Retour à Martha's Vineyard
  • Date de parution 19/08/2021
  • Nombre de pages 416
  • Poids de l’article 230 gr
  • ISBN-13 9782264079077
  • Editeur 10 X 18
  • Format 179 x 110 mm
  • Edition Livre de poche
Romans policiers Anglo-Saxon Romans étrangers

Retour à Martha's Vineyard

3.83 / 5 (550 notes des lecteurs Babelio)

Résumé éditeur

" Le roman d'une amitié foudroyante, formidable, pleine de rebondissements, sur l'île la plus chic des États-Unis. " Elle Septembre 2015. Lincoln s'apprête à vendre sa maison de Martha's Vineyard, et invite sur l'île, pour un dernier week-end, ses amis de fac, Teddy et Mickey. Ces trois hommes ne pourraient être plus différents, entre Lincoln, le " beau gosse " devenu agent immobilier et père de famille, Teddy, l'éditeur universitaire célibataire et angoissé, et Mickey, forte tête et rockeur invétéré, et pourtant, ils partagent une vie de souvenirs.Parmi ces souvenirs, celui de Jacy, mystérieusement disparue il y a plus de trente ans, et dont ils étaient tous amoureux. Qu'est-il advenu d'elle ? Lequel avait sa préférence ? Les trois hommes vont rouvrir ensemble ce dossier " classé ", et alors que par bribes la vérité émerge, ils vont devoir reconsidérer tout ce qu'ils croyaient savoir les uns des autres... " Nostalgique et profond. Quel splendide, inoubliable personnage que Teddy ! " Télérama " D'une plume magnifique, Richard Russo s'interroge sur les souvenirs, les amours de jeunesse, la famille, les différentes classes sociales, et s'attarde sur ses personnages si attachants. " Version femina Traduit de l'anglais (États-Unis) par Jean Esch

En stock

livré en 4 jours

  • Date de parution 19/08/2021
  • Nombre de pages 416
  • Poids de l’article 230 gr
  • ISBN-13 9782264079077
  • Editeur 10 X 18
  • Format 179 x 110 mm
  • Edition Livre de poche

l’avis des lecteurs

Le 1er décembre 1969, Teddy, Lincoln et Mickey, étudiants boursiers dans une fac huppée de la côte Est, voient leur destin se jouer en direct à la télévision alors qu’ils assistent, comme des millions d’Américains, au tirage au sort qui déterminera l’ordre d’appel au service militaire de la guerre du Vietnam. Un an et demi plus tard, diplôme en poche, ils passent un dernier week-end ensemble à Martha’s Vineyard, dans la maison de vacances de Lincoln, en compagnie de Jacy, le quatrième mousquetaire, l’amie dont ils sont tous les trois fous amoureux.

Septembre 2015. Lincoln s’apprête à vendre la maison, et les trois amis se retrouvent à nouveau sur l’île. A bord du ferry déjà, les souvenirs affluent dans la mémoire de Lincoln, le « beau gosse » devenu agent immobilier et père de famille, dans celle de Teddy, éditeur universitaire toujours en proie à ses crises d’angoisse, et dans celle de Mickey, la forte tête, rockeur invétéré qui débarque sur sa Harley.

Parmi ces souvenirs, celui de Jacy, mystérieusement disparue après leur week-end de 1971. Qu’est-il advenu d’elle ? Qui était-elle réellement ? Lequel d’entre eux avait sa préférence ? Les trois sexagénaires, sirotant des bloody-mary sur la terrasse où, à l’époque, ils buvaient de la bière en écoutant Creedence, rouvrent l’enquête qui n’avait pas abouti alors, faute d’éléments. Et ne peuvent s’empêcher de se demander si tout n’était pas joué d’avance.

Ma lecture

Il y a quelque chose d’étrange, et d’approprié en même temps, dans le fait de se retrouver à l’endroit même où avait débuté cette vie de duperie qu’il n’avait pas prévue. Sur cette île. Dans cette maison. (p281)

Une amitié de presque 50 ans lie Lincoln, Teddy et Mickey, les Trois Mousquetaires comme ils aiment à se définir, adoptant même sa devise : Un pour tous, tous pour un et que l’on pourrait transformer en Une pour tous et tous pour une car au-delà de l’amitié qui les lie il y avait Jacy dont ils étaient tous les trois amoureux, Jacy qui a disparu 44 ans plus tôt, sans explication, sans raison apparente, lors des quatre jours où ils célébraient la remise de leurs diplômes. Alors quand ils décident de se retrouver au même endroit, dans la maison familiale dont Lincoln vient d’hériter, sur l’île de Martha’s Vineyard pour faire le bilan de leur amitié, de leurs vies, ils répondent présents mais l’absente habite toujours leurs mémoires.

Que sont-ils devenus maintenant qu’ils sont âgés de 66 ans, sont-ils les mêmes, leurs vies ont-elles été à la hauteur de leurs espérances, de leurs ambitions, éprouvent-ils les mêmes sentiments et l’un d’entre eux possède-t-il une explication à la disparition de Jacy ou la réponse réside-t-elle dans le lieu des retrouvailles ?

Revenir sur les lieux d’une jeunesse avec ceux qui l’ont partagée, en débutant le récit par une soirée mémorable où chacun était suspendu au tirage au sort télévisé de son engagement pour partir au Vietnam en 1969, un tournant brutal dans chacune de leurs vies, mais également la confrontation à la fin de l’insouciance et du passage à la vie adulte en les mettant face à leurs responsabilités et choix, c’est le choix fait par l’auteur pour situer à la fois ses personnages mais aussi une époque où cette transition était brutale.

Richard Russo dresse un portrait à la fois social, familial, amical et amoureux d’une génération mais également de ce qu’elle est devenue au fil du temps suivant le milieu dont on est issu, dans lequel on a été éduqué et pose la question de savoir si nous restons fidèles à nous-mêmes, aux amitiés du passé et si celles-ci peuvent résister au temps :

Le fait qu’il continue à les appeler Beau Gosse et Tedioski prouvait qu’il restait convaincu que quatre décennies ne les avaient pas abîmés ni corrompus. Curieusement, en présence de Mickey, tout paraissait moins menaçant, comme si la vie après l’avoir jaugé, avait décidé de ne pas le faire chier. (p216)

Retrouvailles amicales, retour sur le passé mais également constat sur le présent, sur leurs vies actuelles se mêlant à un mystère jamais élucidé, celui de la disparition d’une femme qui les liait par l’amour qu’ils lui portaient et dont chacun porte en lui regrets et remords et dont l’absence se fait encore présente plus de 40 ans plus tard.

Un week-end sur une île du Massachussetts, dans un lieu chargé en souvenirs et en sentiments, un week-end pour se retrouver, se redécouvrir en hommes vieillissants, un week-end pour voir ce que le temps a fait d’eux mais surtout pour imaginer ce qui a poussé Jacy à disparaître. Ont-ils fait les bons choix, si Jacy n’avait pas disparu que seraient-ils devenus individuellement ou collectivement.

Chacun croit connaître l’autre mais chacun a ses secrets, ses blessures, ses failles, son rapport à la vie, à ses rêves et pour chacun ces retrouvailles vont être l’occasion de savoir si leur amitié a résisté au temps et s’ils peuvent surmonter l’absence inexpliquée de celle qui, même après si longtemps, reste présente et habite leurs esprits.

Ce que j’essaie de dire, je crois, c’est qu’il y a un tas de choses qu’on ignore sur les gens, même ceux qu’on aime. (…) Hélas toutes ces choses que nous gardons secrètes sont souvent au cœur de notre personnalité. (p219)

Richard Russo prend pour prétexte la disparition d’une femme pour aborder le thème de l’amitié à travers le temps, à travers les événements et s’attache à disséquer chacun de ses personnages, fouillant leurs mémoires, revivant à travers eux les moments charnières d’une vie, celles où on la prend en mains, où l’on abandonne (ou pas) ses rêves, ses ambitions avec une écriture dynamique, rythmée, vivante avec parfois un petit regard malicieux qui nous entraîne sur ce coin de terre où les protagonistes vont se retrouver face à eux-mêmes mais également face à ceux qu’ils pensaient bien connaître, ceux avec qui ils ont partagé leur jeunesse.

L’auteur construit en mêlant moments de mélancolie et de réjouissances,de nostalgie, s’amusant parfois des travers de chacun avec bienveillance, chacun si différent et si complémentaire aux autres, s’interrogeant de savoir si l’amitié peut résister au temps, aux questions restées sans réponse, aux doutes, peut-elle renaître sur les cendres d’un mystère et d’une femme aimée dont le fantôme les hante encore.

J’ai beaucoup aimé partagé ce week-end avec eux, à écouter leurs pensées, leurs pudeurs, leurs regrets mais également leurs espoirs, avec en toile de fond une Amérique au bord de basculements tels qu’une guerre ou de l’arrivée d’un président à la mèche orange. A travers ses personnages c’est toute une génération qui revient sur les années de sa jeunesse mais dont les corps ont vieilli et où les esprits voudraient trouver la paix;

J’avais lu il y a quelques temps Trajectoire du même auteur et j’avais apprécié ce mélange à la fois léger et profond des caractères, des apparences, des situations, du temps qui passe et je vais continuer (un de plus) à le lire (on m’a conseillé A malin et demi et Un homme presque parfait) car j’aime la fluidité de son écriture, son ironie et les sujets qu’il évoque parce que ce sont des sujets dans lesquels on se retrouve mais sans gravité ni jugement, simplement des instants de vie.

La disparition de Jacy Calloway

Avec Retour à Martha’s Vineyard Richard Russo a réussi un chef d’œuvre. En orchestrant les retrouvailles de trois étudiants près d’un demi-siècle après leur rencontre, il nous offre une superbe plongée dans l’Amérique des années Vietnam à nos jours. C’est splendide!

Comme Les Trois mousquetaires, ils sont quatre à se retrouver en 1969 sur le campus de Minerva College: Mickey, Lincoln et Teddy ainsi que la belle Jacy, dont ils sont tous trois secrètement amoureux. C’est le moment de leur vie où ils se construisent un avenir et où ils doivent prouver à leur famille qu’ils ont bien mérité leur bourse, que le rêve américain est toujours possible quand on vient d’une famille modeste. Pour compléter leur revenu, ils travaillent comme serveurs dans une sororité du campus de cette université du Connecticut. En fait, ce ne sont pas leurs résultats universitaires qui les inquiètent, mais le tirage au sort décidé par l’administration Nixon et qui fixe l’ordre de conscription pour rejoindre les troupes combattantes au Vietnam.

Alors, en attendant de savoir à quelle sauce ils vont être mangés, ils font la fête et passent quelques jours à Martha’s Vineyard, à l’invitation de Lincoln. Sur cette île, surtout connue comme résidence d’été de la jet set américaine et des présidents des États-Unis, il profitent de la maison que les parents de Lincoln louent aux touristes. Un cadre enchanteur qui va servir de toile de fond à un drame: c’est là qu’en 1971 Jacy va disparaître sans laisser de traces…

Richard Russo a choisi de commencer son roman en 2015, au moment où les trois amis, âgés de soixante-six ans, se retrouvent à Martha’s Vineyard, sans doute pour la dernière fois. Car Lincoln, devenu agent immobilier du côté de Las Vegas, a l’intention de vendre la demeure où il ne vient plus guère et qui a besoin d’être entièrement rénovée. Teddy est devenu éditeur et s’est installé à Syracuse, tandis que Mickey, musicien et ingénieur du son, est venu de Cape Cod, tout à côté. Le roman va dès lors osciller entre ces deux époques, offrant au lecteur de découvrir au fur et à mesure comment le temps s’est écoulé pour les uns et pour les autres, comment un demi-siècle plus tôt, sans qu’ils s’en rendent vraiment compte, leur vie a basculé. Avec maestria l’auteur déroule les existences, sonde les âmes et tente de lever les secrets soigneusement enfouis. Derrière les anciennes rivalités, la jalousie et les convoitises, il va conduire le lecteur vers la résolution de ce drame qui, comme un bon polar, va accrocher le lecteur. Mais ce qui fait la force du livre et le rend incontournable à mon sens, c’est la façon dont l’auteur raconte les années qui passent, les illusions qui s’évanouissent, les rêves avec lesquels il faut composer au fur et à mesure qu’apparaissent les premières rides. Et, derrière la mélancolie, les belles traces laissées par des sentiments que les années n’ont pas érodés. Où quand le vague à l’âme laisse place à l’amitié la plus solide. C’est étincelant de beauté et de vérité.

Ah, comme l’on devient exigeant vis-à-vis d’un auteur à l’origine d’un coup de cœur ! Après avoir été conquise par "Le déclin de l’Empire Whiting", puis complètement enchantée par "Un homme presque parfait" et "A malin, malin et demi", autant dire que je me suis conditionnée à attendre de Richard Russo l’excellence, voire plus… Une attente qui a été une première fois déçue avec la lecture du "Pont des soupirs", mais qui ne m’a pas pour autant découragée…

Aussi, c’est vraiment confiante que j’ai abordé son dernier roman, par ailleurs très motivée à l’idée de le faire dans le cadre d’une lecture commune avec moult camarades bloguesques.

Verdict ?

Eh bien… cela commence comme un roman de Richard Russo.

Trois vieux amis débarquent sur l’île de Martha’s Vineyard pour y passer un week-end dans la maison de famille de l’un d’eux. Ils ont soixante-six ans, ne se sont pas vus depuis dix ans. Ils se sont connus au moment de la guerre du Vietnam, dans la petite université du Connecticut où ils ont fait leurs études, et où il travaillaient tous trois comme serveurs dans une sororité du campus. 

Lincoln, fils unique d’un petit homme dominateur et psycho rigide contrairement à ce que pourrait laisser croire son fantaisiste patronyme - Wolfgang Amadeus Moser – et d’une mère discrète et soumise, dorénavant défunte, a fait carrière dans l’immobilier à Las Vegas. C’est par ailleurs un mari, un père et un grand-père comblé. Les retrouvailles ont lieu dans la maison qu’il a héritée de sa mère, et qu’il a l’intention de vendre, rompant la promesse qu’il lui avait faite. 

Ses amis Teddy et Mickey eux, n’ont pas fondé de famille. 

Le premier dirige une petite maison d’édition à l’agonie, spécialisée dans d’obscurs ouvrages religieux. C’est le personnage le plus complexe, et a priori le plus mystérieux du trio. Cet ancien fils (unique lui aussi) de profs trop investis dans l’enseignement pour faire grand cas de son existence, que son incapacité à la violence a toujours fait se sentir différent, est devenu un homme solitaire, sujet à des crises d’angoisse. A soixante-six ans, il ne sait toujours pas ce qu’il attend de la vie, ni ce qui le fait avancer ; il s’éparpille, fantasme sur le projet né de ce qui le consume de l’intérieur sans jamais parvenir à le cerner. Il sait juste qu’il ne court pas, contrairement à ses semblables, après le succès ou la reconnaissance, ce qui le rend comme anachronique, inadapté. 

Le second, issu d’une modeste famille italo-irlandaise de huit enfants dont il était le dernier et le seul garçon, s’est à l’inverse épanoui dans ce qu’il a toujours voulu faire : jouer de la musique. Mickey, c’est le pilier de la bande, l’ami fidèle et droit dans ses bottes, indifférent à la politique et aux événements, franc et inaltérable. Ce sexagénaire qui écume les salles de concerts et bars nocturnes avec son groupe de rock pète la forme et déborde d’enthousiasme. 

Voilà pour les présentations. 

Elles sont en réalité incomplètes. Un autre protagoniste -et non des moindres- s’est invité sur l’île. Un protagoniste fantomatique, discret, mais omniprésent. Il s’agit de Jacy, ou plutôt de son souvenir, rendu douloureux par son absence. Jacy, la "D’Artagnan" du quator de mousquetaires que formaient les amis, fille de famille fortunée et pourtant libertaire, intensément vivante, électron libre avide de transgression, mais promise à garçon de son milieu, lisse et insipide. Jacy dont ils étaient tous trois amoureux sans avoir jamais oser l’avouer, que ce soit aux autres ou à eux-mêmes, et qui disparut sans laisser de trace à l’issue d’un autre week-end à Martha’s Vineyard qui, quarante ans plus tôt, marquait la fin de leurs études et le moment où leurs chemins allaient se séparer.

Richard Russo entretient autour de l’énigme de cette disparition jamais résolue un suspense au départ subtil, qui se traduit surtout par la chape de silence qu’elle impose aux trois hommes tout en les obsédant, certains se repassant plus frénétiquement que les autres le film de ces derniers jours passés avec la jeune femme sans y trouver de réponse. Qu’étaient-ils alors venus chercher à Martha’s Vineyard ? Voulaient-ils s’assurer, à l’aube de leur vie adulte, qu’ils avaient fait les bons choix ? 

Mais les questionnements dont l’auteur ponctue son récit vont au-delà de l’énigme Jacy. Ces retrouvailles sont aussi l’occasion pour eux de s’interroger, a posteriori, sur les chemins pris ou au contraire sur les bifurcations délaissées, de s’avouer leurs propres fourvoiements, la mauvaise foi inconsciente qu’ils ont opposée à eux-mêmes pour justifier des choix qui n’étaient parfois que des pis-aller. L’occasion aussi pour certains de constater que les problèmes que l’on n’a pas osé régler ne s’effacent pas avec le temps, et de réaliser avec une sorte de recul amusé ce que l’on doit au souvenir de ses parents, à ces héritages intangibles qu’ils nous ont transmis. 

Et c’est cet aspect du roman que j’ai préféré. J’y ai retrouvé le Richard Russo que j’aime, subtil et sensible, empathique et drôle (bien que moins que dans "Un homme presque parfait" et "A malin malin et demi" par exemple), mêlant avec intelligence individualités et contexte -social, culturel, historique-, décortiquant les mécanismes des relations qui lient ses personnages. Car lorsque dans une seconde partie, il délaisse l’analyse psychologique de ses héros au profit de la résolution de l’énigme, amenée à grand renfort de révélations, je dois dire que je ne l’ai pas vraiment reconnu. Pour le coup, l’intrigue en perd toute subtilité et bascule presque dans une mauvaise imitation de fin de roman policier, les lapins se bousculant pour sortir du chapeau… 

Je ne regrette pas pour autant cette lecture, qui m’a une fois de plus fortement attachée aux héros que Richard Russo a un véritable talent pour camper, faisant en sorte que l’on se sent proche d’eux même quand ils ne nous ressemblent pas. Et j’ai beaucoup aimé l’image de l’amitié que nous donne à voir ce roman, dont les protagonistes, au-delà de l’incontournable part de solitude dans laquelle enferme l’individualité, montrent ce qu’est l’affection dans le respect de l’autre, de son intégrité et de sa pudeur. J’avoue enfin que l'envie de découvrir le fin mot de l'histoire m'a fait, malgré tout, tourner les pages sans efforts…


Nous sommes en 2015, Lincoln est agent immobilier à Las Vegas et père de famille nombreuse. Il peine à se remettre de la crise de 2008 et décide de vendre la maison familiale de Martha’s Vineyard héritée de sa mère et dans laquelle il n’est pas revenu depuis dix ans. Il s’y rend pour estimer son état et les travaux nécessaires. Sa femme Anita, avocate, ne peut l’accompagner. Lincoln a invité ses vieux amis Mickey et Teddy à le rejoindre. Ils se sont connus à l’université de Minerva en 1969 où ils étaient boursiers et serveurs dans une sororité. Ils deviennent vite inséparables. Jacy, une fille issue d’une famille riche est la seule étudiante à s’intéresser à eux et à intégrer leur groupe. Elle est fiancée à Vance, issu du même milieu qu’elle, mais la semaine ils ne se voient pas et cela ne lui pose pas problème. Les trois garçons sont tous fous amoureux d’elle et espèrent chacun de son côté qu’elle va quitter son fiancé et le choisir. En décembre 69 a lieu le tirage au sort des dates de naissance pour envoyer les jeunes au Vietnam, Mickey est en neuvième position, donc sûr d’y aller dès l’obtention de son diplôme. Son père lui fait promettre de servir son pays, même si cette guerre est stupide tandis que ses amis le pressent de fuir au Canada. En 1971, Lincoln réunit la bande sur l’île pour un dernier week end avant que leurs chemins ne se séparent, leur séjour sera marqué par un drame, Jacy disparaît sans laisser de traces.

A soixante-six ans, Lincoln décide de réunir à nouveau ses amis pour un dernier week end avant de vendre la maison. L’absence de Jacy leur pèse, elle rôde comme une présence invisible. Le voisin est un gros rustre, Lincoln l’imagine sans mal en train d’assassiner leur amie, il se met à enquêter et ouvre la boite de Pandore. Ce week end est l’occasion pour chacun de faire le point sur sa vie, ils ne se sont jamais perdus de vue, mais toutefois ne se font pas entièrement confiance et ce depuis toujours. Chacun veut se montrer sous son meilleur jour et peu à peu des secrets plus ou moins avouables font écran à leur amitié. Qui sont-ils vraiment ? Durant leurs études, ils avaient beaucoup de projets, qu’en ont-ils fait quarante ans plus tard ? A l’époque la guerre du Vietnam était au coeur de leurs préoccupations et elle reste un sujet tabou

L’enquête de Lincoln est plutôt un prétexte à se pencher sur le passé, réfléchir à qui on était et qui on est devenu. On suit les quatre amis à tour de rôle dans ce roman choral qui alterne les deux époques. Jeune, Lincoln, était en conflit avec son père, un homme intransigeant et bizarre, mais avec les années, il lui ressemble de plus en plus, Mickey semble n’avoir pas changé au fil du temps, ce que le dénouement contredira, il sait juste mieux cacher son jeu. Teddy est le personnage le plus complexe et le plus intéressant. Lui aussi cache un lourd secret, qui le fera passer pour gay auprès de ses amies.

Il y a assez peu d’action dans ce roman, Russo explore surtout les liens entre ces trois amis, leur évolution au cours des années et leur difficulté de communication, qui leur joue de mauvais tours. Ils réfléchissent aussi beaucoup sur la question de la liberté et du libre arbitre, est-ce une illusion ou pas ? Ils ont perdu leurs illusions et leurs idéaux au fil du temps, ils s’interrogent sur leur destin et le sens de leur vie. Au seuil de la vieillesse, ils osent enfin déposer les faux-semblants et faire un bilan honnête de leur vie, non pour se culpabiliser, mais pour avancer sereinement, prendre un nouveau départ. Ce livre est plein de nostalgie, on y sent aussi les fractures de la société américaine, déjà bien en place à la fin des années soixante et qui s’apprêtent à exploser avec Trump, dont l’affiche orne le jardin du voisin de Lincoln, qui a lui-même reçu ce prénom en l’honneur du président assassiné.

Jacy est la grande absente du livre, dont le souvenir obsède les trois amis. Elle aussi avait ses secrets, toutefois la fin de son histoire n’est pas très vraisemblable, difficile d’imaginer qu’on puisse ainsi disparaître sans laisser aucune trace, mais ce n’est pas important, car elle est avant tout le centre qui relie les autres personnages et marque leurs relation, depuis les années soixante, Russo ne cherche pas à écrire un polar, mais il s’intéresse aux interactions de ses personnages et à leur évolution. Il observe avec finesse ses semblables et ses livres sont toujours aussi percutants. Il y a du Modiano dans son écriture, il nous donne envie d’aller faire un tour sur cette île. Il sait peindre ces hommes fragiles, faillibles, mais toujours désireux de vivre une amitié vraie et le meilleur de la vie malgré les désillusions, des personnages touchant dans lesquels on se reconnaît facilement. Ici les femmes se distinguent par une présence forte mais paradoxale, qu’il s’agisse de la mère de Lincoln ou de sa femme, quant à Jacy, elle est au centre de l’histoire et hante ses amis comme un fantôme. Ces femmes planent comme des ombres sur l’intrigue, mais tiennent un rôle essentiel dans la vie de leurs hommes.

Ce roman est un coup de coeur que je recommande chaleureusement. Un grand merci à Netgalley et aux Editions 10/18 de m’avoir permis de lire ce texte d’un de mes auteurs préférés.

AUTRES LIVRES DE Richard Russo3
DOLPO RECOMMANDE4

Livraison soignée

Nos colis sont emballés avec soin pour des livres en excellent état

Conseil de libraires

et des sélections personnalisées pour les lecteurs du monde entier

1 millions de livres

romans, livres pour enfants, essais, BD, mangas, guides de voyages...

Paiement sécurisé

Les paiements sur notre site sont 100% sécurisés