Rêve de fer
  • Date de parution 02/02/2006
  • Nombre de pages 384
  • Poids de l’article 206 gr
  • ISBN-13 9782070320523
  • Editeur FOLIO
  • Format 175 x 110 mm
  • Edition Livre de poche
Dystopie et Uchronie Ouvrage de référence de l'auteur

Rêve de fer

3.58 / 5 (207 notes des lecteurs Babelio)

Résumé éditeur

Et si, écoeuré par la défaite allemande en 1918, Adolf Hitler avait émigré aux États-Unis ? S'il s'était découvert une vocation d'écrivain de science-fiction ? S'il avait rêvé de devenir le maître du monde et s'était inspiré de ses fantasmes racistes et belliqueux pour écrire Le Seigneur du Svastika, un roman couronné par de prestigieux prix littéraires ? Étonnante uchronie et terrifiante parodie, Rêve de fer est une dénonciation sans appel et sans ambiguïté du nazisme.

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  • Date de parution 02/02/2006
  • Nombre de pages 384
  • Poids de l’article 206 gr
  • ISBN-13 9782070320523
  • Editeur FOLIO
  • Format 175 x 110 mm
  • Edition Livre de poche

l’avis des lecteurs

Elle est parfois très fine, la frontière entre l’idée géniale et le total four littéraire. Pour être tout à fait sincère, quand la formidable Auriane Velten en personne – lisez After® et Cimqa, vous me remercierez après – m’a mis au courant de l’existence du roman dont nous allons parler aujourd’hui, j’étais aussi chaud que prudent (ouais, j’suis pote avec une autrice de talent, z’allez faire quoi). Chaud, parce que le concept seul est alléchant dans ce qu’il a de plus terrifiant : « Et si Adolf Hitler avait été un romancier de SF ? », mais très prudent parce que forcément, avec une idée pareille, les potentielles raisons d’un échec sont bien plus nombreuses que celles d’une réussite. Évidemment qu’il y a de quoi faire, mais bon sang, il ne faut pas être un·e érudit·e pour se rendre compte que le moindre pas de travers et c’est le plantage malaisant assuré.

Sauf que c’est de Norman Spinrad dont on parle ici, et que le monsieur n’est pas n’importe qui, Jack Barron m’en soit témoin. Et de fait, son Rêve de Fer est une indubitable réussite et un tour de force littéraire infiniment précieux. On est de retour sur une chronique remplie de superlatifs et vide de toute vergogne : accrochez vous à vos slips en cuir.


Rêve de Fer n’est qu’un nom d’emballage, si j’ose dire ; l’excuse pour camoufler la réelle idée de génie de l’auteur, et son vrai sujet. Le sujet central de l’ouvrage n’est d’ailleurs même pas le faux roman écrit depuis le point de vue d’un Hitler ayant fui l’Allemagne pour les États-Unis après la Première Guerre Mondiale et devenu auteur de SF, même s’il en constitue l’écrasante majorité. Le vrai sujet est bien entendu la destruction méthodique et alerte du nazisme – et plus généralement de l’extrême-droite racialiste et eugéniste – par le véritable auteur qui se cache derrière l’ensemble.


Mais quelle idée de génie, me demandez vous, trépignant derrière vos écrans ? Elle tient en deux éléments. Un préambule et une postface, integré·e·s au paratexte fictif de ce roman fictif, quoique pas vraiment fictif, puisqu’il existe, mais on se comprend. J’y reviendrai plus tard : concentrons nous d’abord sur le cœur du texte, Le Seigneur du Svastika écrit par cette version d’Hitler n’étant pas devenu Chancelier en 1933.

Le mot purge serait un euphémisme terrible. Et évidemment, me direz vous, qu’Hitler n’aurait pu qu’écrire une absolue immondice littéraire ; mais paradoxalement, c’est à mettre au crédit de Norman Spinrad. J’imagine que c’est comme pour la comédie : il faut un auteur de génie pour parvenir à écrire aussi mal volontairement. C’est pourri de répétitions, de fautes de syntaxe, d’obsessions malsaines et d’erreurs grossières dans l’expression comme dans la plus basique des logistiques, c’est absolument nul à chier. Et je peux le dire sans scrupules parce que c’est fait exprès, pour une fois. (Immense bravo à la traduction d’avoir aussi bien su le rendre.)

Une sorte de fantasy bas du front avec un héros providentiel faisant une fixette évidente sur la pureté de sa race, désigné comme messie de sa propre cause par des raisonnements – si on peut appeler ça des raisonnements – circulaires aussi abjects que stupides, où tous les problèmes se résolvent magiquement par la seule volonté d’acier de son héros héroïque héroïquement burné, faisant fi de toute logique ou de simple respect des processus scientifiques et techniques les plus simples. La projection évidente et parfaitement réussie des fantasmes malsains d’un homme non moins malsain dans tout ce qu’elle a de glauque et de terrifiant.

Une parodie, une satire, mais vraiment pas drôle. Ou alors uniquement parce qu’elle provoque un rire nerveux né du malaise, de la résonnance avec la réalité et ce qu’on sait aujourd’hui ; là aussi, c’est à mettre au crédit de l’auteur. Pour être tout à fait honnête, et dans le respect le plus criant pour ce que ça suggère de la capacité de transformation de Norman Spinrad, j’ai lu le dernier tiers de ce bouquin en diagonale parce que je n’en pouvais plus de lire les horreurs écrites par son Hitler, devinant son frétillement bien trop réaliste et crédible derrière chaque ligne de massacre ou de glorification d’un eugénisme triomphant.


Mais si ce n’était que ça. À la rigueur, avec simplement l’argument de départ uchronique énoncé clairement sur la quatrième de couverture ou en préambule du roman, le travail aurait déjà été en bonne partie fait ; je pense sincèrement que n’importe qui avec un minimum d’éducation historique ou politique, voire de décence, aurait tout à fait compris où Spinrad voulait en venir. Par son existence même et son effort évident d’incarnation du pire de ce que représente et souhaitait Hitler, dans sa version fictive ou réelle, ce faux roman seul est une démonstration implacable et brillante de l’impasse morale et matérielle que son idéologie promet.

Mais comme je l’ai dit, Norman Spinrad est allé un tout petit peu plus loin, en rédigeant un préambule et une postface nous éclairant un peu sur le contexte dans lequel Adolf Hitler aurait écrit son roman, primé d’un prix Hugo posthume en 1953. Et comme souvent, ce sont ces détails qui pour moi changent absolument tout, conférant au roman Rêve de Fer son supplément d’âme le faisant passer d’un exercice de style brillant et féroce à charge de démolition conceptuelle.

Parce qu’en faisant ce choix de contextualisation, Spinrad inscrit de fait Le Seigneur du Svastika dans une réalité concrète, bien au-delà de faire lui-même la méta-chronique de son propre bouquin fictif, ce qui est déjà un coup de génie conceptuel en soi. En nous écrivant un roman abject récompensé d’un prix Hugo dans un contexte où le nazisme n’a pas réellement existé, mais où ses idées ont trouvé une expression littéraire populaire, il nous montre d’une façon assez implacable à quel point des champs qu’on pourrait considérer comme purs ou du moins imperméables à la crasse sont en fait terriblement poreux.

C’est particulièrement prégnant dans la postface, indiquée comme étant celle adjointe à une deuxième édition – détail qui tue – où on peut lire un intellectuel lettré nous expliquer à quel point le roman qu’on vient de lire est mauvais et rempli de choses affreuses ; mais où, en même temps, entre les lignes, on peut le lire se laisser tenter par certaines des idées défendues par Hitler, apparemment à son corps défendant. Non seulement c’est encore une démonstration hallucinante du talent d’écriture de Spinrad, qui parvient à être infiniment clair sur ses propres intentions au travers de l’ambiguïté de ce qui n’est après tout qu’un personnage outil, mais c’est aussi et surtout une manifestation incroyable de la puissance de la force brute des idéologies qu’il dénonce dans l’ensemble de Rêve de Fer.


Est-ce que c’était une lecture facile, plaisante ? Non, pas toujours. Là où une caricature hallucinée et jusqu’au-boutiste aurait pu être cathartique parce que comique, Norman Spinrad a fait le choix de la violence froide et clinique. À une époque où il aurait pu sembler évident que le nazisme et tous ses avatars étaient le pire chemin possible, il a fait le choix d’opérer une piqûre de rappel aussi brutale que possible, tout en parvenant à y injecter une subtile mais décisive lucidité.

Et franchement, je trouve ça absolument incroyable. Brillant. Démentiel d’audace.

Le genre de bouquin qui frappera toujours aussi juste en dépit de tous les événements et bouleversements que nous pourrons vivre. Qui rappelle justement et implacablement que le fascisme, c’est la putain de gangrène.

Et ça, ça ne fait jamais de mal, même si ça pique un peu au moment de s’en souvenir avec toute l’acuité nécessaire.

M’sieur Spinrad, vous êtes et demeurerez à jamais un grand. [Jugement soumis à conditions d’affaires gênantes tues et/ou dont je n’aurais pas encore connaissance.]

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