Gazer, mutiler, soumettre
4.66 / 5
(22 notes des lecteurs Babelio)
Résumé éditeur
Les nuages de gaz lacrymogènes et les détonations inces- santes composent l’atmosphère désormais habituelle des manifestations en France : des ZADs aux campus, des quartiers populaires aux cortèges syndicaux, toute expression d’une opposition collective à l’État expose aujourd’hui à la violence des armes non létales. Alors qu’un nouveau palier a été franchi avec la répression du mouvement des Gilets jaunes, ce livre propose une analyse critique du recours massif à l’arsenal non létal, principal pilier du maintien de l’ordre à la française.
Les premiers chapitres s’appuient sur une typologie historique, depuis la matraque aux armes sonores, en passant par les multiples grenades, gaz et lanceurs de balles de défense, d’où il ressort que 1) le développe- ment de cet attirail se présente toujours comme une solution purement technologique à une crise de légiti- mité ; 2) l’écart est saisissant entre les prescriptions des fabricants et la pratique policière : bien que conçues comme des armes défensives, permettant de maintenir à distance un adversaire, les forces de l’ordre en font un usage offensif, disproportionné, terrorisant voire tortionnaire – et parfois létal, comme l’exemplifient dramatiquement les décès de Rémi Fraisse, Zineb Redouane et Steve Maia Caniço.
Ceci n’empêche pas l’État et les industriels du secteur d’employer la rhétorique humanitaire pour booster un marché juteux tourné vers l’exportation (chapitre III). L’opacité des contrats et l’intraçabilité des armes jettent l’ombre sur l’utilisation de matériel de fabrication française par des régimes dictatoriaux : le gaz lacrymo- gène français d’Alsetex et les Flash-Balls de Verney- Carron ont ainsi servi à réprimer les populations au Bahreïn en Tunisie et au Congo.
L’intensification de la répression « non létale » a engen- dré de nouvelles pratiques d’autodéfense populaire, qui font l’objet du chapitre suivant : de la recension des blessés et leur politisation à travers des appels au désar- mement de la police, à la protection des manifestants via un équipement de circonstance, l’activité des streets medics, la solidarité et l’inventivité au sein des cortèges, etc. Rocher montre comment ces pratiques sont en retour criminalisées par l’État.
L’ultime chapitre replace l’usage des armes non létales dans le cadre d’un durcissement autoritaire de l’État qui cherche à imposer complètement son agenda néoli- béral, longtemps freiné par la résistance populaire. Le recours à un arsenal d’origine militaire pour régler les conflits politiques domestiques, loin de correspondre à un adoucissement du maintien de l’ordre, apparaît ici comme le corollaire de la suspension des procédures démocratiques en France.
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