La Serpe
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l’avis des lecteurs
Ayant lu récemment "La petite femelle", je me suis demandée, pendant les cent-cinquante/deux-cent premières pages de "La serpe" pourquoi Philippe Jaenada s'était intéressé à l'odieux personnage que l'on y découvre, et qui ne suscite, à l'inverse de l'émouvante Pauline Dubuisson, aucune empathie...
Le premier tiers du récit dévide, avec un esprit de synthèse auquel ne nous a pas habitué l'auteur, -même s'il est ponctué des digressions de rigueur sans lesquelles un Jaenada n'en serait pas un-, l'histoire d'Henri Girard, écrivain sous le nom de plume de Georges Arnaud (on lui doit notamment "Le salaire de la peur", éclipsé de la postérité par le film qu'il a inspiré), anti-héros dont l'existence mouvementée évoque l'itinéraire d'un enfant gâté qui a mal tourné.
Henri Girard était le fruit de l'improbable union entre le descendant d'une famille riche, ultra-catholique, conservatrice, et d'une jeune femme qui, au grand dam de sa belle-famille, cumulait des tares rédhibitoires puisqu'elle était pauvre, communiste et (donc) farouchement anti-cléricale... un mariage d'amour, en somme -le vrai, le grand, le passionné-, malheureusement et précocement assombri par la maladie puis la mort de la rebelle Valentine, à laquelle son fils vouait un véritable culte, proportionnel à la haine nourrie dès son plus jeune âge pour les membres de la famille paternelle.
Devenu veuf, son père, gentil et aimant, se montre, malgré sa bonne volonté, maladroit. Alternant entre sévérité injustifiée et laxisme incohérent, il accède à toutes les demandes de son fils, qui devient un jeune homme dépensier, caractériel, menteur, susceptible, capricieux. Même physiquement, il n'a rien pour lui... laid et malingre, il s’accoquine avec une femme de sa trempe, immédiatement prise en grippe par le clan Girard. Le couple fait scandale partout où il passe, laisse le souvenir de ses violentes scènes de ménage, des dettes qu'il cumule, du matériel qu'il détériore.
Suivront d'autres femmes, un road-movie en Amérique du sud... Henri Girard dilapide la fortune familiale, écrit quelques romans... vieillit, meurt, et hop c'est plié, sauf qu'il reste encore deux tiers du bouquin à lire... D'ailleurs Philippe le sent bien qu'on s'impatiente, ou du moins qu'on se demande où il veut en venir ; il promet qu'il va finir par y arriver, au cœur du sujet... Bah oui, alors ? Et ce meurtre sanguinolent qu'on nous a annoncé en quatrième de couverture ? Il est tout juste survolé, et ça ne fait pas un pli : comme l'auteur nous le présente, c'est sûr, Henri a assassiné sauvagement, à coups de serpe, donc, son père, sa tante et leur servante. Il a pourtant, de manière inexplicable, été acquitté suite à une délibération express du jury. Certes, il avait pour avocat une sacrée pointure, mais enfin, tout jouait contre lui : les preuves matérielles, les témoins, son horrible caractère, ainsi que la haine qu'il a toujours éprouvé, c'est bien connu, pour le clan Girard, et surtout son insatiable besoin d'argent, qui constitue le principal mobile du meurtre. Malgré l'acquittement, tout le monde est d'ailleurs persuadé de sa culpabilité.
Et c'est là que Philou (excusez-moi, j'ai tendance à m'égarer quand j'évoque cet auteur génial que je suis depuis ses débuts) intervient. En redresseur de torts, il quitte, au volant d'une Mériva de location qui lui occasionne quelques sueurs froides (une obscure histoire de pneu mal gonflé), sa routine parisienne pour le Périgord, plus précisément pour Escoire, où se situe le château dont les Girard étaient propriétaires au moment du drame, et qui en a été le théâtre.
Comme dans "La petite femelle" il s'est livré à un véritable travail de fourmi, compulsant aux archives de Périgueux les comptes-rendus d’audience, découvrant les témoignages, et prenant connaissance, surtout, de la correspondance régulière qu'entretenaient l'accusé avec son père. Et là, il y a un hic... contrairement à l'image du monstre haineux, intéressé, colérique, que la rumeur a laissé dans les mémoires, l'auteur découvre un fils aimant, entretenant avec Georges Girard une franche complicité, partageant les valeurs de ce père fonctionnaire dégoûté de devoir travailler pour le gouvernement de Vichy.
Dans la deuxième partie du roman, Philippe Jaenada détricote un à un tous les arguments avancés quant à l'évidente culpabilité du fils Girard, démontre l'aberration de certains éléments présentés comme des preuves, reconstitue chaque instant, chaque épisode du meurtre, décortique les incohérences de la plupart des témoignages, en vient même à proposer un autre coupable. Et au cas où cela ne suffirait pas à prouver que non, Henri n'a pas assassiné les deux membres de sa famille et leur servante, il réhabilite son image, en décrivant un homme généreux, qui s'est toujours battu du côté des faibles contre l'injustice, qui éprouvait pour son père et sa tante une affection sincère et réciproque, et qui par ailleurs était un écrivain de talent encore aujourd'hui injustement méconnu.
Sa plaidoirie m'a-telle convaincue ? Peut-être... ce qui est certain, c'est qu'a minima, elle nous fait sérieusement douter de la version jusqu'alors considérée comme indéniable, quoique je me suis demandé s'il n'avait pas volontairement caricaturé dans sa première partie la manière dont son héros était perçu, pour rendre son propos et la nécessité de le défendre plus convaincants... Mais là n'est pas l'important, après tout. Au-delà de la culpabilité ou de l'innocence d'Henri Girard, ou de la capacité du romancier à emporter notre adhésion, que retiendrais-je de "La serpe", en tant que roman (quoique je ne sais pas si ce terme est adapté) ? A l'issue de la lecture de "La petite femelle", j'ai surtout gardé l'impression d'avoir découvert un beau portrait de femme. Ici, il m'a semblé que la démonstration (qui souffre de quelques longueurs), par l'analyse des faits, de la non culpabilité d'Henri Girard, prenait souvent le pas sur le portrait, amoindrissant la dimension humaine si présente dans l'histoire de Pauline Dubuisson.
J'ai en revanche aimé la place que prend l'auteur dans son texte, sa capacité à créer une proximité avec son lecteur. D'une manière générale, quand je lis Jaenada, c'est comme si je l'écoutais. Je l'entends raconter son histoire, je me réjouis des anecdotes personnelles (dont certaines, que l'on retrouvent dans plusieurs romans, sont devenues familières) et des digressions dont il l'implémente, je ris de son sens de l'autodérision (j'ai trouvé très drôle la manière dont il se décrit comme un parisien découvrant en Périgord un territoire complètement inconnu, que ses a priori lui font paraître hostile).
Finalement, c'est surtout un portrait de son auteur que nous livre "La serpe", un témoignage de son humanisme, de son refus de l'injustice. Et malgré les bémols évoqués ci-dessus, je dois avouer que c'est toujours un plaisir de passer un moment avec lui !...
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