Soleil noir
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l’avis des lecteurs
Si je vous dis braquage, vous pensez peut-être George Clooney, Brad Pitt, Julia Roberts, high tech et glamour. Vous avez tout faux. Soleil noir de Patrick Pécherot prend le contre-pied complet de l’imaginaire hollywoodien (ou arséno-lupien).
Quelque part dans une ville où la vie semble s’être arrêtée quatre hommes préparent un casse : Félix, chômeur de 50 ans, revenu dans la maison que son oncle récemment décédé vient de lui laisser ; Simon, l’organisateur, qui tente là son dernier coup pour ne plus jamais retourner en cabane ; Zamponi, petit artisan en train de couler qui, dans sa rancœur et sa détresse se trompe d’ennemis ; Brandon, rappeur surdoué en informatique, perdu dans un monde de slogans simplistes et de violence. Ils vont dévaliser le convoyeur de fond qui passe tous les jours devant chez Félix. Un braquage violent, à l’autre bout de la France, déclenche une grève surprise qui fait tomber tous leurs plans à l’eau. Pendant qu’ils se morfondent en attendant la reprise du travail, Félix, en fouillant dans de vieux papiers redécouvre son oncle, et les fantômes d’un passé pas toujours reluisant.
Patrick Pécherot utilise un genre très codifié, pour l’amener exactement où on ne l’attend pas. On s’attend à une nouvelle histoire de casse, avec préparation minutieuse, contretemps de dernière minute surmontés, puis le coup, et ses conséquences (sans doute négatives, on est quand même dans un roman noir). On se retrouve avec un roman social, et un portrait groupe avec braquage. L’enquête et le suspense arrivent petit à petit, non pas dans une course entre la police et les braqueurs, mais dans la recherche apparemment secondaire du passé d’un défunt.
La grande force du roman réside dans ses personnages : Tous sont saisis dans leur malheur, leurs défauts, leur bêtise parfois, mais surtout leur profonde humanité. Aucun n’est angélique, aucun n’est exonéré de ses fautes, ni de leurs conséquences, mais tous sont compris. A côté du quatuor, donnant son relief et sa couleur au roman, il y a tous les seconds rôles, tous aussi soignés et aimés que les braqueurs. Le vieux boxeur à moitié sonné (il m’a fait penser à Gassman dans Les Monstres de Risi), les patrons du restau ouvrier qui retrouve une clientèle grâce à la grève, les papis miraculés, qui sortent de leur mouroir, la jeune journaliste stagiaire, et le vieux copain un peu casse-bonbons mais tellement fidèle et dévoué. Tous sont justes, tous sont beaux, tous sont émouvants.
Et puis il y a la nostalgie, les sons, les images et les odeurs de l’enfance qui reviennent. Plus loin encore dans le passé, une France qui traitait déjà ses immigrés comme du bétail, variable d’ajustement d’une économie qui prend les hommes quand elle en a besoin et les jette quand ils ont tout donné. Une France qui parlait des Polonais comme elle parle aujourd’hui des racailles de banlieues qu’il faut nettoyer au kärcher.
Il y a tout cela dans ce superbe roman.
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