La rose de Saragosse
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1485.
Suite à l'assassinat du Père Arbuès, membre de l'inquisition, Thomas de Torquemada est dépêché à Saragosse pour traquer et punir les meurtriers. Étonnamment, la récompense promise pour toute information susceptible d'arrêter les coupables est moindre que celle offerte pour permettre de mettre la main sur ceux qui, suite au meurtre, ont placardé sur les murs de la ville des affiches représentant le cadavre écorché de la victime, signées d'une délicate rose épineuse...
La présence à Saragosse de ce grand inquisiteur réputé pour s'allier les services de la racaille exhausse les tensions et ranime chez la population juive la peur d'être de nouveau contrainte à l'exil, sous peine de persécutions. Torquemada va doter d'une nouvelle puissance la Guerre Sainte que l’Espagne a décidé de mener non plus en Palestine, mais en son propre sein.
Les de Montesa font partie de ces riches juifs convertis au catholicisme, conversion qu'ils ont payée cher, mais c'était là le prix de leur tranquillité. Ménassé, le chef de famille, est passionné de gravure. Il a initié sa fille Léa à cet art réservé aux hommes, pour lequel elle se montre particulièrement douée.
Angel de la Cruz pratique lui aussi avec amour et talent ce savoir-faire qui, sans mot ni couleur, trouve le chemin sans détour vers l’œil -et donc vers l'âme-, qui ne rend pas esclave du plan que l'on travaille, et laisse s'exprimer les blancs et les non-dits, ouvrant des aires de liberté. Personnage ambivalent que cet Angel de la Cruz, hidalgo déchu, "familier" -indicateur- de l'Inquisition, mais aussi électron libre, dont la silhouette aussi menaçante que misérable, systématiquement accompagnée d'un chien à l'allure non moins effrayante, suscite l'effroi. Le pouvoir dont il est investi en tant que sbire du Grand Inquisiteur est pour lui un moyen de prendre sa revanche sur ceux -les riches-, qui l'ont raillé, brimé, avili. Fort de ses connaissances techniques en dessin, il compte bien attraper l'auteur des insultantes affiches.
Sa rencontre avec Léa, lors d'un dîner chez les De Montesa désireux de s'attirer les grâces des enquêteurs de Torquemada pour détourner les soupçons que pourraient faire naître leur statut de "conversos", le hante. Intrigué par l'intelligence et le raffinement émanant de la jeune femme, il l'épie, lui fait parvenir d'inquiétantes esquisses.
Raphaël Jérusalmy, que je découvre avec ce très court roman, m'a charmée avec sa plume à la fois précise et légère, que l'on dirait portée par une élégance naturelle. Malgré la brièveté de son texte, il parvient à y installer une ambiance prégnante, qu'il emmène son lecteur dans les salons des riches convertis, dans les sombres ruelles de Saragosse où officient de subversifs artistes de l'ombre, ou encore sur les grouillantes places publiques, aux côtés de la foule assistant aux autodafés, symboles de la nouvelle politique répressive de l'Inquisition.
Pimentée par le suspense qu'instille au récit la traque visant l'artiste rebelle, l'intrigue est également prétexte à un bel hommage à la puissance de l'art comme vecteur de révolte et moyen d'expression contre l'iniquité et la persécution.
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