociétal, mais aussi visionnaire sur le plan économique, politique et écologique. Et très rigolo : à la relecture de ma chronique sur ce roman, je me souviens en effet que ce côté baisodrome géant m’avait gonflée.

En comparant les deux romans, j’ai compris que le traitement de la sexualité dans Les mondes urbaines a un sens particulier qu’il n’a absolument pas dans Ecotopia. Celui-ci n’apporte rien sur le sujet selon moi (et j’avais trouvé cela dispensable, d’ailleurs). En revanche, le sexe aussi libéré, déromantisé, psychédélique et soi-disant libre des Monades révèle un creux émotionnel abyssal dans chaque personnage, et dans les rapports qu’ils ont entre eux. A mon sens, cette sexualité exacerbée, délirante et intempestive est le produit même de cet environnement déshumanisant.

Mais un traitement dystopique

Un environnement qui n’a aucune douceur, que ce soit dans les matériaux, les étoffes ou encore, les couleurs. Tout est brut, se donne aux yeux et aux oreilles sans relief, sans surprise, sans détour; directement, avec une violence crue. Même la douche « moléculaire » fait peur. Tout concourt à façonner des humains du même acabit que les lieux : robotisés, lisses, bruts et crus. J’ai souvent eu l’impression que les personnages n’étaient que des poupées en plastique. On ne peut même pas dire qu’ils vivent ensemble; ils ne font que partager un espace. Ils ne se connaissent pas, n’ont rien à raconter, ni histoire, ni vécu, ni passion.

Ainsi, le sexe est à l’image des lieux. Automatique, impersonnel, prépondérant, artificiel. Seul moyen de communication que les individus ont à leur portée. Et voilà comment on se retrouve avec des scènes complètement psychédéliques, des orgies et des scènes de défonce (d’ailleurs, c’est le mot utilisé) à tout va. Car pour répondre au vide ressenti et au formatage des corps et de l’esprit, pas 36 solutions : avec sauvagerie et violence, avec moult drogues pour tenter de vibrer, l’espace d’un moment.

Ainsi, je trouve ce traitement de la part de l’auteur particulièrement habile. Il s’inspire évidemment de son époque, marquée par une grande révolution sexuelle partout en Occident. Mais il détourne cela pour en dessiner quelque chose d’extrême. On a dans ce roman des enfants de 12/13 ans déjà parents, de l’inceste, des partouzes géantes, des orgies sous l’effet de drogues, de l’échangisme… Des rapports qui n’ont aucune limite. Ce qui est choquant ne réside pas dans ces pratiques ni l’absence d’une quelconque morale, mais dans la manière dont les personnages se positionnent par rapport à cela. Il n’y a rien d’humain, là-dedans, on est dans l’automatisation, la règle et le contrat entre corps interchangeables.

C’est à mon sens complètement à l’inverse de ce qui est prôné dans les années 60-70. Donc finalement, je ne dirais pas que ce texte est de son temps sur cet aspect-là. Il en utilise certes le matériau mais pour aboutir à quelque chose de radicalement différent.

Un voyage vertical

On monte, et on redescend…

Traverser la ville a été écrit 2 ans après. On y retrouve les mêmes inspirations que dans Les monades urbaines : la notion d’empilement urbain, le rapport entre utopie et dystopie (même souche, mêmes moyens et mêmes effets finaux), et un fond d’histoire d’amour un peu bizarre. Traverser la ville proposait en revanche un voyage horizontal parmi ces blocs empilés, ce qui permettait d’en subir la démesure, en éprouvant la hauteur et la perspective. En revanche, Les monades urbaines est un huis-clos, qui nous fait voyager de haut en bas.

Le premier chapitre est habile : il nous fait entrer dans la monade 116 (celle du roman) par le biais de la visite d’un étranger vénusien. Le lecteur accompagne donc ce visiteur à qui l’on propose une visite commentée des lieux et du fonctionnement d’une monade. Chaque nouvelle qui suit nous fait éprouver cette verticalité. Ici, la réussite qui propage vers le haut; là, les couches populaires en bas (sur ce plan, très classique). Là encore, les rebelles qui « dévalent la chute » (c’est comme une chasse d’eau : hop, poubelle, circulez plus rien à voir). A noter qu’il est beaucoup plus rapide de descendre que de monter… Particulièrement aimé le dernier chapitre qui monte et descend plusieurs fois (et ça, ce n’est pas bon du tout : dans les monades on doit rester à sa place; les seuls déplacements étant en haut quand on réussit – et doucement -, et en bas pour baiser). Ce chapitre clôt à merveille le livre, puisqu’à l’occasion de ces mouvements, on recroise tous les personnages des différentes nouvelles.

A chaque étage son microcosme

Néanmoins, l’horizontalité n’a pas disparu. Les monades sont divisées en blocs d’étages (comme des cantons dans un département, mais à la verticale), dont les habitants appartiennent à la même catégorie socioprofessionnelle. Les monades ne sont pas dépourvues de règles d’aménagement de l’espace, au contraire. Elles sont juste verticales, et particulièrement contraignantes. Forcément, il y a des centaines d’étages et des centaines de milliers de personnes dans une monade. C’est une ruche, et il faut des règles.

Chaque voyage vertical nous amène donc à explorer les différents plateaux. A en savourer l’ambiance particulière qui s’en dégage, malgré la standardisation des lieux. A côtoyer ses populations; artistes, musiciens au milieu, ploucs en bas, dirigeants tout en haut… Intéressant de constater que, malgré des règles de conditionnement identiques, les personnages de différents blocs ne se comprennent pas. Chaque bloc est un monde à part, et cultive l’entre-soi. D’où le sexe entre tous les étages pour favoriser le brassage des gènes.

Et puis, dehors…

Et on tente une percée, dans le roman. Là encore, très habile. On prend un peu l’air, mais ce faisant on se rend compte, par contraste, de l’énorme pression que l’on ressentait jusque-là. Et puis on comprend aussi que cette bouffée d’air n’est pas si libératrice que cela.

A bien des égards, j’ai retrouvé pas mal de similitudes entre Les monades urbaines et Silo. Pour l’aspect vertical, d’une part. Je me souviens de la scène inaugurale de Silo avec ce personnage qui monte jusqu’en haut avant d’être évacué. La protagoniste principale va être amenée aussi à quitter ses bas-fonds pour éprouver la verticalité, la parcourir et explorer les étages. Et dans Silo aussi, il y a cette question du dehors, qui contraste avec la pression ressentie à l’intérieur. Enfin, les personnages sont sur les mêmes plans : 98% qui acceptent les choses en l’état (les conditionnés, aveuglés, formatés) et 2% qui se questionnent (dangereux ceux-là, ce sont eux qui peuvent casser le système). Je n’ai pas lu la suite de la trilogie encore, mais je sais que les silos sont les répliques des monades.

Quand l’utopie devient une dystopie

Un texte visionnaire

D’abord, le texte évoque la surpopulation. Evidemment, dans Les monades urbaines on est à un niveau fou (plusieurs dizaines de milliards d’habitants). Mais ça ne change pas grand-chose, les dynamiques sont les mêmes que les nôtres, simplement placées à une autre échelle. Se posent la question des ressources pour faire vivre autant de gens (et c’est évoqué dans la nouvelle qui se déroule « dehors »), le rapport entre citadins et « les autres », et l’aménagement du territoire (dont on avait une idée similaire dans Un an dans la ville-rue). Dans Les monades urbainesl’urbanisme est au cœur du propos. Je vous invite à lire la chronique de FeydRautha, qui recontextualise tout ça et qui fait le parallèle avec certaines entreprises d’urbanisation contemporaines.

C’est assez rigolo, parce que dans la ville où j’ai grandi, il était question justement de casser les barres et de proposer un habitat plus horizontal. Très bonne idée, sauf que les détracteurs opposaient comme argument que le coût d’un pavillon et celui d’un appartement n’était pas le même; de ce fait, on déplaçait surtout les populations et on en profitait pour gentrifier un quartier. Le débat horizontal/vertical est très présent dans le livre et pose déjà toutes ces questions insolubles.

J’ai apprécié aussi la manière dont l’auteur pense techniquement sa ville verticale. Nombreuses sont les villes où sont évoquées les dynamiques sociétales; certes, mais concrètement, comment la ville fonctionne-t-elle ? Ici sont abordées toutes ces questions de vivre ensemble (enfin, vivre est un bien grand mot), mais pas seulement. On sait quels matériaux sont utilisés pour quelle utilité, comment sont aménagés les appartements (je pense qu’Ikea s’est inspiré de ce texte), comment la production agricole tourne, ou encore comment l’air est recyclé etc.

Evidemment, certains sujets fâchent dans les monades, donc le texte ne les aborde volontairement que très peu voire dans un flou complet. N’oublions pas que nous suivons des personnages qui vivent dans la monade et qui ne sont pas très critiques, puisque majoritairement conditionnés. Donc toute la question de l’approvisionnement en nourriture, par exemple, est un peu balayée – il faut attendre le chapitre qui sort de la monade pour qu’on comprenne la portée de cette organisation spatiale. Je trouve ça très très malin. Evidemment, on voit que ça ne marche pas, que ces monades sont un non-sens à tous les plans, mais on voit aussi comment les habitants des monades se convainquent que si, si, ça fonctionne et que c’est génial. Ou comment aller dans le mur même quand on le voit gros comme ça – ça me rappelle vaguement quelque chose, mais quoi… ?

Donc oui, un texte visionnaire : on peut le coller sur notre monde contemporain sans problème.

La dictature du bonheur

Le bonheur – si ça c’est pas un sujet très contemporain, aussi. Développement personnel par-ci, trouver le bonheur par-là… Dans les monades, c’est une véritable dictature. Tout le monde n’a que ce mot à la bouche. Chaque habitant est conditionné pour trouver son travail, son existence, son habitat… parfaits. A force de répéter, on finit par y croire, et on ne s’interroge plus sur tout ce qui ne fonctionne pas. Dans le roman, on nous dit que tout est parfait dans le meilleur des mondes. Le sexe aussi débridé garantit égalité et liberté. Chacun à sa place participe au système (c’est valorisant, quelque part). La suppression des possessions personnelles détruit capitalisme, jalousie, aigreur etc. L’absence d’imagination et de culture permet de rester concentré sur l’essentiel, et empêche les rêves douloureux. Et par-dessus tout ça, une bonne petite couche de Dieu, très pratique pour ne rien remettre en question.

C’est ce qu’on retrouve dans bon nombre de textes similaires, dans la veine du roman Le meilleur des mondes d’Huxley. Ces textes qui font se développer une dystopie à partir d’une base utopiste. On retrouve d’ailleurs dans Les monades urbaines une même idée de contrôle des corps et de la sexualité, un système similaire de castes (dans les monades, les blocs), la séparation avec les gens de dehors, le même rapport aux drogues…

Sur le papier, en théorie, ça peut le faire. Mais en pratique, ça marche moins bien. Mais comme il faut que ça marche quand même, ces injonctions deviennent un bourrage de crâne tel que l’utopie devient un enfer, mais pas conscient. La liberté n’est que factice, puisque les habitants n’ont pas vraiment le droit de penser ni de faire autre chose que ce qui est permis. Alors ce sont des robots conditionnés. C’est le terme utilisé par les deux/trois personnages qui s’interrogent un peu et se rendent un peu compte quand même que bon, c’est étrange, tout de même. Ces regards-là, dont l’historien dans le roman, sont très intéressants, parce qu’ils sont à la fois les détracteurs et les avocats du système. On sent que ça tiraille sous le scalp, mais sans parvenir pleinement à aller au bout des choses, à mettre le doigt vraiment sur le problème de fond. Par peur, mais aussi par incapacité intellectuelle à le faire. Ces individus sont complètement bridés.

Il y a donc dans Les monades urbaines quelque chose de glaçant, sur tous les plans, et que j’ai finalement trouvé parfaitement réussi. Je n’avais jamais lu un texte comme ça, nul doute qu’il me restera en mémoire et qu’il mérite sa dénomination de classique… !

Que voilà un bien étrange texte. Que je recommande, pour son étrangeté d’un côté, son traitement d’une sexualité complètement débridée et psychédélique de l’autre, mais surtout pour son propos. Je n’y vois aucun témoignage d’une époque donnée, plutôt une inspiration d’une société, poussée à son extrême et complètement détournée. Le cauchemar dans ce texte est glaçant, incroyablement actuel, ce qui fait des Monades urbaines un texte tout à fait contemporain et à confronter à notre réalité : ça marche parfaitement bien…

2381. Les hommes, désormais au nombre de 75 milliards, ont trouvé la solution au surpeuplement qui menaçait la pérennité de leur monde. Ils vivent entassés par centaines de milliers dans des tours de 3000 mètres de haut qu'ils ne quittent jamais, ces "monades", ainsi qu'on les appelle, étant auto-suffisantes, avec leurs écoles, leurs lieux de travail, et leur propre approvisionnement en énergie, fournie par les déjections de ses habitants.


Pour assurer la viabilité de ce système vertical, la notion d'intimité et le sens de la propriété ont été bannis, et afin d'éviter les frustrations forcément engendrées par la promiscuité, le sexe est devenu "libre". Aussi, bien que vivant toujours en couple, les individus entretiennent des relations sexuelles avec les partenaires de leur choix. Ainsi, à la nuit tombée, nombreux sont ceux qui errent dans les couloirs de la monade pour aller rejoindre celui ou celle choisi(e) pour cette fois, dans un lit conjugal qu'ils se partagent alors à trois... Avec quelques restrictions tout de même : les étages supérieurs évitent de se mélanger avec les niveaux inférieurs, la verticalité des tours matérialisant par ailleurs une hiérarchie sociale rigide et cloisonnée. 


Continuer à se multiplier est devenu la principale activité humaine, la valeur des êtres se mesurant à l'importance de leur progéniture. 


Il semble régner au sein de la société dépeinte par Robert Silverberg une harmonie et une sérénité laissant supposer que l'homme aurait enfin atteint une certaine forme d'utopie... mais la neutralité émotionnelle que suppose ce système laisse perplexe. L'individu serait-il parvenu à niveler ses émotions, à oublier ses passions, sa jalousie, sa hargne ? Même le langage a perdu ses couleurs, ses sous-entendus, ses connotations... on "défonce" dorénavant le "con" de sa partenaire sans la transgression ou la grossièreté que cela suppose, et simplement pour assouvir un besoin organique. 


Ceux -rares- qui s'écartent du chemin, ou remettent en cause le bien-fondé du fonctionnement de ce nouvel éden, sont jetés, sans jugement ni fanfare, dans une fosse où ils contribueront à alimenter la monade en énergie...


L'auteur s'attarde sur quelques-uns des habitants de la monade 116 (presque 900 000 habitants), qui expriment d'une manière ou d'une autre leur inadaptation au système. Sigmund, très jeune, surdoué, promis au plus haut niveau, marié à la magnifique Mamelon, commence à se poser des questions sur le sens de son ascension. Micaël rêve de découvrir le monde extérieur. Auréa est quant à elle terrorisée à l'idée d'être obligée de changer de monade, parce qu'elle ne parvient pas à enfanter... 


Mais -et c'est l'un des aspects le plus intéressant de ce récit- il montre aussi la facette positive de cette société qui ne connait ni guerre, ni insécurité, ni famine, où règne une sorte de totalitarisme qui n'a pas besoin de leader, étant volontairement admis par l'ensemble de la population.


Il laisse ainsi le lecteur juge de la légitimité morale de ce système où ne règne aucune réelle liberté, cette dernière étant incompatible avec son bon fonctionnement, mais qui dans l'ensemble fonctionne, justement... On pense bien sûr au "Meilleur des mondes" d'Aldous Huxley, mais plus qu'une critique des totalitarismes il m'a semblé ici que l'auteur invitait à une réflexion sur l'équilibre à trouver entre sacrifices des libertés individuelles et survie de l'espèce.


Dans ce fix-up (nouvelles réunies pour constituer un roman), l’auteur nous décrit un monde qui se veut idyllique. Évidemment, ce genre littéraire implique que progressivement l’utopie s’avère être une dystopie, le système social devenant un cauchemar pour certains individus.


Au XXIVe siècle, 75 milliards d’êtres humains vivent dans des tours géantes dans un apparent bonheur… qui est obligatoire. Cette société assure le bien-être matériel et veille à ce qu’aucun conflit ne surgisse dans un cadre où les défauts typiquement humains sont réprouvés (envie, jalousie…). Dans cette optique, chaque homme et femme est incité à avoir des relations sexuelles avec l’ensemble de ses congénères dès le plus jeune âge, et l’intimité n’existe pas, afin de favoriser l’entente (pense-t-on). En fait non, ce n’est pas un encouragement. Le lecteur se rend vite compte d’une forme d’injonction à coucher avec d’autres pour assurer le bien-être de tous, tout comme la prescription religieuse à procréer un maximum d’enfants, à tel point que les couples ayant des difficultés à avoir une grande progéniture culpabilisent (les femmes notamment). L’envie personnelle ne compte pas.


Sur ce sujet, le lecteur d’aujourd’hui repérera quelques éléments un brin sexistes (il faut rappeler que le roman date du début des années 70) : la culpabilisation du manque d’enfants revient principalement aux femmes, et ce sont les hommes qui vont vers les femmes pour passer une partie de la nuit, dans un univers où il est impoli de se refuser (comme par hasard). Les femmes ne vont pas vers les hommes.


On peut aussi relier la « philosophie » prétextant que le sexe dès le plus jeune âge apporte le bonheur à certains courants minoritaires qui traversaient la société à l’époque de l’écriture du roman (je précise, à cette étape de la chronique, qu’il s’agit dans le récit de sexe entre enfants consentants, mais fortement encouragé par la société environnante).


Le lecteur commence à sentir un malaise sur ce bonheur obligatoire qui apparaît vite factice, et peu à peu des failles se révèlent. Les volontés individuelles n’ont pas leur place, les drogues sont communes, les classes sociales sont réelles et marquées même si certains peuvent grimper les strates. Certains habitants ressentent le besoin d’autre chose… Mais la société ne peut pas l’accepter.


Même si la religion est très présente et « justifie » la procréation à outrance, je ne peux m’empêcher de penser que c’est une civilisation qui va dans le mur : dans le livre, la Terre est habitée par 75 milliards d’humains et il est estimé qu’elle a des ressources pour en supporter 100 milliards, ce qui laisse quelques générations de « multiplication ». Mais après ?


Si l’ensemble n’est pas dénué d’intérêt, j’ai trouvé les chapitres (ex-nouvelles) très inégaux, ce qui est bien dommage, sans compter parfois une certaine complaisance dans des scènes de délire sexuel.

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