Bernie Gunther
  • Date de parution 13/01/2010
  • Nombre de pages 1024
  • Poids de l’article 496 gr
  • ISBN-13 9782253128434
  • Editeur LGF
  • Format 178 x 109 mm
  • Edition Livre de poche
Romans historiques Policier historique Ouvrage de référence de l'auteur Très bon livre, référence Top initié Deuxième Guerre mondiale Allemagne Thriller

Bernie Gunther Tome La trilogie berlinoise

4.09 / 5 (2006 notes des lecteurs Babelio)
AVIS DOLPO Très bon livre, une référence
Style - qualité d'écriture
Personnages
Univers narratif - Description du, d'un monde
Intrigue, scénario, structure du livre

Résumé éditeur

Publiés pour la première fois entre 1989 et 1991, L'Eté de cristal, La Pâle Figure et Un requiem allemand ont pour toile de fond le IIIe Reich à son apogée et, après la défaite, l'Allemagne en ruine de 1947. Bernie Gunther, ex-commissaire de la police berlinoise, est devenu détective privé. Désabusé et courageux, perspicace et insolent, Bernie est à l'Allemagne nazie ce que Philip Marlowe est à la Californie de la fin des années 1930 : un homme solitaire, témoin de son époque.Des rues de Berlin "nettoyées" pour offrir une image idyllique aux visiteurs des Jeux olympiques à celles de Vienne la corrompue, Bernie enquête au milieu d'actrices et de prostituées, de psychiatres et de banquiers, de producteurs de cinéma et de publicitaires. La différence avec un film noir d'Hollywood, c'est que les principaux protagonistes s'appellent Heydrich, Himmler et Goering....

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  • Date de parution 13/01/2010
  • Nombre de pages 1024
  • Poids de l’article 496 gr
  • ISBN-13 9782253128434
  • Editeur LGF
  • Format 178 x 109 mm
  • Edition Livre de poche

l’avis des lecteurs

« Tous les grands romans du XXème siècle sont des romans policiers »

Borges 

Ce qu'il y a de réjouissant en lisant cette citation de Borges, ce qu'elle a probablement dû influencer Umberto Eco lorsqu'il rédigea le Nom de la Rose. Exit donc le frère Cadfael d'Ellis Peter ou le juge Ti de Robert Van Gulig, deux grandes séries qui trustèrent durant des années le polar historique. La première se déroulaient en Chine, dans les années 600 de notre ère sous le règne de la dynastie T'ang tandis que la seconde avait pour cadre une période troublée du Moyen-Age. Ces deux auteurs nous permirent d'explorer les méandres méconnus de l'histoire avec l'inconvénient pour les lecteurs assidus, d'une certaine répétition des traditions évoquées au fil des aventures de ces deux personnages.

Rien de tout cela avec le Nom de la Rose qui révolutionna le genre à un point tel que personne ne fut capable d'égaler ce qu'il faut considérer comme l'un des plus grands romans du 20ème siècle. Dans cet ouvrage, Borges n'est d'ailleurs pas loin puisque c'est lui et sa bibliothèque de Babel qui inspira Umberto Eco dans la description du moteur essentiel de son ouvrage à savoir la bibliothèque infernale de cette abbaye mystérieuse. Et comme si cet hommage ne suffisait pas Umberto Eco créa le personnage du bibliothécaire aveugle (tout comme Borges) en lui donnant le nom de Jorge de Burgos, personnage d'ailleurs à l'antithèse de ce fabuleux écrivain.

Le Nom de la Rose, un polar médiéval dense et foisonnant de références historiques truffé d'éléments sémiotique à un point tel qu'il relègue les écrits de Dan Brown au rang d'amateur. Oubliez le film de Jean-Jacques Annaud (fort bon au demeurant) qui ne put restituer la richesse du roman et plongez-vous dans cette sombre intrigue mettant en jeu les danger de l'obscurantisme en suivant l'enquête passionnante de Guillaume de Baskerville et de son novice Adso de Melk.

A la suite de ce succès littéraire, bon nombre d'auteurs tentèrent de s'engouffrer dans la brèche sans rencontrer le même succès. Des chapitres pompeux pour poser les bases historiques, un manque de recul, voir même une absence d'intrigue expliquent que bon nombre de ces ouvrages ne parvinrent jamais à égaler ce qu'il faut considérer comme l'œuvre majeur de Eco, à savoir un polar !

Il fallait donc quitter le monde médiéval pour s'emparer d'autres pans de l'histoire afin de lire quelque chose de correct dans ce domaine particulier du polar historique. Avec Philip Kerr et sa trilogie Berlinoise (devenue une quadrilogie avec La mort entre Autre), ce sont les heures sombres du Troisième Reich que vous traverserez par le biais des enquêtes du détective privé Bernhard Gunther. Il faut bien l'avouer, avec son ironie mordante et son humour amer, un rien désabusé, le personnage ressemble furieusement au héro charismatique de Raymond Chandler, j'ai nommé le grand Philip Marlowe. Mais ce sont les personnages secondaires qui donnent tout leur intérêt pour ces heures sombres de l'Allemagne qui sont évoquées par petites touches avec des dialogues incisifs ou des descriptions précises d'un Berlin fort méconnu. Des personnages historiques inquiétants comme Heydrich, Himmler, Artur Nebe et Heinrich Muller traversent les récits de Philip Kerr en les rendant encore plus terrifiants.

De la subtilité, du talent et une grande connaissance du contexte historique font que les romans de Philip Kerr sont devenus un must incontournable du polar historique. Vous pourrez retrouver ce grand auteur à l'occasion de la Fureur Noire. Il sera présent à la salle du Faubourg, le samedi 8 octobre 2011 à 19h30 en compagnie de l'historien Volker Kutscher. Ensemble, ils évoqueront l'aspect destructeur de cette Allemagne du début des années 40 en perte de ses valeurs démocratiques.

Pour vous guider tout au long de cette semaine consacrée au polar et au roman noir, il y a ce guide précieux du cercle de libraires et des éditeurs de Genève que je vous recommande que vous soyez novice ou amateur en la matière. Sur la couverture grise, une gravure illustrant le double assassinat dans la rue Morgue d'Edgar Allan Poe avec le titre « Fureur Noire » inscrit en lettre de sang ! Puis, pour introduire ce fascicule, cette citation de Borges qui résonnera dans le cœur de tous les passionnés du genre. S'il fallait quelques mots subtiles pour résumer tout ce qu'est le polar et le roman noir, ne manquez pas la brillante introduction de Valérie Solano avant d'aborder les différentes thématiques de ce petit ouvrage.

1.    La Ville est un polar

2.    Jazz et polar font bon ménage

3.    Sur les traces des autres hommes

4.    Le polar parle espagnole

5.    Comment le polar LGTB est sorti du placard

6.    Le polar comme la révolution

7.    Dans le secret des crânes

8.    Ombre sur la lune, le roman policier japonais

9.    De glace et de feu l'Islande noire

10. En Italie le crime est jaune

11. La BD et le polar

12. Américain ou rien

13. Le polar des Alpes

14. L'enfance et le polar

Ces 14 thèmes vous permettront d'aborder les différents aspects du polar et du roman noir. Des esprits chagrins regretteront que tel roman ou tel récit ne soit pas cité dans ce fascicule. Mais tel n'est pas le but de ce guide qui est comme un passeur qui vous permettra de traverser les flots sombres d'un genre littéraire qui n'a plus rien à prouver mais qui reste encore à découvrir.

En tant que flic j'aurai peut-être aimé que l'on aborde le thème du polar entre réalité et fiction avec une participation la police cantonale genevoise pour cette manifestation d'envergure. Un rendez-vous manqué ou un manque d'ouverture ? Qui peut le dire ?

L’ouvrage regroupe trois romans de Philip Kerr mettant en scène son personnage Bernie Gunther, et qui se déroulent à Berlin de 1936 à 1947.

Bernie en est le narrateur, et sa voix, qui révèle une personnalité bien trempée, est l'une des caractéristiques les plus marquantes des textes. Cet ancien inspecteur criminel a démissionné de ce poste en 1933, incapable de tolérer les purges opérées par Goering au sein de la police. Après avoir été responsable de la sécurité à l’hôtel Adlon (siège du Bureau des affaires étrangères du Parti national-socialiste), il a monté sa propre agence de détective privé, bénéficiant du vaste réseau d’amis et de connaissances qu’il s’était constitué lors de sa carrière dans la police, et de la célébrité acquise pour avoir été le seul capable de mettre fin aux agissements d’un meurtrier en série. Il enquête sur tout sauf sur les divorces depuis qu’un client ne supportant pas de voir ses soupçons de l’infidélité de sa femme confirmés l’a envoyé à l’hôpital. Lui-même est un coureur de jupons, prompt à laisser traîner les yeux dès lors qu’il croise une femme aux formes généreuses. Il doit, davantage qu’à son physique, son pouvoir de séduction à une désinvolture souvent narquoise et à son sens de la dérision. A l’occasion grossier, il affiche une franchise et une indépendance d’esprit qui peuvent, par les temps qui courent, se révéler dangereuses. 

"L’Eté de cristal" le présente d’humeur maussade suite à la perte de sa précieuse assistante qui s'est mariée à un pilote membre du parti nazi. Il est alors essentiellement occupé par des affaires de disparitions inexpliquées de plus en plus nombreuses, touchant des citoyens juifs, jusqu'à ce qu'il soit engagé par Hermann Six, riche et puissant industriel dont la fille et le gendre viennent d’être assassinés. Gunther est chargé de retrouver le bijou de très grande valeur qui a été dérobé dans le coffre a priori inviolable de la maison du couple. Mais sa curiosité l’incite à franchir les limites de la mission qui lui est confiée, au point de le mêler aux enjeux de la rivalité opposant Himmler à Goering, et de devoir se confronter aux nouvelles figures d’un crime organisé officiant sous couverture de structures institutionnalisées.

Le détective enquête dans une ville que l’accession au pouvoir du gouvernement national-socialiste a rendue obscure et sinistre. La Gestapo y fait régner la terreur à coups d’arrestations arbitraires. Être présumé homosexuel ou sympathisant communiste, avoir omis de pratiquer le salut hitlérien sont des délits qui peuvent vous envoyer en camp de concentration (Dachau ou Buchenwald, entre autres, sont déjà en activité) ou croupir au fond du Landwehr, le canal qui traverse Berlin. La contestation est étouffée par la peur ; la grande majorité des citoyens se bouche les oreilles et ferme les yeux. D’autres, surnommés les Violettes de mars, rejoignent sur le tard le parti nazi. L’approche des Jeux Olympiques, qui se tiendront dans la capitale allemande, laisse néanmoins un bref répit : pour dissimuler sa nature répressive, le nouveau régime allège la censure qui a depuis plusieurs mois fait disparaître de nombreux ouvrages des librairies, et suspend les manifestations trop probantes de son autoritarisme.

"La Pâle Figure" débute dans l’insupportable touffeur de l’été 1938. Gunther a dorénavant un associé, Bruno, ancien collègue de la police qu’il a débauché avant que son manque de sympathie pour le nouveau régime finisse par lui nuire. Ils sont sollicités par Frau Lange pour identifier un maître chanteur qui a pris pour cible son fils homosexuel, dont l’amant est un célèbre psychothérapeute que Gunther tente d’approcher en se faisant admettre dans son sanatorium, ce dont il profite pour se refaire une santé.

Comme dans le précédent opus, l’enquête se déploie rapidement sur de multiples ramifications. La Kripo -police criminelle-, qui sait qu’elle doit à son ex inspecteur la résolution d’un de ses dossiers les plus difficiles, sollicite l’aide de Gunther pour une sombre affaire de meurtres d’adolescentes qui piétine. C’est ainsi qu’après avoir exercé ses talents d’investigateur pour Goering dans le précédent opus, notre héros, en réintégrant les rangs de la criminelle, se retrouve sous les ordres (bien qu’indirects) de son rival Himmler, devenu chef de toutes les polices allemandes. Navigant entre Nuremberg et Berlin, il croise parmi les autres personnages réels qui s’invitent dans la fiction Julius Streicher, directeur du journal antisémite Der Stürmer à l’origine d’un complot visant à attiser la haine des juifs, ou encore Otto Rahn et Karl Maria Wiligut, dignitaires du régime hitlérien férus d'occultisme.

Sur fond de crise des Sudètes et d’invasion de la Tchécoslovaquie -dans l'indifférence totale des Alliés-, le récit exprime l’effort croissant que réclame la seule capacité à survivre dans l’Allemagne nazie, notamment pour les juifs envers lesquels la persécution prend de nouvelles dimensions, comme le démontre la Nuit de Cristal. Bernie Gunther, bien qu’abhorrant le régime hitlérien et exprimant une lassitude croissante face à la propension de l’homme à l’ignominie, subit lui-même l’influence de la violence et de l’immoralité qui régissent dorénavant la société allemande, en manifestant sa brutalité face à certains suspects. 

"Un requiem allemand" clôt la trilogie. Neuf ans le séparent du deuxième opus. Ravagée par 75 000 tonnes d’explosifs, Berlin ressemble à une acropole réduite à ses décombres, où circuler équivaut à affronter le risque permanent de prendre un mur sur la tête. Ruinée par la vanité des hommes, elle est devenue une ville de femmes, ainsi que celle de vainqueurs qui imposent leur tyrannie à coups de violences et d’humiliations. Les Russes y règnent en maîtres, leur Kommandantur assurant l’impunité à ses agents et soldats, qui en profitent avec excès, à coups de viols et de pillages.

Les Berlinois tentent de survivre entre pénuries et salaires rendus dérisoires par la dévaluation abyssale du Reichsmark. Tout le monde s’adonne au marché noir ou à de sordides expédients pour compléter des rations alimentaires insuffisantes. Bernie Gunther a ainsi découvert que sa femme, serveuse dans un bar fréquenté par les GI, se prostituait à l’occasion pour améliorer leur ordinaire. Ce qu’a vécu Bernie entre 1938 et 1947 est dévoilé par bribes, au fil du récit. On apprend entre autres qu’il a passé une grande partie de la guerre dans un camp de prisonniers soviétiques, où il a appris le russe. Il a depuis repris ses activités de détective, qui cette fois l’amènent à Vienne, à la demande de l’un de ses anciens collaborateur se trouvant en mauvaise posture : accusé du meurtre d’un soldat américain, il est condamné à mort. Prétendant être victime d’un coup monté, il charge Bernie de prouver son innocence. 

Son enquête le met entre autres sur la piste de nazis réfugiés en Autriche -qui malgré sa participation aux crimes du régime hitlérien, affiche une posture de victime- et de juifs traquant les criminels de guerre. A un moment, la multiplicité des acteurs et des organisations, officielles ou non, qui dans ce contexte de post conflit s’espionnent, s’affrontent, ou parfois s’associent, m’a perdue, et j’ai trouvé l’intrigue plutôt confuse.

La force de ce titre réside dans son atmosphère très sombre, tranchant avec le ton vif et narquois qui traversait, malgré un contexte déjà sinistre, les précédents opus. Cette atmosphère reflète l’état d’esprit du héros, plombé par l’horreur des exactions commises par ses compatriotes et par les conditions de vie marquée par les privations et les humiliations que subit la population berlinoise.

En immersion dans la capitale allemande grâce aux descriptions toujours précises que livre le narrateur à l’occasion de ses déplacements, le lecteur suit précisément, au cours des neuf années que balaie la trilogie, l’évolution de l’ambiance et de la physionomie de la ville en une chute aux accents crépusculaires mêlant effondrement moral et dévastation urbaine.

"D’habitude, je n’écoute pas les émissions du Parti. Je leur préfère le son de mes pets."

Le pitch

Allemagne, 1936 – 1947. En toile de fond, la montée en puissance du nazisme, jusqu’à l’apogée du IIIᵉ Reich puis sa défaite et sa ruine. Bernie Gunther, ex-commissaire de la police berlinoise, est devenu détective privé. Désabusé et courageux, perspicace et insolent, Bernie est à l’Allemagne nazie ce que Philip Marlowe est à la Californie de la fin des années 1930 : un homme solitaire, témoin de son époque. Bernie enquête dans les milieux interlopes où ses personnages croisent Heydrich, Himmler et Goering. Trois romans immersifs tout à fait instructifs. L’été de cristal (March Violets, 1989)La pâle figure (The Pale Criminal, 1990) et Un requiem allemand (A German Requiem, 1991).


Pourquoi je vous le conseille ?

Parce que la trilogie cherche des coupables à une époque et dans un pays où des criminels de guerre sont à l’oeuvre. Une sacrée mise en perspective décrite à la hauteur d’un détective qui doit naviguer dans la noirceur de l’époque. Car ce point de vue tout à fait original nous ouvre la porte du quotidien des allemands pendant les années brunes. Pour l’humour discret de notre héros désabusé.

LE DETECTIVE. Pour Bernie, le parfait détective hardboiled (dur-à-cuire) selon les apparences. Un détective philosophe, hermétique à la propagande nazie et tenu pourtant d’enquêter dans l’atmosphère sombre et oppressante du Berlin des années brunes.

LE CONTEXTE HISTORIQUE. Pour la greffe réussie d’un détective – figure classique du genre polar s’il en est – sur l’histoire du régime nazi. Où les enquêtes sur des crimes et actes de délinquance doivent se mener à l’ombre d’un régime des plus criminels. Cette authenticité historique liée à la personnalité de Bernie offre une saga d’une grande originalité.

LE STYLE. Pour le style acerbe et piqué d’humour qui permet de faire passer la noirceur des intrigues, par ailleurs fort bien menées. Intrigues mêlent astucieusement des personnages et des faits réels particulièrement dramatiques à une pure fiction.


L’ouvrage regroupe trois romans de Philip Kerr mettant en scène son personnage Bernie Gunther, et qui se déroulent à Berlin de 1936 à 1947.

Bernie en est le narrateur, et sa voix, qui révèle une personnalité bien trempée, est l'une des caractéristiques les plus marquantes des textes. Cet ancien inspecteur criminel a démissionné de ce poste en 1933, incapable de tolérer les purges opérées par Goering au sein de la police. Après avoir été responsable de la sécurité à l’hôtel Adlon (siège du Bureau des affaires étrangères du Parti national-socialiste), il a monté sa propre agence de détective privé, bénéficiant du vaste réseau d’amis et de connaissances qu’il s’était constitué lors de sa carrière dans la police, et de la célébrité acquise pour avoir été le seul capable de mettre fin aux agissements d’un meurtrier en série. Il enquête sur tout sauf sur les divorces depuis qu’un client ne supportant pas de voir ses soupçons de l’infidélité de sa femme confirmés l’a envoyé à l’hôpital. Lui-même est un coureur de jupons, prompt à laisser traîner les yeux dès lors qu’il croise une femme aux formes généreuses. Il doit, davantage qu’à son physique, son pouvoir de séduction à une désinvolture souvent narquoise et à son sens de la dérision. A l’occasion grossier, il affiche une franchise et une indépendance d’esprit qui peuvent, par les temps qui courent, se révéler dangereuses. 

"L’Eté de cristal" le présente d’humeur maussade suite à la perte de sa précieuse assistante qui s'est mariée à un pilote membre du parti nazi. Il est alors essentiellement occupé par des affaires de disparitions inexpliquées de plus en plus nombreuses, touchant des citoyens juifs, jusqu'à ce qu'il soit engagé par Hermann Six, riche et puissant industriel dont la fille et le gendre viennent d’être assassinés. Gunther est chargé de retrouver le bijou de très grande valeur qui a été dérobé dans le coffre a priori inviolable de la maison du couple. Mais sa curiosité l’incite à franchir les limites de la mission qui lui est confiée, au point de le mêler aux enjeux de la rivalité opposant Himmler à Goering, et de devoir se confronter aux nouvelles figures d’un crime organisé officiant sous couverture de structures institutionnalisées.

Le détective enquête dans une ville que l’accession au pouvoir du gouvernement national-socialiste a rendue obscure et sinistre. La Gestapo y fait régner la terreur à coups d’arrestations arbitraires. Être présumé homosexuel ou sympathisant communiste, avoir omis de pratiquer le salut hitlérien sont des délits qui peuvent vous envoyer en camp de concentration (Dachau ou Buchenwald, entre autres, sont déjà en activité) ou croupir au fond du Landwehr, le canal qui traverse Berlin. La contestation est étouffée par la peur ; la grande majorité des citoyens se bouche les oreilles et ferme les yeux. D’autres, surnommés les Violettes de mars, rejoignent sur le tard le parti nazi. L’approche des Jeux Olympiques, qui se tiendront dans la capitale allemande, laisse néanmoins un bref répit : pour dissimuler sa nature répressive, le nouveau régime allège la censure qui a depuis plusieurs mois fait disparaître de nombreux ouvrages des librairies, et suspend les manifestations trop probantes de son autoritarisme.

"La Pâle Figure" débute dans l’insupportable touffeur de l’été 1938. Gunther a dorénavant un associé, Bruno, ancien collègue de la police qu’il a débauché avant que son manque de sympathie pour le nouveau régime finisse par lui nuire. Ils sont sollicités par Frau Lange pour identifier un maître chanteur qui a pris pour cible son fils homosexuel, dont l’amant est un célèbre psychothérapeute que Gunther tente d’approcher en se faisant admettre dans son sanatorium, ce dont il profite pour se refaire une santé.

Comme dans le précédent opus, l’enquête se déploie rapidement sur de multiples ramifications. La Kripo -police criminelle-, qui sait qu’elle doit à son ex inspecteur la résolution d’un de ses dossiers les plus difficiles, sollicite l’aide de Gunther pour une sombre affaire de meurtres d’adolescentes qui piétine. C’est ainsi qu’après avoir exercé ses talents d’investigateur pour Goering dans le précédent opus, notre héros, en réintégrant les rangs de la criminelle, se retrouve sous les ordres (bien qu’indirects) de son rival Himmler, devenu chef de toutes les polices allemandes. Navigant entre Nuremberg et Berlin, il croise parmi les autres personnages réels qui s’invitent dans la fiction Julius Streicher, directeur du journal antisémite Der Stürmer à l’origine d’un complot visant à attiser la haine des juifs, ou encore Otto Rahn et Karl Maria Wiligut, dignitaires du régime hitlérien férus d'occultisme.

Sur fond de crise des Sudètes et d’invasion de la Tchécoslovaquie -dans l'indifférence totale des Alliés-, le récit exprime l’effort croissant que réclame la seule capacité à survivre dans l’Allemagne nazie, notamment pour les juifs envers lesquels la persécution prend de nouvelles dimensions, comme le démontre la Nuit de Cristal. Bernie Gunther, bien qu’abhorrant le régime hitlérien et exprimant une lassitude croissante face à la propension de l’homme à l’ignominie, subit lui-même l’influence de la violence et de l’immoralité qui régissent dorénavant la société allemande, en manifestant sa brutalité face à certains suspects. 

"Un requiem allemand" clôt la trilogie. Neuf ans le séparent du deuxième opus. Ravagée par 75 000 tonnes d’explosifs, Berlin ressemble à une acropole réduite à ses décombres, où circuler équivaut à affronter le risque permanent de prendre un mur sur la tête. Ruinée par la vanité des hommes, elle est devenue une ville de femmes, ainsi que celle de vainqueurs qui imposent leur tyrannie à coups de violences et d’humiliations. Les Russes y règnent en maîtres, leur Kommandantur assurant l’impunité à ses agents et soldats, qui en profitent avec excès, à coups de viols et de pillages.

Les Berlinois tentent de survivre entre pénuries et salaires rendus dérisoires par la dévaluation abyssale du Reichsmark. Tout le monde s’adonne au marché noir ou à de sordides expédients pour compléter des rations alimentaires insuffisantes. Bernie Gunther a ainsi découvert que sa femme, serveuse dans un bar fréquenté par les GI, se prostituait à l’occasion pour améliorer leur ordinaire. Ce qu’a vécu Bernie entre 1938 et 1947 est dévoilé par bribes, au fil du récit. On apprend entre autres qu’il a passé une grande partie de la guerre dans un camp de prisonniers soviétiques, où il a appris le russe. Il a depuis repris ses activités de détective, qui cette fois l’amènent à Vienne, à la demande de l’un de ses anciens collaborateur se trouvant en mauvaise posture : accusé du meurtre d’un soldat américain, il est condamné à mort. Prétendant être victime d’un coup monté, il charge Bernie de prouver son innocence. 

Son enquête le met entre autres sur la piste de nazis réfugiés en Autriche -qui malgré sa participation aux crimes du régime hitlérien, affiche une posture de victime- et de juifs traquant les criminels de guerre. A un moment, la multiplicité des acteurs et des organisations, officielles ou non, qui dans ce contexte de post conflit s’espionnent, s’affrontent, ou parfois s’associent, m’a perdue, et j’ai trouvé l’intrigue plutôt confuse.

La force de ce titre réside dans son atmosphère très sombre, tranchant avec le ton vif et narquois qui traversait, malgré un contexte déjà sinistre, les précédents opus. Cette atmosphère reflète l’état d’esprit du héros, plombé par l’horreur des exactions commises par ses compatriotes et par les conditions de vie marquée par les privations et les humiliations que subit la population berlinoise.


En immersion dans la capitale allemande grâce aux descriptions toujours précises que livre le narrateur à l’occasion de ses déplacements, le lecteur suit précisément, au cours des neuf années que balaie la trilogie, l’évolution de l’ambiance et de la physionomie de la ville en une chute aux accents crépusculaires mêlant effondrement moral et dévastation urbaine.


"D’habitude, je n’écoute pas les émissions du Parti. Je leur préfère le son de mes pets."


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