La commode aux tiroirs de couleurs

Ce livre a de nombreux avis favorables et finalement peu de mauvaises critiques, comme je me méfie des livres qui suscite un tel engouement, j’ai profité qu’il soit au catalogue Audiolib pour me faire ma propre idée. Il est lu par l’auteure elle-même de manière très agréable. J’ai toutefois regretté que de nombreuses phrases en espagnol ne soit pas traduites, car je ne connais pas cette langue, mais il s’agit apparemment de commentaires de l’héroïne et ne pas les saisir ne change rien à la compréhension du livre. Peut-être que dans la version écrite, on a une traduction en note, mais je n’en sais rien. Je l’ai écouté hier d’une traite et j’ai beaucoup aimé, même si ce n’est pas parfait, il s’agit d’un premier roman. Vivant dans un monde de livres essentiellement, n’ayant ni télé ni radio (je sais ça fait vraiment extraterrestre à notre époque !), je savais quand même qu’Olivia Ruiz est chanteuse, même si je ne connais pas ses chansons, je n’avais pas d’attente particulière, si ce n’est de la curiosité vis à vis du succès rencontré par ce livre et c’est plutôt une bonne surprise.

Une jeune femme hérite de sa grand-mère une commode aux tiroirs de couleurs dans laquelle Rita enfermait des souvenirs, elle est psychologue et sait peu de choses sur l’histoire de sa famille, qu’elle découvrira durant une nuit en explorant le contenu du meuble et le journal de la vieille dame. Rita et ses deux soeurs ont quitté l’Espagne à la veille de la victoire de Franco, elles avaient entre cinq et seize ans, Rita en avait dix. Avant de se suicider pour éviter la prison, les parents les confient à un oncle, qui les emmènera dans le quartier gitan de Narbonne où une femme prendra soin d’elles. La vie en France est difficile, les Espagnols y sont mal vus et adolescente, Rita s’enfuira en se faisant passer pour une Française, Joséphine. A Toulouse, elle rencontre Rafael son grand amour, qui n’est pas dupe de son identité. Nous suivons Rita durant toute son existence, chaque tiroir évoquant un souvenir particulier, lié à une époque de sa vie.

Le début du livre est très prenant et agréable, on suit l’histoire de cette famille de réfugiés et de leurs proches. Rita aura une vie bien remplie, entre la France et l’Espagne où elle se rendra au moins deux fois. Elle parle de manière convaincante de l’exil et de sa douleur, du mauvais accueil reçu en France, des violences de la guerre civile avec ses haines implacables. Rita croyait que les républicains étaient les gentils et les franquistes les monstres sanguinaires, elle se rendra compte lors de son deuxième voyage que les résistants sont aussi capables d’atrocités tout à fait comparables et de tuer des enfants pour atteindre les parents. Sa vision de son pays en sera changé à jamais. Libérée de cette croyance, elle saura s’intégrer vraiment à la France, au point de ne rien raconter de l’histoire familiale à sa petite fille. La fin du roman est moins convaincante, l’histoire de la fille de Rita ne tient pas du tout la route…. car si ce sont bien les femmes qui transmettent le gène de l’hémophilie, elles ne peuvent en aucun cas en être atteintes et encore moins en mourir. Ce genre de détail qui relève d’un manque de documentation prétérite tout le roman, étant infirmière ce point m’a sauté aux yeux, du coup je me demande ce que valent les informations sur la guerre d’Espagne par exemple, un sujet que je ne maîtrise pas et sur lequel je ne saurais voir les erreurs s’il y en a. Le dernier chapitre avec l’histoire de Lola est tout à fait inutile et invraisemblable et n’a pas sa place dans l’histoire.

Le style est agréable, même s’il n’est du tout élaboré, mais il ne faut pas oublier qu’il s’agit d’un premier roman, l’auteure a encore une bonne marge de progression. Rita est une battante qui relèvera tous les défis et grandira au fil de l’histoire pour devenir le centre de sa famille. Elle connaîtra l’amour, le chagrin, de nombreux deuils mais en sortira plus forte et prête à se sacrifier pour le bonheur des siens. C’est aussi l’histoire de cette communauté espagnole soudée face au malheur et à l’hostilité des Français, avec une magnifique galerie de femmes courageuses.

J’ai beaucoup aimé ce livre malgré ses quelques défauts et je remercie Netgalley et Audiolib pour cette nouvelle découverte riche en émotion en compagnie de Rita.